Faire une psychanalyse par téléphone ?

Portrait de Serge

Je voudrais simplement savoir si faire une psychanalyse par téléphone, ça marche bien...

Ce n'est pas pour moi mais pour un ami qui, souffrant d'un cancer actuellement, n'a pas vraiment la force de se déplacer et qui voudrait comprendre ce qui dysfonctionne en lui...

Merci pour les renseignements que vous voudrez bien me donner et bonne soirée...

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Bonjour Serge,

En ce qui me concerne, je considère que l'incapacité à se déplacer ne doit pas être un obstacle au désir d'entreprendre une psychanalyse. Je fais partie de ceux qui acceptent une telle demande lorsque la maladie ou une trop grande distance empêche la rencontre dans un cabinet. Sigmund Freud a véhiculé que cette discipline devait prendre en compte le contexte sociétal et donc être capacitaire à évoluer. Depuis Jacques Lacan, il n'est plus indispensable de "s'allonger " sur un divan. L'analyse reste une analyse du langage et la position du corps - n'en déplaise à certains puristes - n'a aucune incidence sur la qualité du travail effectué. Or, la communication téléphonique permet cet échange d'inconscient à inconscient au travers d'une méthode et une méthodologie spécifique. Les psychanalystes ayant une formation linguistique sont tout à fait à même de faire travailler un analysant par téléphone. Bien sûr, l'idéal reste la cure en face à face mais il me semble qu'il serait dommage que votre ami se prive de cette opportunité. J'ai, pour ma part, obtenu de très bons résultats avec des analysants résidant à plusieurs centaines de kilomètres de mon cabinet. Je pense aussi à toutes ces personnes allitées et isolées qui pourraient bénéficier avantageusement de la méthode freudienne. La règle fondamentale est quelque peu adaptée mais l'essentiel (acte manqué, influence correctrice du paiement...) est respecté. A noter aussi que la technologie moderne (je pense à skype) permet aussi d'allier l'ouïe au sens de la vue. Vous trouverez toujours certains professionnels qui vous diront autre chose mais je vous livre simplement mon positionnement à la lumière de mon expérience. Comme la Psychanalyse reste une école de liberté, rien n'empêche votre ami de s'autoriser à appeler un de mes confrères et de lui exposer son désir de façon à se faire lui-même sa propre opinion. En espérant vous avoir un peu éclairé, je vous souhaite aussi une belle soirée.

Portrait de Patricia Robert

Smile Bonsoir,

Je ne pouvais rester muette sur ce sujet, puisque j'ai moi même fait une psychanalyse avec Gilbert Roux par téléphone, étant relativement loin. Je précise qu'au départ j'avais dejà commencé un travail personnel de plus de 8 ans en cabinet et j'avais besoin d'avancer avec un psychanalyse. Etant ami avec Gilbert sur FB, j'ai pris contact et nous avons travaillé ensemble par tél.

J'ai eu la même impression que dans un cabinet. Je crois que nous sommes plus attentif aux mots, à la respiration, aux blancs et là au téléphone c'est terrible :-), nous entendons les émotions des autres, le ressenti.

J'ai très bien avancé dans mon travail puisque mon pschanalyste a stoppé notre travail,  ma demande initiale ayant été réalisée.

Il est important de veiller à ce que le psychanalyste ne laisse pas raccrocher son patient quand celui-ci n'est pas bien. Le mien je l'ai fait souffrir puisqu'une de mes séance a duré 4  heures... Et là j'ai reconnu son professionnalisme, il ne m'a pas lâchée tant que je n'étais pas en pulsion de vie.

