Le masochisme religieux ?

Portrait de Ludo_437

Je m'interroge beaucoup sur les personnes qui font Saint-Jacques-de-Compostelle, ou un chemin de Croix autre...

Sont-elles masochistes ou cherchent-elles à gagner leur paradis ou à expier quelque faute ? Ou existe-t-il d'autres interprétations possibles ?

Portrait de Viviane

Même si je comprends tout à fait votre questionnement sur ce genre de cheminement… qui plus est tout à fait justifiable, sur la question en lien à une forme de masochisme entre autres… Et même si pour certains c’est peut-être, et pourquoi pas, une façon comme une autre de « chercher » à se mettre un peu en paix avec soi-même…

Il me semble qu’après tout… À chacun « ses motivations », car en définitive, si on le prend sur un « aspect » identificatoire, en référence au Chemin du Christ (toute proportion gardée, dans ce cas bien entendu…), pour les croyants… mais aussi pour ceux qui sont plus « attirés » par une démarche spirituelle en dehors d’un dogme religieux à proprement parlé… Pourquoi pas ?

Pour ma part, j’aurai tendance à penser, qu’il est peut-être nécessaire de l’envisager autrement que sur la forme, mais bien sur le fond…  Si sur un plan physique je ne suis pas certaine que je serais à même de le « vivre » moi-même, sur un plan « spirituel », cela fait quelques années, que je m’interroge… et en étant honnête avec moi-même, je serais assez tentée… par ce que je m’imagine être quand même « symboliser » un dépassement de soi, dans le bon sens…

Outre la difficulté purement physique, il faut une bonne dose d’humilité au fond, pour remettre en question sa perception et ses habitudes de « confort » et tout autant « accepter » un relationnel en définitive différent à « l’autre » aussi… autant qu’à soi d’ailleurs, parce qu’il me semble que ça peut être très instructif, pour voir sous un angle très différent ses propres limites, si je puis dire… et donc, aussi, ce qu’il nous est possible d’améliorer encore…

Peut-être que j’idéalise un peu ce chemin ? Mais je ne peux pas m’empêcher d’y voir quand même, une question autant qu’une quête… avec la foi dans son sens le plus ouvert… Il y a pas mal d’année déjà, j’ai lu un ouvrage/témoignage écrit après expérience, par Shirley MacLaine, qui s’intitule je crois… « Mon Chemin de Compostelle »… Je l’avais trouvé tellement positif en soi, tout en étant assez réaliste aussi… que cet ouvrage a sans doute « modifier » l’idée première que je m’en faisais auparavant… Et chemin faisant… Et par le fait même aussi, que le « contact à la nature », doit être à mon sens différent lui aussi…

Au fond, à titre personnel j’y vois bien plus de positif que de négatif… Ce qui me fait croire, que ça n’est pas nécessairement par « besoin d’alimenter son masochisme », mais bien plutôt une recherche de sens comme une autre… Y compris, qu’il y a quand même de nombreux témoignages en ce sens justement, d’une « transformation » véritable quant à ses propres comportements déjà… Et je ne peux pas croire, que tous ces témoignages, ne soient que « pures hallucinations »… Au contraire même, sur un plan inconscient, on peut tout à fait y voir une forme de principe de réalité, même si ça n’est sans doute pas tout à fait juste de le dire comme ça… Puisque dans son principe, « avancer sur le chemin » c’est peut-être une façon d’être en adéquation entre un dire et un faire, pour soi… En définitive, c’est sans doute une question d’humilité et de sincérité dans un rapport, et paradoxalement peut-être… plus intime à soi et à Dieu… C’est l’idée que j’en ai à aujourd’hui… Moi qui n’ai pas fait l’expérience de Compostelle…

Portrait de Gilbert

Croyant, je ne suis pas attiré par ce " cheminement " et connaîs dans mon entourage des " cathos " qui se font une " gloire " du Chemin de Compostelle mais qui, dans leur quotidien, ne témoignent pas d'une spiritualité telle que je pourrais la concevoir.

A l'inverse, un ex-enseignant très sportif, totalement athée et anti-curé, a perdu il y a quelques années son fils d'une vingtaine d'année, promu à un bel avenir, d'une crise cardiaque. Cet homme était complètement abattu. Au comble de la douleur et pour ne pas sombrer, mu par je ne sais quelle intuition sportive, il a décidé de faire le Chemin de Compostelle. Il n'en est pas revenu converti... mais mystérieusement en a retiré une forme d'acceptation quant à ce qui pouvait paraître comme totalement injuste et cruel... Comme le suggère Viviane, l'esprit de Saint-Jacques de Compostelle est parfois... " impénétrable "... Smile

PS : un article de Signes & sens qui parle de Shirley Mc Laine : http://www.signesetsens.com/sport-activite-physique-bonne-sante-equilibr...

