J'ai peur pour mon fils

Portrait de Néfer

Bonjour

C'est la première fois que je viens discuter sur un forum.

Mais là je n'en peux plus de moi.

J'ai toujours eu peur pour mon fils depuis qu'il est né. Peut-être parce que son père n'a pas voulu le reconnaître et que je l'ai élevé seule. Il a 21 ans maintenant. Il sort beaucoup le week-end. J'imagine le pire. Encore un long week-end qui m'angoisse.

J'ai fait une psychothérapie pendant trois ans. Ma psychothérapeute me disait que mes angoisses venaient de ce que mes deux parents étaient alcooliques (plus ma mère que mon père). Et que je projetais cette maladie sur mon fils. Je ne peux pas dire le contraire : j'ai toujours eu peur que mon fils devienne alcoolique.

Je me suis investie dans mes études pour quitter l'horreur de mon milieu familial (père ouvrier d'usine, mère au foyer, sale, qui ne fichait rien à la maison et qui roupillait une grande partie de ses journées). Je suis devenue avocate. C'est à la suite de démêlés avec la justice qu'il a eus que j'ai rencontré le futur père de mon fils. Coup de foudre pour moi. Financièrement, cet homme était un gouffre. J'acceptais tout de lui. Grossesse. Abandon. Définitif. Disparu dans la nature. Complètement immature, il a préféré laisser sa place dorée au fait de prendre ses responsabilités paternelles. Plus jamais de nouvelles. Je n'ai même pas cherché à savoir ce qu'il devenait. Un jour j'ai appris sa mort (infarctus. L'alcool et les drogues avaient eu raison de lui).

Ma psychothérapeute a toujours pensé que je n'arrivais pas à couper le cordon avec mon fils par peur du regard des autres. Cette foutue honte qui me colle à la peau depuis l'enfance. D'après elle, je n'aurais pas choisi ma profession par hasard. Dans la "balance", je peux voir et côtoyer les deux visages humains : la déchéance des accusés et la propreté des Hommes de loi... Le compte est bon ! Toujours d'après ma thérapeute, c'est mon orgueil qui me joue des tours : tant que je n'aurais pas réglé ce défaut, mon fils me fera peur. Elle m'a toujours affirmé que j'entretenais une relation pathologique avec lui à cause d'un narcissisme déplacé. Je dois reconnaître que dès qu'il est venu au monde j'ai voulu le meilleur pour lui. Les plus beaux vêtements, les plus beaux meubles pour sa chambre, les plus beaux jouets, les plus belles vacances... Résultat mitigé pour lui à la sortie ! Mais il a sa route à faire avec ce  barda... Ça je le sais.

Ma psychothérapeute est partie à la retraite. Je n'ai pas envie de consulter encore quelqu'un. J'ai compris son raisonnement. C'est à moi de changer. Mais comment stopper cet orgueil qui serait donc la cause de mes peurs ? Comment me défaire de la peur du regard des autres ? 

Si toutefois vous avez une autre explication que celle de ma thérapeute, j'accepte volontiers que vous me la livriez. En revanche, de la vérité je n'ai pas peur.

Merci de votre écoute.

Néfer

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Bonjour, Néfer

Cet orgueil, nous y sommes tous confrontés. Au niveau inconscient, il consiste en une sorte de toute puissance qui nous fait croire que nous allons animer indéfiniment le monde à notre avantage. Certes vos parents étaient immatures et vous avez dépensé une belle énergie à vous réaliser socialement. N'importe qui ne peut pas devenir avocate et votre parcours est exemplaire. Cependant votre inconscient s'est arrangé pour vous " rattraper " - le surmoi, juge et censeur peut-être redoutable -, en attirant un homme immature (à l'image de votre père). Le  compte est bon, écrivez-vous ! Et vous avez raison. Vous avez en quelque sorte (avec vos galères affectives) réglé votre dette inconsciente en ce qui concerne le complexe oedipien . Il me semble qu'il est tant de passer, après vos prises de conscience guidées par votre thérapeute,  à ce stade  qui consiste à accepter d'où vous venez. Vos parents, compte tenue de leurs histoires respectives, ont fait ce qu'ils ont pu avec leur fille, tout comme vous avez fait ce que vous pouviez avec votre fils. Désormais, il est plus que majeur. Faites-lui confiance. Lorsqu'on voit votre parcours professionnel, il ne peut que faire mieux, mais différemment.

Il est temps, Néfer, de faire la paix avec vos géniteurs, seule manière de lâcher-prise, et de vous libérer de vos angoisses. Vous dites que vous n'avez pas peur. C'est le moment où jamais de faire confiance en votre destinée, que de toute manière, vous ne pourrez pas changer. J'espère sincèrement avoir pu vous aider, sachant que vous seule avez votre mode d'emploi.

