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Portrait de Floriane

Est-il possible que l'on voie les gens tels qu'ils sont réellement, quand eux-mêmes se méconnaissent? Peut-on parvenir à percevoir ce qu'ils seraient, débarassés de leurs tourments, allégés de ce qui ne leur appartient pas et qui les encombre?

Ou n'est-ce que pur fantasme que de se croire capable de voir l'autre mieux que ce qu'il ne se voie, de le connaître mieux que lui-même?

Portrait de Gilbert

Votre question est essentielle, Flora.

Qu'il est déjà difficile, me semble-t-il de se connaître soi-même. C'est, je crois, l'oeuvre de toute une vie que de tenter de se démasquer. Que dire de vouloir connaître autrui, ce grand mystère ? Nous l'apercevons au travers de nos propres filtres. Parfois il correspond à nos critères, parfois il s'y oppose. Savons-nous véritablement s'il existe, puisqu'il est fondamentalement autre ? Pourtant alter ego (autre moi) quand même, semblable mais différent, donc en constante dialectique, opposition... Vous évoquez le sens de la vue, piètre phare projetant notre propre lumière, colorée de notre histoire, de nos joies et de nos  " doux leurres ". Votre question, Flora, contient ses propres réponses comme un écho à ce pur fantasme mais néanmoins fantasme. Le tout étant toujours de ne pas se duper soi-même. Le philosophe Emmanuel Levinas développe une éthique du visage de l'autre qui me séduit assez. Il explique que c’est le « visage » de l’autre qui fait effraction dans mon être et rompt ma tranquillité...