Le conflit de la famille Lambert ?

Portrait de Gilbert

Au-delà de la question de l'acharnement thérapeutique et de l'euthanasie, il semble qu'un douloureux conflit oppose la femme de Vincent Lambert et sa mère. J'ai écouté un débat radiophonique dans lequel les avis étaient partagés (témoignages d'infirmiers, de parents, de journalistes...). on a l'impression que la question reste insoluble. J'ai hésité à poster ce sujet dans " Développement spirituel " car il me semble que dans cette histoire le psychologique touche le spirituel, l'éthique, la question de la vie et de la mort. J'avoue que cette médiatisation me met mal à l'aise mais en même temps m'interroge. Avez-vous un avis tranché sur la question ? Pensez-vous qu'on en fait trop, que mon interrogation est déplacée ? Vos points de vue sont les bienvenus dans la mesure où il me permettront peut-être d'y voir plus clair en moi. Merci !

Portrait de Viviane

Je reste persuadée qu'aucun être humain n'a droit de mort sur un autre... Pourtant toute l'Histoire de l'Humanité est aussi faite de celà, ne serait-ce qu'avec toutes les guerres... Mais je pense aussi, qu'effectivement il y a un conflit évident entre l'épouse et la mère de cet homme. Ce qui fait poser question, c'est le fait même qu'il y ait une véritable division familiale, puisqu'il y a 6 frères et soeurs qui vont dans le sens de l'épouse, en argumentant, que Vincent Lambert n'aurait pas souhaité être maintenu en vie de façon artificielle. De l'autre côté, les parents et une soeur et un demi-frère s'opposent à un arrêt de la prise en charge...

Portrait de Gilbert

Merci Viviane pour ces infos que je ne connaissais pas. On a vraiment l'impression, comme vous l'implicitez, d'une guerre de clan. Sauf que le bouc émissaire n'a pas (en tout cas au conscient) son mot à dire. Je pense aussi que l'inconscient de Vincent Lambert n'a pas attiré cette situation par hasard...

Portrait de cricri

Vous soulevez des questions qui me semblent d'une grande importance...

En ce qui me concerne, je ne pense pas que la médiatisation soit excessive. Ce problème de l'euthanasie reste crucial. Mais, selon moi, les responsables sont les médecins et je pèse mes mots. J'ai suivi un certain nombre de débats sur cette question qui tournait autour de cette famille Lambert. Jamais, jamais un spécialiste de la médecine s'occupant de cas identiques n'a été consulté. Des médecins généralistes oui, mais jamais de scientifiques venant clairement expliquer les souffrances et les douleurs, la détresse, même hypothétiques, chez ces patients qui sont toujours là sans être là. Malheureusement, je sais de quoi je parle. Ma mère, à la suite d'un AVC massif et en fin de vie, a été " débranchée " comme on dit, avec une injection fatale. Au préalable, le médecin qui s'occupait d'elle m'a reçue dans un couloir (!!!) au milieu d'un va-et-vient incessant de personnels hospitaliers et de visiteurs... Il m'a parlé du fait que ce serait " mieux " pour elle. Sans aucune explication autre. Il m'a demandé ce que j'en pensais ! Ce que je pensais qu'on puisse donner la mort à ma mère ??? J'ai répété mécaniquement la phrase laconique de cet homme : " Faites ce qu'il y a, selon vous, le médecin, de mieux pour ma mère "... J'étais abasourdie. Sauf que je ne savais pas qu'elle allait agoniser et souffrir pendant 3  jours et 3 nuits... Sinon, je m'y serais opposée catégoriquement ! Ma mère s'est retrouvée entre les mains d'un infirmier-chef (!!!) qui supervisait le travail de l'infirmière (!!!). Disparition du médecin... Ma mère s'est donc retrouvée plongée dans un état semi-comateux, par la science, mais elle est devenue très agitée et comme son cœur ne voulait pas lâcher, les doses létales ont été augmentées. Elle se déshydratait. Je voyais qu'elle avait soif. Je lui humectais les lèvres. C'est tout ce que je pouvais faire. J'ai pris la décision de lui parler à un moment. Je lui ai demandé si elle avait mal : contre toute attente, elle m'a fait oui avec sa tête. Un peu plus tard, elle m'a adressé un geste de la main et m'a fait au revoir comme une petite fille. Donc elle a saisi qu'elle quittait cette dimension. Mais son agonie a encore continué de longues heures... Non seulement j'ai eu un sentiment d'impuissance totale mais la mise en place de la culpabilité a commencé. Six ans après, je ne m'en suis toujours pas remise...

Oui, j'en veux aux médecins qui n'expliquent rien de cette agonie abominable.

Oui, j'en veux aux médecins qui n'expliquent pas les conséquences en terme de souffrance en prolongeant une vie végétative.

Oui, j'en veux aux médecins qui répondent aux consignes hospitalières, et donc gouvernementales, qui attendent qu'un patient libère un lit.

Oui, je comprends cette maman qui ne veut pas prendre le risque de laisser partir son fils alors qu'elle est convaincue qu'il entend et qu'il manifeste encore la vie. Personne ne s'étonne que la famille de Schumacher ait récupéré le pilote chez lui ??? Mais, dans ce cas, les moyens financiers colossaux sont là qui permettent cette prise en charge privée...