Je précise : je suis aussi thérapeute et je pratique aussi le tél. Il était important que je fasse moi-même cette expérience enrichissante.  Depuis, je suis encore plus attentive aux mots et maux Wink

D'ailleurs si j'en éprouve de nouveau le besoin, je n'hésiterai pas à le recontacter Smile

Bonne soirée Smile

Portrait de Isabelle Hatier Psycho-Sophrothérapeute

En ce qui me concerne, le travail analytique par téléphone a été une étape importante car il m’a aidé à prendre conscience qu’un travail personnel peut comporter plusieurs phases, à certaines périodes de notre vie. Cette approche avec Gilbert ROUX m’a ainsi permis de faire le lien, une transition entre une première analyse interrompue et mon parcours aujourd’hui au CFPP de la jolie ville d’Avignon. Je vivais douloureusement cette frustration de ne pas avoir eu la possibilité de poursuivre d’avantage ma première tranche de travail en cure analytique et ce n’était pas non plus clairement évident que je puisse entreprendre à nouveau un travail avec un autre professionnel car je ne me sentais pas forcément en phase avec ce que l’on me proposait à proximité de mon domicile. Aussi, je tentais donc l’aventure à des centaines de kilomètres, sur les conseils de mon amie et collègue Patricia que je remercie chaleureusement au passage. Le travail par téléphone m’a ainsi aidé à me remettre sur « les rails » de cette quête personnelle à laquelle j’aspire pour pouvoir apaiser mes conflits intérieurs, ces tourments qui se sont manifestés en moi depuis ma plus tendre enfance et que je ne pouvais percevoir ou nommer… Je ne sais pas où me mènera ce travail personnel, aujourd'hui à nouveau en face à face, mais je me laisse porter par les découvertes successives et passionnantes de mon inconscient au fils du temps… Bien à vous.

Portrait de Sofia M

La question que vous posez est extrêmement complexe, a fortiori dans le cas de votre ami...

Dans une logique des choses, tout analysant doit faire la " dé-marche " de se diriger physiquement vers le psychanalyste de son choix et il ne s'agit pas là d'un point de détail car le corps est le lieu où se manifestent les symptômes. Ainsi, un psychanalyste - indépendamment de l'écoute discursive qu'il accorde à son patient - observe ses postures s'il travaille en face-à-face ou l'entend bouger s'il travaille avec la méthode du " divan " (changements de positions au cours de la séance, croisements de jambes, de bras, une écharpe gardée qui va être enlevée, une température ambiante dans le bureau qui conviendra ou non et qui donnera éventuellement lieu à des " re-flexions ", une envie de s'approprier l'environnement du psychanalyste ou un rejet, une décoration, des odeurs, des bruits qui ne sont pas familiers, etc, etc)... Autant dire que le transfert est intimement lié à cet espace, sorte d'utérus étranger qui finira par déclencher ce qu'on appelle un processus de centration, aboutissant au fait de se dire que, finalement, on n'est pas si mal que ça, à tous les sens du terme... Il ne faut pas oublier non plus que toute séance psychanalytique commence dans la salle d'attente avec la présence d'autres patients qui peuvent attirer ou déranger, mobilisant quoi qu'il en soit l'imaginaire... Le psychanalyste peut avoir un retard énorme, ce qui hystérise en général les analysants en début de travail analytique, puis de moins en moins, jusqu'au moment où l'analysant entre dans la sphère de la sublimation et commence à s'adapter sincèrement... L'analysant peut aussi être en retard et cherchera à rationaliser son retard, ce qui entraînera une castration plus ou moins marquée de la part de l'analyste en fonction du moment psychogénétique travaillé à l'instant T et qui, de toute façon, fera prendre conscience au patient de sa résistance du moment : l'analysant, à l'aide de ses mécanismes de défense bien présents,  pourra dire qu'il y avait des " bouchons " sur la route, ou que son patron l'a " retenu " (une retenue, comme à l'école ???) avant de partir, ou qu'il n'avait plus d'essence (décence ??? par exemple)... Il y a aussi tout le  jeu de la tenue vestimentaire qui va évoluer au fur et à mesure que l'analyse progressera : au début, il faut être bien sous tout " rapport " (c'est le temps des efforts démesurés car la période est aux transferts pseudo positifs), ensuite il y a opposition et l'analysant s'habillera avec un faux j'men foutisme du genre " Ça ira bien pour aller voir ce psy qui s'habille comme un sac " (période des transferts négatifs), tous ces masques optant majoritairement lors  de l'Œdipe pour la séduction... La liste serait encore longue d'énumérations que la consultation téléphonique ne permet pas et ça, il est essentiel que votre ami le sache. D'ailleurs, s'il décide de faire une psychanalyse par téléphone, le psychanalyste lui expliquera toutes ces différences lors de l'entretien préliminaire... En ce qui concerne skype, mêmes nuances, auxquelles s'ajoutent les " déformations " liées à l'image quelque peu modifiée dans le va-et-vient émetteur - récepteur et récepteur - émetteur...

