Je ne suis pas à l'aise avec la compassion

Portrait de Danièle-Dax

J'entends beaucoup parler de compassion. À tout bout de champ, nous est asséné qu'il faut avoir de la compassion. En fait, quand j'entends ce terme, je ressens une impression péjorative, comme plaindre ceux que je considère plus malheureux que moi et je trouve ça prétentieux de ma part... Mais je finis par me demander, malgré plusieurs définitions que j'ai lues quant à ce mot, si je comprends bien, au fond de moi, ce qu'il signifie.

Est-ce que vous pourriez me donner votre interprétation personnelle car je me demande si je ne passe à côté d'un processus altruiste important que je n'ai pas mesuré ?

Portrait de Isabelle

Moi aussi, la compassion c'est quelque chose qui me met toujours mal à l'aise, encore aujourd'hui... peut-être parce que je reste avec une confusion avec la pitié ? Pour moi, que la compassion soit "réelle" en tant que vertu, venant du Christ, là oui ! Mais si j'essaie quand même un peu de comprendre et mettre en application ce que le Christ à transmis pour l'Humanité... Je reste pour l'instant (et pour encore beaucoup d'incarnations !) à des années lumières d'une telle dimension... Dans la compassion, j'entends aussi une dimension du Pardon Christique... Oui ! Mais sans vouloir "me défiler" au sujet d'un ego fort peu humble... J'ai déjà tant de difficultés avec un "tendre l'autre joue"... D'ailleurs, il s'agit peut-être d'une part de compassion, dans le bon sens du terme, sans masochisme...

Portrait de Jean

Il me semble que ce terme de compassion est de plus en plus à la mode depuis que le Bouddhisme, surtout grâce à la médiatisation du Dalaï Lama, attire les Occidentaux devenus un peu rebelles au Christianisme et son côté, il faut le dire, parfois doloriste. Je crois que le Bouddhisme insiste sur l'interconnexion des êtres. Si compassion induit " souffrir avec ", il ne s'agit pas, à mon sens, d'une sorte de pitié malsaine qui induirait une notion de prétention, comme vous le dites Danièle. Pour ma part, je pense qu'il s'agit plutôt de prendre en compte la souffrance d'autrui car elle a quelque chose à nous dire, elle nous connecte à notre alter ego (semblable mais différent). Je m'interroge aussi sur la plus juste interprétation possible et suivrai avec grand intérêt cette discussion.

Portrait de M.Christine

Tout à fait d'accord avec les témoignages ci-dessus .

Je trouve votre question extrêment intéressante et importante, Danièle .

Le risque est en effet de confondre pitié et compassion .

D'après ce que j'en sais la pitié est d'ordre moral, et la compassion d'ordre spirituel .

Dans la pitié interviennent les émotions : il faut souffrir avec, ressentir la même misère, la même souffrance que l'autre parce qu'an fond on se culpabilise d'être privilégié, ou alors on croit qu'il est de notre devoir moral de soutenir l'autre en vivant la même chose que lui . Mais dans ce cas, on est deux ou plusieurs à souffrir et cela n'apporte aucune aide sinon un réconfort illusoire qui ne résout rien . On "plonge avec", on renforce ainsi le dramatique de la situation, au lieu de prendre du recul .

Dans la compassion, on voit, on comprend, on peut ressentir la souffrance de l'autre mais on n'y participe pas, on ne plonge pas dedans, on relativise . On a une altitude spirituelle suffisante pour voir la personne dans sa dimension divine avec tout son potentiel, toute la force, la joie, l'heureux dénouement possibles derrière cette souffrance, sachant qu'elle est un passage provisoire . Ainsi on peut apporter à celui qui est englué dans sa souffrance une perspective de lumière au bout du tunnel, un véritable souffle d'espoir, d'optimisme, qui lui donnera la force et un nouvel élan pour en sortir .

Portrait de Juliette

J'ai lu une définition où il était dit que la compassion s'est ressentir la souffrance de l'autre, animé d'une intention d'amour. Je pense qu'il s'agit de tenir compte de la souffrance de l'autre dans sa façon d'être avec l'autre pour ne pas l'abimer plus. Une capacité d'adaptation face à la souffrance de l'autre.

Portrait de Mireille-cogolin

Il y a quelques années, j'avais soulevé à peu près la même question auprès d'un prêtre.

Au sujet de la compassion, il m'avait expliqué que cet élan vers l'autre ne peut être que s'il est débarrassé de la moindre petite colère. Il avait pris comme exemple le cas de Sainte Rita dont le mari manifestait tous les défauts les plus insupportables. Un jour où on avait demandé à cette femme comment elle avait fait pour le supporter, elle avait répondu que le plus à plaindre des deux, c'était son époux... Le prêtre avait souligné que, de fait, elle donnait à comprendre que l'épouse n'avait pas de colère vis-à-vis de son conjoint...

J'ai beaucoup travaillé sur cet axe partant de là. J'ai saisi alors que j'étais toujours en colère après mon mari décédé si jeune... C'était très égoïste de ma part : je lui en voulais de m'avoir laissée...

Ce prêtre, comme vous le signalez dans vos commentaires, m'avait dit aussi que beaucoup de personnes confondaient la pitié et la compassion. Ainsi, une de mes voisines qui a le complexe du sauveur comme on dit mais qui ne fait jamais rien de concret... Pas plus tard qu'hier, elle m'a apostrophée sur ces migrants qui se retrouvent sur des embarcations précaires au risque de leur vie, qu'ils perdent d'ailleurs souvent... Au début de la conversation, elle les plaignait, jusqu'au moment où elle a ajouté qu'ils étaient irresponsables de quitter leur pays dans ces conditions et qu'il fallait encore accueillir ces étrangers, comme si on n'en avait pas assez ! Elle m'a sidérée avec son raisonnement : un peu de pitié et beaucoup de colère... Ce genre de dérapage est valable pour moi dans la relation que j'ai avec ma sœur. Avec elle et même si j'essaie de m'améliorer, je sais que j'ai de la pitié mais pas encore de compassion parce que je suis en colère quand je vois qu'elle a tendance à " dérailler " en projetant sa haine sur moi. Mon désir le plus fort serait que, quelle que soit l'attitude de mon interlocuteur, y compris des " étrangers ", ma colère profonde ne soit pas cachée par de la pitié. J'aimerais arriver à vivre avec une réelle compassion au quotidien, jusqu'à celle que je pourrais ressentir pour la personne qui me dérange le plus, et pour mes " ennemis " bien entendu... Si j'y parviens, je crois que je n'aurai pas raté ma vie... Mais cette perspective me semble encore inatteignable pour moi...

Portrait de Danièle-Dax

Vos éclairages m'ont donné des réponses au-delà de ce que j'espérais... Ils ont surtout révélé les nombreuses erreurs peu " charitables " que je commettais facilement...

Vos précisions sont pour moi beaucoup plus précieuses que ce que mes mots pourraient traduire...

Tout comme Mireille-cogolin, je vais essayer de dépasser mes colères trop spontanées, trop instinctives, pour pouvoir envisager d'entrer " en compassion "... Je sais que ce ne sera pas facile pour moi avec le carctère que j'ai mais ce programme spirituel me plaît bien et a déjà ensoleillé ma journée...

Excellent week-end et merci encore...

Danièle