Je vous souhaite une excellente fin d'après-midi et pardonnez-moi d'avance si mon intervention n'a pu vous être d'une aide suffisante.

Gilbert. R.

Portrait de M.Christine

Bonjour Nefer,

Je viens juste donner mes impressions .

D'après ce que vous racontez, vous semblez devoir tout porter (là est peut-être le fameux orgueil...) . Vous avez sans doute, depuis très jeune, eu à porter beaucoup de responsabilités, vous débrouiller seule . Vous avez peur pour votre fils, comme vous aviez peut-être peur pour vos parents, ou pour vous-même, vu le contexte familial . Oui, je crois que quand on s'inquiète pour quelqu'un, on s'inquiète pour une partie de soi . Ce qui est légitime dans votre cas, mais pas irrémédiable .

Votre fils n'est plus un enfant, et ce qui me frappe, c'est qu'on ne sait rien de sa personnalité, de sa manière de vivre la situation, de ses opinions . Il est cher à votre coeur, mais on ne sais pas si vous communiquez avec lui beaucoup . Que pense-t-il de votre angoisse ? Celà le perturbe-t-il ? Comment réagit-il ? Lui avez-vous déjà avoué franchement ce qui vous tourmente . Il peut avoir envie de sortir en boîte pour échapper à trop de pression ...

D'autre part, une profession n'est jamais choisie au hasard . Un avocat plaide pour défendre une cause . Quelle cause aviez-vous envie de défendre lorsque vous étiez enfant ? Celle de vos parents par rapport à la société ? Celle d'un parent contre l'autre ? La vôtre, pour prouver que vous n'étiez pas comme eux ? 

Vous sentiez-vous une âme de sauveur ? D'après ce que j'ai compris, vous étiez même prête à "garder" le père de votre fils et à l'entretenir, en assurant la survie de tous, quitte à mettre de côté vos propres besoins, vos propres envies, votre chemin personnel, l'appel de votre âme .

Je pense que le narcissisme dont parlait votre thérapeute concernait le fait de vous croire indispensable pour les autres, de voler au secours des faibles, de vous croire forte et de sous-estimer la capacité de rebondir de tout être humain, en un mot : de leur faire confiance . J'ai connu personnellement cette situation . Un être en état de faiblesse nous rappelle notre propre détresse d'enfant, et on croit y remédier en sauvant les autres . Je crois que vous devrez, un jour ou l'autre, reconnaître cette faiblesse en vous pour la transcender (si ce n'est déjà fait) . Je sais que c'est difficile, pour une personne qui se sent obligée de tout contrôler, de reconnaître sa fragilité car elle l'assimile à un effondrement, un chaos, ou au mépris des autres . Mais ce n'est pas le cas . Au contraire, beaucoup apprécient de voir la personne plus humaine, moins rigide ...

Par ailleurs, votre fils n'est pas votre père ni votre mère . Il est une autre personne . Il n'y a pas de raison de projeter sur lui les ombres de ses ancêtres . Il a une vie à vivre, la sienne . Elle sera forcément différente car rien ne se répète jamais à l'identique .

Parlez avec lui . Demandez-lui comment se passent ses soirées entre amis . Abordez le problème de l'alcool en essayant de ne pas y mettre trop d'émotions . Enfin, tout cela si ça peut vous rassurer ... Il est majeur, mais 21 ans, ce n'est pas très vieux non plus . C'est un âge où on a encore besoin de l'exemple et des conseils de personnes d'expérience .  

Voilà, Nefer, tout ce qui me vient à l'esprit . Je vous réponds par des questions et quelques conseils en rapport avec mon vécu personnel . Le tout n'est pas forcément cohérent, mais évidemment, vous ferez le tri et prendrez ce qui peut éventuellement vous aider à avancer . Votre histoire n'est pas banale et interpelle .

Je vous souhaite sincèrement de trouver une heureuse issue et je suis persuadée que d'autres intervenants viendront encore enrichir cette discussion par leurs points de vue tous aussi intéressants les uns que les autres, comme d'hab . 

Portrait de Allain

Bonsoir Néfer et bienvenue,

Votre psychothérapeute vous a fait faire un sacré chemin... Vous donnez l'impression de comprendre votre désarroi, vous avez les clefs mais vous avez peur de vous en servir...