Au téléphone, seule la voix est au service du transfert pour l'analysant qui se projette de fait dans des contours d'un Moi imaginaire quant au psychanalyste. Mais, en ce qui concerne le psychanalyste, quand il contre-tranfère (renvoi spécifique du transfert de l'analysant), c'est la même chose ! Autrement formulé, une consultation psychanalytique par téléphone rend plus difficile l'approche du principe de réalité. Je prends un exemple. Notre prof de Psycho nous avait raconté l'histoire d'un patient qui avait une tête d'acoolique alors qu'il ne buvait que de l'eau ! Ce patient le savait et avait vu venir les doutes du Psy, lui disant le moment venu que c'était son parrain (qui n'appartenait pas à la famille) qui buvait ! Ce qui a permis au Psy de travailler la problématique alcoolique de cette famille en abordant les secrets de la filiation. Une consultation par téléphone n'aurait pas permis de défaire l'écheveau de cette façon... J'ai pris ce cas parce que votre ami a un cancer et que cette somatisation traduit donc une atteinte manifeste du soma. Ce qu'il est important de lui préciser puisqu'il veut comprendre ce qui dysfonctionne chez lui, c'est que sa santé actuelle ne lui permettant pas de se " dé-placer ", son psychisme aura une propension à victimiser davantage puisque cette méthode lui fera " économiser ses forces "... Par Surmoi interposé (le censeur intérieur), il fabriquera plus de " peines " psychologiquement parlant... 

Pour conclure, je ne vois pas pourquoi serait rejeté le principe d'une psychanalyse par téléphone dans la mesure où les circonstances d'un trajet de vie le suggèrent, mais seules les grandes qualités et la vigilance du professionnel permettront que " ça marche ", pour reprendre votre expression qui, vous le comprenez, ne traduit que votre propre hésitation dans ce type de " dé-marche " encore une fois... Hésitation bien logique comme nous venons de le voir. Si votre ami se décide dans ce sens, dites-lui également de donner le montant de la consommation d'essence qu'il économisera par téléphone à une œuvre caritative par exemple, ce qui l'aidera aussi à " avancer " car une psychanalyse ne requiert aucune économie dans la mesure où tout analysant doit s'accorder de la valeur...

Portrait de Hugo Natoli Psychanalyste

Je trouve qu'il n'y a pas meilleures réponses à votre question, Serge, que les témoignages de Patricia et Isabelle ainsi que le post de Sofia.M.
Je propose, tout comme mon collègue Gilbert Roux, la possibilité pour ceux qui le souhaitent et ne peuvent faire autrement, un travail analytique par téléphone ( et par Skype depuis peu ). A mon sens, les moyens technologiques actuels peuvent être intégrés à cette pratique mais doivent rester une exception qui confirme la règle. A condition bien sûr de savoir ce que l'on fait .  C'est à envisager en fonction de l'individualité et du contexte de chacun. Sofia.M a bien raison de rappeler les différences majeures qui existent entre les différentes possibilités.

Portrait de Serge

Je crois avoir bien saisi toutes les toutes nuances que vous exposez et je vais les faire lire à mon ami.

Je vous remercie d'ailleurs pour autant de précisions professionnelles qui ont éclairci chez moi les grandes différences qui existent entre une psychanalyse traditionnelle et une psychanalyse par téléphone... Ça m'a en plus beaucoup intéressé à titre personnel...

Portrait de khangi

Pourquoi pas voir un professionnelle du corps, de l'âme et de l'esprit ? un guérisseur énergétique et médium ?

Portrait de Sofia M

Si vous voulez participer efficacement, lisez attentivement la question. Serge parle de psychanalyse par téléphone, il ne cherche pas des renseignements sur d'hypothétiques guérisseurs.