Oui, je comprends cette maman croyante.

Mais, pour autant, j'essaie de me mettre à la place de la jeune épouse qui a sûrement besoin de tourner une page de sa vie...

C'est pour cette raison que je répète que tant que les scientifiques ne seront pas plus clairs dans leurs explications, je mettrai plus qu'un bémol à leur encontre...

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

En tant que psychanalyste, je ne peux qu'adhérer à vos griefs, Cricri. Ils ont l'avantage d'être dits ! Il y a, à mon sens, une véritable " omertà " tacite sur ce sujet, que cette médiatisation permettra peut-être de lever. J'ai appris aujourd'hui que la Cour européenne des droits de l'Homme avait émis un arrêt en faveur de l' "arrêt " des soins.

C'est toute la question de la limite entre la vie et la mort  qui est posée aux médecins. J'avais expliqué dans un commentaire précédent qu'un proche de ma famille était parti sans véritable explication du milieu médical et du médecin de famille, qui n'a fait qu'appliquer une consigne de l'hôpital, une consigne fatale ! La mère de ce malade, face à l'incommunication de ce médecin, n'a toujours pas pardonné. Pour elle, ce médecin a tué son fils !!! Alors, oui, la question est d'une extrême importance pour l'Humanité. Lorsqu'on sait ce qu'un " non-dit " peut faire comme dégât dans une filiation, on ne peut que craindre ces mêmes dégâts pour toute une civilisation. " Malaise dans la civilisation " est d'ailleurs le titre d'un ouvrage de Sigmund Freud... Malaise qui est toujours d'actualité !

Portrait de Isabelle

C'est vrai que cette "affaire" met mal à l'aise. L'épouse dont le prénom est Rachel, est-ce qu'on peut y voir un lien avec l'Ancien Testament et l'histoire de Jacob et Rachel, cousins germains... Jacob (à la demande de son oncle) épouse d'abord Léa, soeur de Rachel, puis Rachel. Léa donne des enfants à Jacob, mais Rachel est stérile et demande à Jacob une descendance par sa servante. Plus tard elle aura deux fils avec Jacob, Joseph et le second Benjamin. Elle mourra lors de la naissance du deuxième fils. Et dans la religion juive, la lignée se perpétue par la mère.

Portrait de Ari

Votre apport symbolique est très intéressant Isabelle et invite à réfléchir dans un sens à la fois psychanalytique, psychogénéalogique, spirituel et religieux. Ce que je vais faire d'ailleurs dès que j'aurais un peu de temps ce week-end...

Portrait de Jean

La notion de conflit est ancestrale comme le dit Isabelle. Je trouve aussi, Ari, que la réflexion généalogique, puis psychogénéalogique, vaut le détour. Cette histoire de servante me renvoie (répétition) à celle de la femme d'Abraham, stérile, qui sollicite la servante Agar pour donner une descendance à son mari. L'enfant se nomme Ismaël et devient l'ancêtre des Musulmans... A postériori, Sarah enfante elle aussi d'Isaac (fils légitime d'Abraham) et fait chasser dans le désert Agar et Ismaël. Lorsqu'on connaît les guerres, les croisades, qui opposeront ces deux peuples (ce qui est d'ailleurs d'une brûlante actualité aujourd'hui !), il y a vraiment de quoi réfléchir. Issus d'un même père, Abraham, les deux lignées issus du Judaïsme sont toujours en conflit...

Portrait de Mireille-cogolin

Pour les croyants dont je fais partie, tout ce qui arrive se manifeste par la volonté de Dieu...

Portrait de Isabelle

Merci. En fait, j'ai "rebondis" sur le commentaire de Viviane... d'autant que ce qui m'a surprise, c'est que le prénom de la mère de Vincent Lambert est Viviane. Mais c'est vrai que ce prénom de Rachel, m'a "poursuivi" durant une partie de mon enfance et jusqu'à ma jeune adolescence... Je voulais avoir une fille ayant ce prénom... J'aime d'ailleurs toujours ce prénom... Et j'ai vu qu'il s'écrit Rachel et Rachelle... une terminaison commune avec mon prénom.

Pour ce que j'en ai rapidement lu... le tombeau de Rachel est un lieu saint et il symbolise "la mort et la vie sont liées"...

Je sais depuis de nombreuses années, que dans ma famille, il y a une histoire d'euthanasie en lien au cancer de mon arrière-grand-père maternel. (Sur cette "branche familiale, le nom est "d'origine juive")... Cela doit remonter, à environ 55 ans maintenant... Une forte dose par injection, proposée par le médecin... mais dont la responsabilité en incombait à mon grand-oncle, jeune adulte... le "produit" a été acheté en Suisse par mon grand-oncle puis injecté par lui-même à son retour... pour ce que ma mère m'en a raconté... mon grand-oncle en a gardé une culpabilité pour ainsi dire "démentielle", puiqu'il paraît qu'après la mort de son père... il avait des crises "d'hallucinations"... ce qui est plus que compréhensible... il voyait le visage de son père "surgir" partout... Et vu tout le parcours familial en lien avec la loi... il serait peut-être tant que je lâche une cupabilité insconsciente...