Compte tenu des réponses détaillées qui vous ont été faites et étant psychanalyste chrétien, je me permettrai de mettre l'accent sur la notion de destinée : j'ai acquis la conviction que tout est écrit et que c'est à chacun de dégager un enseignement de chaque difficulté qu'il "reçoit" pour ne pas forger et fortifier une haine de soi et donc des autres. En sachant que la haine s'appuie sur des jugements de valeur morale en général excessifs. Gilbert R vous parlait de surmoi : cette instance peut être psychorigide en fonction d'une filiation majoritairement aussi religieuse qu'étriquée, le milieu social n'ayant rien à voir avec tout cela... Je vous disais donc que j'ai intégré le fait que tout est écrit. Pas plus tard qu'hier soir, j'ai regardé une émission de télévision : évoluaient des triplés de deux ans. Leur ressemblance était frappante et déconcertante mais un des trois enfants présentait un handicap congénital avec un moignon en lieu et place de l'avant-bras et du poignet. Pourquoi lui et pas ses frères ? "Les voies du Seigneur sont impénétrables" et, à mon sens, il n'est pas utile d'emprunter ce chemin interrogatif pour avancer en confiance et en paix.

Votre incarnation est très douloureuse. C'est un fait. Mais lorsque vous vous inquiétez quant à votre fils, plutôt que de ressasser ce mélange libidinal de passé et de présent, confusion qui pollue ce présent, ayez le réflexe de voir ce jeune homme en tant que miroir des erreurs psychologiques que vous commettez :

. Il vous répond ? Que cherche-t-il à vous faire comprendre ?

. Il sort trop ? Quel message vous adresse-t-il ?

. Il ne sent pas l'alcool quand il rentre de boîte ? Pourquoi cela vous étonne-t-il ?

. Il sent l'alcool quand il rentre de boîte ? Pourquoi en étiez-vous sûre et sur quels critères vous basiez-vous pour en avoir la certitude ?

...

Je peux vous assurer que si vous acceptez d'être renvoyée à vous chaque fois que votre fils vous inquiéte, et quel que soit le motif de votre inquiétude, vos peurs vont se diluer pour finir par disparaître car je vous soupçonne d'avoir peur de vous, de démons qui n'existent que dans votre imagination... Quant à votre fils, laissez-le vivre ce qu'il a à vivre : de toute façon vous n'y pourrez rien changer... Sa mère est responsable, son éducation a été bonne, vous êtes à son écoute... Vous n'en avez pas autant reçu et, pourtant, votre réussite professionnelle témoigne que vous avez fait de vos failles de l'enfance un superbe parcours. Pourquoi votre fils, malgré l'absence de la jambe paternelle, n'y parviendrait-il pas ?

Pour ma part, je vous adresse ma confiance à tous les deux...

  • Belle Pentecôte Néfer, d'autant que vous n'avez pas envoyé votre post à n'importe quelle période calendaire...

Allain

Portrait de Néfer

Je tiens à remercier tout le monde. Je voudrais juste vous préciser Allain que l'agencement de votre post m'a été très instructif. D'abord votre croyance en ce que tout est écrit : l'exemple de ce petit triplé handicapé m'a convaincue... Après, ce retour sur moi à faire chaque fois qu'une inquiétude -toujours la même- essaye de me rendre malade. Ensuite je pensais pouvoir aider mon fils à changer : c'est idiot de ma part quand je considère ma profession et tous ces êtres que l'on voudrait sortir de là et qui persistent à se faire enfermer ...

J'aimerais préciser que j'ai été émue par le mal que vous vous êtes tous donné.

Je reviendrai sur ce forum de discussion et quand je considèrerai que je peux apporter quelque chose d'intéressant, d'adéquat, aider sérieusement, je le ferai à mon tour.

Bonne soirée.

Néfer

Portrait de Orlan

Merci Néfer pour ce post. Je suis à peu près certain qu'il parlera à beaucoup de parents inquiets et qui voudraient ne plus l'être...

J'ai tout lu attentivement parce que je commence déjà personnellement à flipper avec mon ado qui continue à grandir et à se diriger vers sa majorité ! 

J'aimerais moi aussi régler ce problème tant qu'il en est temps car je sais que les inconscients communiquenf et que mon fiston sentant mes angoisses peut en profiter pour chercher à " tuer le père " en lui foutant des trouilles pas possibles... C'est déjà ce qu'il fait avec les études...

Portrait de Alicia

Si vous permettez ... je confirme ... que ce que dit Néfer et les réponses qui sont faites à la suite m'ont personnellement permis de bien réfléchir à mes peurs de mère ... et c'est vrai que je commence a un peu  comprendre que ces peurs qui viennent de moi c'est à moi à les stopper ... sinon , d'uen certaine façon , je mets mon fils en difficulté ... C'est sur que j'ai du boulot ! merci vraiment à tous le foromers ici !