Ma mère veut que je sois son bâton de vieillesse

Portrait de Elise

Je suis allée déjeuner chez ma mère aujourd'hui et, pour la énième fois, elle m'a répété que quand elle ne pourrait plus se suffire à elle-même, je devrais m'occuper d'elle !

D'abord, je ne sais pas ce que l'avenir me réserve. Ensuite, ce n'est pas parce que je suis homosexuelle et que je ne veux pas d'enfant qu'elle peut disposer de moi.

Je me suis énervée une fois de plus. Ça a crié et maintenant je culpabilise...

Existe-t-il un moyen raisonnable de lui faire passer le message logique que je ne suis pas son bâton de vieillesse tout désigné même si je suis enfant unique ?

Portrait de Cécile

Le fait d'être une enfant unique ne facilite certainement pas les choses. Mais je crois que votre mère a surtout peur d'être abandonnée. Ma propre mère (83 ans) ne m'a pas dit " tu dois t'occuper de moi " mais elle me l'a fait comprendre à sa façon. " Le jour où je ne me suffirai plus à moi-même, je me suiciderai  ! " m'a-t-elle dit il y a quelques jours. La menace est la même. Et comme je ne vis pas en couple et que mes enfants sont adultes, je suis souvent de la partie, mon frère ayant des enfants en bas âge.

Je crois qu'il ne faut pas rentrer dans ce chantage de front. Je ne vis pas non plus la situation comme une obligation. J'ai mon travail et il n'est pas question que celui-ci en subisse les conséquences. Cet aspect des choses est très clair pour elle et elle le respecte. Votre mère a certainement très peur d'être abandonnée mais pour l'heure elle se suffit à elle-même et c'est le présent qui compte. Elle vous invite à déjeuner et je pense que vous y allez de bon coeur. Si tel n'est pas le cas, respectez votre désir. Vous pouvez vous rendre indisponible. Ne faites surtout pas les choses à contre-coeur. Pour ma part, j'ai une mère très possessive mais j'ai compris depuis longtemps qu'elle comblait une énorme angoisse et que je n'avais pas à culpabiliser en me positionnant. Je suis passée comme vous par de grandes engueulades, passages obligés pour moi. Mais je peux vous assurer que je ne culpabilise plus maintenant et ne vois que les côtés positifs de ma mère. Déjà qu'elle soit toujours en vie est une chance inestimable. Je connais aussi une amie qui n'a pas fait la paix avec sa mère, et elle en souffre. La rancune détruit de l'intérieur. Voyez votre mère telle qu'elle est, avec ses côtés pénibles mais aussi avec ses qualités. Vous n'êtes plus une petite fille et vous verrez bien ce que vous ferez quand ce sera la moment. Pour l'instant, prenez son discours comme l'expression d'une souffrance actuelle et n'anticipez pas trop un futur négatif. Vivez le moment présent, la vie est assez compliquée pour se créer des complications à propos d'un futur qui n'est pas encore là. Je ne sais pas si mes propos vous aident mais ayez confiance en vous, indépendamment des projections maternelles. Si votre mère vous sent sereine, elle ne pourra plus vous atteindre avec ses angoisses. Bon courage, Elise. Et puis, je pense que des foromers plus spécialisés que moi viendront vous apporter leurs points de vue avisés.

Portrait de Viviane

Personnellement il me semble, que cette sagesse de dire pour vous-même, que vous ne savez pas de quoi l'avenir sera fait... Est tout à fait une "réalité" si je puis le dire comme ça. Mais est-ce, ce que vous avez répondu à votre mère ? Car effectivement, nul ne connaît "l'avenir"... ce qui implique d'ailleurs, qu'en définitive, votre mère trouverait sûrement des solutions, si vous n'étiez pas là... comme par exemple, une aide à domicile... De plus je suis entièrement d'accord avec vous, sur le principe, qu'on n'a pas à être "un bâton de vieillesse pour un parent"... ce n'est pas logique en soi... Il peut y avoir une notion de "devoir", comme elle l'a mis en avant, mais pour des raisons réelles de ne plus être à même de se prendre en charge... Cas auquel, il s'agit pour vous, alors, de ne pas vous sentir en culpabilité, dans la mesure ou vous pensez faire ce que vous avez à faire... Mais ce qui n'implique pas nécessairement, de remettre en question votre façon de vivre pour autant... Je crois que c'est une question toujours un peu délicate... ne pas abandonner son parent, mais ne pas en devenir "esclave" non plus... un juste équilibre qui appartient à chacun... J'ai bien conscience en vous répondant ainsi, que je n'ai pas nécessairement de vraies solutions pratiques, si ce n'est encore une fois, comme nul n'est irremplaçable... Comment ferait-elle si vous n'étiez pas là ?

Portrait de Hugo Natoli Psychanalyste

La loi est sans ambiguïté à ce sujet. Selon le site officiel de l'administration française ( Service-Public.fr ), " Les enfants ont l'obligation d'aider un parent qui n'est pas en mesure d'assurer sa subsistance. Le montant de cette aide varie en fonction des ressources de l'enfant et du parent ". Toutefois, il est précisé par ailleurs que les enfants peuvent être dispensés de cette obligation si les parents ont manqué gravement à leurs obligations envers eux, ce qui, Elise, ne semble pas être votre cas.
En revanche, en aucun la loi cas ne parle d'obligation affective. Cela étant quant à soi.
Lorsque votre mère vous parle de son avenir, vous pouvez lui répondre que vous connaissez la loi et que vous ne manquerez pas de respecter vos obligations au moment voulu.

Portrait de Ari

Vous pouvez également rassurer votre mère en l'inscrivant dans le moment présent et en soulignant le fait que non seulement actuellement elle est valide mais que chaque fois qu'un problème apparaît, la bonne solution qui va avec se manifeste sans aucune exception...

Portrait de Sofia M

Vous attirez cette communication récurrente inappropriée actuellement parce que vous culpabilisez certainement et inconsciemment, bien entendu, d'être homosexuelle et de ne pas désirer d'enfant (du moins au conscient...).  C'est comme si vous " priviez " votre mère de la joie potentielle d'être grand-mère mais aussi d'une sécurité affective supplémentaire au cas où vous ne seriez pas là pour vous occuper d'elle le cas échéant. Mais, ce qui m'interpelle surtout, c'est qu'on peut deviner aisément que votre propre psychisme vous hystérise avec votre non-désir de maternité, ce qui donne lieu à une projection évidente : ne pas avoir d'enfant peut vous faire prendre le risque de ne pas être accompagnée si un jour vous ne pouvez plus vous suffire à vous-même... Rentrez dans la réalité : un enfant n'est pas une assurance sur et pour la vie ! 

Portrait de Elise

J'ai beaucoup appris avec vos commentaires et c'est toujours précieux... Quant à ce qu'a interprété Sofia, je n'y aurais pas pensé mais, à la réflexion, il y a de ça...