Portrait de Isabelle

Même si j'irais dans le sens de ce que dit Gilbert, à savoir que s'il suffisait de faire le Chemin de Compostelle, pour se comporter véritablement en Chrétien, et non pas en crétin (j'ai piqué l'idée à un foromer d'ici...), alors beaucoup de monde devrait le faire plusieurs fois dans sa vie ! Pourtant, le raisonnement de Viviane se tient aussi, et vu comme elle le développe, c'est peut-être une expérience " vraie " à vivre pour soi... Je crois que c'est sans doute quelque chose qu'il faut véritablement " sentir " vis-à-vis de soi-même... Un Chemin sans faux-semblants ni tricheries de tous ordres...

Portrait de Floriane

Je peux comprendre votre questionnement Ludo_437, mais je vais vous faire part d'une expérience, pas la mienne, qui, à mon sens traduit tout autre chose que du masochisme religieux ou non d'ailleurs. 

Mes parents avaient commencé le chemin de Saint Jacques il y a quelques années parce qu'ils faisaient de la randonnée depuis longtemps et avaient envie de parcourir ce chemin, de s'engager sur la durée dans un projet commun. Ils ont fait plusieurs morceaux sur plusieurs années. Repartant chaque fois de l'endroit où ils s'étaient arrêtés la fois précédente. Mon père n'a plus pu marcher mais il accompagnait ma mère et faisait le parcours en bus, réservant les places dans les hebergements  et accueillant ma mère le soir lorsqu'elle arrivait a l'étape. Puis il est mort. Et ç´a été un besoin (vital) pour ma mère d'aller au bout. De finir ce qu'ils avaient commencé ensemble. Mais seule. De ne pas s'arrêter en chemin puisqu'elle était toujours la. Vivante. Elle est partie là ou ils/il s'étaient arrêté(s). Ce fut douloureux, mais a l'image de la réalité. Lui était arrivé au bout de son chemin, ne pouvant pas aller plus loin. Elle a cheminé seule jusqu'au bout. Tout un symbole. Sa vie n'est pas finie. Elle avance désormais sans lui. C'est a l'image de ce qu'ils s'étaient promis devant le prêtée:"jusqu'à ce que la mort nous sépare".  Elle ne s'est pas interdit de continuer d´avancer. 

Je sais que ça a été douloureux pour elle. C'était quelques mois seulement après la mort de mon père. Mais , cheminant sur ce chemin, elle cheminait dans sa tête. Elle faisait du tri. Elle commençait son deuil. 

Elle n'avait pas une démarche religieuse des le départ. Mais une démarche personnelle qui s'est transformée au fur et a mesure. Je sais que ce chemin l'a aidée a un moment de sa vie. C'est tout ce qui compte. 

Portrait de Orlan

Le masochisme est une vaste question qui fait que nous nous débrouillons comme nous pouvons avec notre surmoi, trop tyrannique la plupart du temps !

Personnellement, je n'ai jamais mis en place le moindre Chemin de croix au sens propre du terme mais, au sens figuré, je pense pouvoir dire que, malheureusement pour moi, je suis plutôt doué !!! Mon didacticien, en Analyse transactionnelle, me répétait souvent que mon Moi sacrificiel se portait bien ! Je confirme... En même temps, je ne pense pas que nous choisissions réellement et l'important est d'avoir conscience que notre existence serait sûrement pire si elle était autre. C'est cette nuance qui change tout. 

Pour ce qui est des personnes qui font Saint-Jacques-de-Compostelle, nous en connaissons tous... Comme le dit Gilbert, il y a les grands névrosés, ceux qui se vantent (oui oui !) de faire Saint-Jacques, ceux qui croient se mettre au service de Dieu mais qui dans le quotidien donnent à voir le contraire, ceux qui fuient ledit quotidien durant quelques jours mais qui rencontrent en route ce qu'ils ont voulu éviter pour reprendre leur souffle... Ceci étant, peu de ceux que je connais et qui ont fait ce chemin m'ont convaincu car leur témoignage n'a rien d'une véritable transmission altruiste... Le film Saint-Jacques La Mecque est encore le support qui pourrait le plus me séduire mais ça ne reste qu'un film et ce n'est pas un documentaire... Tout ça pour dire qu'il est bien difficile de savoir où ces marcheurs mettent le curseur de leur sincérité spirituelle...

