J'ai peur de ce que ma fille peut dire à l'extérieur !

Portrait de Aglaé

Bonjour Smile

Alors voilà; ma fille, Louise, presque 28 mois, parle extraordinairement bien. Si elle a marché "tard", elle a parlé "tôt" et ne présente visiblement aucun blocage sur la parole ! J'ai parfois eu l'impression que c'était "normal" mais lorsque je me retrouve face à d'autres enfants de son âge, je réalise bien qu'elle est en avance, à ce niveau-là. Sa nounou me le dit aussi.

Quoi qu'il en soit, mon inquiétude se situe ailleurs, bien qu'en lien avec la parole.

Ce qui m'a poussée à vous écrire vient du fait que ce matin, ma fille "jouait" dans son lit, et que son jeu consistait à gronder ses peluches, son doudou et, concrètement, qui voulait bien être grondé !! Je sais bien que son doudou doit être le réceptacle de ses humeurs, ses joies, ses colères...(pauvre doudou !) et c'est bien le cas ! 

Mais ce matin, voici ce que criait ma fille de manière très claire, ferme et affirmée : "J'en ai marre ! Ne tape pas Louise ! Maman, ne tape pas Louise ! Non ! Papa, ne tape pas Louise ! Tu m'écoutes pas ! J'en ai marre ! Arrête maintenant !"

Et hier, elle a grondé son doudou de la même manière. Elle l'a jeté par terre en le tapant et lui sommant de ne pas la taper...

Donc voilà pourquoi je me pose des questions.. Et si jamais elle allait raconter ce genre de choses à l'extérieur ? Lorqu'elle sera à l'école ? C'est probablement idiot, comme questionnement...

Surtout que nous ne sommes pas des violents, dans la famille ! Nous n'avons jamais levé la main sur elle. Au contraire, c'est elle qui a tendance à taper parfois. Je sais que sa nounou n'est pas violente non plus.

Est-ce que vous pensez que c'est un passage obligé pour son âge ? 

Merci d'avance pour vos réponses Smile

Portrait de Claire M. Psychanalyste

Bonjour Aglaé,

En psychanalyse, le jeu est considéré un moyen pour l’enfant de créer un espace de transition entre son monde imaginaire (dans lequel il peut être tout puissant, dire et faire ce qu’il veut) et la réalité (qui est bien différente et donc angoissante) : en effet, votre fille semble avoir besoin d’exprimer une certaine agressivité, comme tous les enfants et elle utilise cette opportunité du jeu. Qui tape et qui est tapé ? Sa Maman, son Papa, son Doudou, elle, peu importe  dans le jeu.Ce qui compte, c'est qu' « il est tapé » ou qu' « il est grondé », dans le sens ou quelqu’un tape quelqu’un ou quelqu’un gronde quelqu’un.

Vous dites qu’elle a parfois tendance à taper réellement, donc à exprimer son agressivité de manière inacceptable. Dans son jeu cependant, elle semble avoir trouvé une solution acceptable, un bon compromis en quelque sorte. Effectivement, c’est un passage obligé pour tout être humain d’éprouver de l’agressivité et de trouver un compromis acceptable, c'est à dire dans le respect de l'autre, pour l’évacuer.

J’espère que vous me permettrez d’ajouter ce qui me vient à l’esprit en lisant votre com. Un peu comme les enfants,  nous ,les adultes,  projetons dans notre vie de manière parfois un peu moins rudimentaire, simpliste que dans un jeu d’enfant, notre « monde intérieur », tel un petit cinéma quand nous parlons.  Ainsi, vous semblez vous aussi dans ce que vous dites, parler d’un certain scénario :  à l’extérieur, dans une école,  il « serait parlé », « levé la main », il « serait jugé idiot », il y aurait un « blocage de la parole » ou quelqu’un « ne serait pas écouté », «il serait trop tôt » . Vous avez évoqué dans un précédent post que vous deviez travailler pour un  oral très important pour vous, un « passage obligé ? ».  Peut être la perspective de cet examen réactive-t-il certaines angoisses, qui vous inciteraient à vous questionner sur tout cela, y compris par rapport à votre âge .   

Si  je peux encore me permettre ,  vous évoquez aussi  un « parler extraordinairement bien », cela pourrait peut-être vous rassurer à ce sujet.

Cordialement.

Portrait de Cécile

J'ai bien aimé le commentaire de Claire. M Psy. Il relativise cette agressivité que nous portons tous en nous et qui a besoin de se décharger. Chacun sa méthode. Par exemple, l'humour... Hier, j'entendais, sur une chaine de radio spécialisé dans les scketchs, les insanités que lâchait l'humoriste. La foule riait de bon coeur ! Preuve en est que l'adulte a besoin d'entendre dire par un autre ce qu'il ne s'autorise pas à dire ou à faire en société ! Et heureusement. Il s'agit d'une sorte de catharsis qui permet d'évacuer l'angoisse. Toute petite, je me souviens que les WC étant à l'extérieur de la maison, j'en profitais aussi pour me défouler en paroles. J'inventais même un langage émotionnel ! Le lieu était idéal pour projeter (rires !). A mon avis, vous n'avez pas à vous inquiter du cinéma de votre fille : c'est le sien et il est intime : laissez-le lui ! Amitiés !

PS : et puis n'oubliez pas qu'au Japon, certaines entreprises ont instauré, au moment de la pause, un moment où les ouvriers fustigent le patron symbolisé par une image. Ils ont le droit de lui envoyer même des projectiles !-)

Portrait de Aglaé

Merci infiniment pour vos belles réponses et excusez-moi de vous répondre si tardivement.. Il y avait là matière à réfléchir, penser, analyser et j'ai eu besoin de prendre ce temps !

Je suis bien d'accord avec vos messages à toutes les deux. Je pense que le comportement de ma fille réactive surtout des angoisses chez moi, notamment par rapport à ce "passage obligé" de l'oral à venir...et aussi de la culpabilité en lien avec la séparation d'avec son père.

Claire, votre dernier paragraphe me fait repenser, avec émotion, à mes premiers jours d'école. Je ne parlais pas un mot ni ne comprenais même le français et je restais "muette", m'exprimant essentiellement avec les gestes, et je me souviens des réactions verbales violentes et agacées des institutrices qui me sommaient de "parler, bon sang !" Peut-être une piste à creuser Smile

Vous reprenez aussi les termes "jugé idiot" qui me renvoient non à une mais à nombreuses de mes séances analytiques. En effet, ayant un frère schizophrène, cette "différence" m'est angoissante.

Je sais que ma fille cherche les limites, s'autonomise et teste ... "the terrible twos", comme on dit chez moi ! Je dois tenir bon tout en ne projetant pas sur elle ce qui ne lui appartient pas.

Merci encore mille fois pour m'avoir "écoutée et parlée" ! Wink