Pour vous livrer le fond de ma pensée, il me semble que tout Chemin de croix nécessite une autodépollution préalable de ses pensées toxiques et autre ressentiment. Autant dire que pour moi, je suis encore loin d'atteindre ce niveau spirituel que j'espère tant... Peut-être alors me sentirai-je un jour assez " propre " pour faire un Chemin de croix quel qu'il soit mais ce chemin me sera-t-il encore nécessaire ? Vous l'avez compris : je place le psychisme avant le corporel. Il se trouve qu'il y a quelques années je suis allé à Jérusalem et, guide oblige, j'ai mis mes pas très humblement dans ceux du Christ. J'ai essayé de comprendre de tout mon cœur sa souffrance. Mais comment pouvais-je vraiment comprendre ? Comment pouvais-je avoir suffisamment d'empathie pour que ma réflexion soit à la hauteur de ce symbole de pureté à jamais égalé ? C'est ainsi que je continue à essayer de m'améliorer et je peux vous assurer que c'est un véritable Chemin de croix pour moi tant j'ai de défauts à régler...

Portrait de Amélie

Je ne me sens pas d'affinité particulière avec ce genre de "marches"... Mais peut-être qu'après tout, je ne suis pas objective ? Mais je suis plutôt d'accrod avec le post d'Orlan... dans ce sens que s'il me suffisait de faire Compostelle pour être au clair avec moi... Alors là, j'y vais tout de suite et même je le refais en entier toutes les années ! Pour moi c'est quand même un peu simpliste comme démarche... Je ne dis pas qu'il n'y a pas certaines personnes qui le font sincèrement... Et que pour ceux-là ça apporte, pourquoi des réponses, du sens... Mais je crois que ce qui me gêne le plus en fait, c'est ce côté "à la mode", et ça fait bien dans une conversation de dire "moi j'ai fait Compostelle"... Je crois qu'un cheminement spirituel, c'est quand même un peu plus compliqué non ? Et pour moi, je ne suis même pas sûre de dire que je suis même sur une démarche spirituelle... Ma foi et bien chancelante pour l'instant... et j'ai bien assez à faire avec ça ! Mais ce n'est que mon avis

Portrait de Pauline

Disons-le tout net. J'ai gardé en moi, certains aspects que je ne suis jamais vraiment arrivée à oublier... Un manque certain d'humanité de la part des soeurs catholiques, dans l'école ou je suis allée enfant... Alors, et je sais bien que ça ne peut pas être objectif... mais tant pis... j'ai beaucoup de difficulté à comprendre Compostelle ou tout autres chemin de croix... Au risque de choquer, pour moi, ce sont des "bondieuseries"... Bien évidemment, je sais que je suis très loin d'avoir développer une dimension de pardon, dans le sens Chrétien... Et je dis souvent, même encore à mon âge, que le jour ou je passerais "ailleurs", j'espère bien que j'aurais droit à quelques explications... Mais je crois que c'est aussi ma façon à moi de souvent garder la tête hors de l'eau que de me dire en colère... parce que mon chemin de croix, est quand même bien chargé... Et je ne suis quand même pas aussi en colère que ça au fond... J'espère au moins, que ça sert à quelque chose !

Mais tout ça pour dire... Quand je lis tous les "messages d'amour" que l'on trouve ici... Je suis bien contente de vous avoir trouvé... Parce que lorsque certains jours, c'est plus difficile, c'est très rassurant et je reprends une énergie positive, rien qu'en lisant les échanges. Et d'ailleurs, c'est encore plus évident, cette énergie... quand je viens écrire ici ! Et je suis sûre que ça vaut plus que largement un Chemin de Compostelle... A comprendre dans le sens de se remettre en question... Pour avancer, un pas après l'autre...

Portrait de Ludo_437

Vos commentaires m'ont paru compliqués à suivre ! Je dis cela sans méchanceté mais du coup, je ne sais trop quoi penser de ces obligations religieuses que certains se créent...

Je ne conteste pas la sincérité de certains pélerins mais, selon moi, leur cheminement physique n'exclut pas pour autant leur part de masochisme ! Ceci dit, vous pourriez m'opposer que quand on voit les cyclistes du dimanche risquer leur vie au milieu des voitures qui les doublent comme elles peuvent, ils sont tout aussi maso !!! Après tout, si les uns et les autres trouvent une certaine satisfaction, voire le bonheur, dans la contrainte, pourquoi pas !!!