Est-il si difficile de regarder du côté de l'Amour ?

Portrait de Chantal Calatayud

À la fin des années 70, le Club Med battait son plein. Des relations, nouvellement enrichies grâce à l'apogée des " Trente glorieuses ", avaient décidé de partir au Sénégal, à Cap Skirring plus précisément, pour un séjour farniente dans ledit Club. Ils étaient quatre couples qui n'avaient jusque-là jamais voyagé aussi loin... Leurs préparatifs ridicules, sur fond de précautions comiques, en disaient long sur ce qu'ils imaginaient être encore possiblement le pays des cannibales ! Même si je n'étais pas sans ignorer l'instabilité politique africaine de l'époque, je trouvais que leur méfiance était pathétique. Elle est d'ailleurs restée gravée dans ma mémoire comme un mauvais réflexe de leur part à fantasmer qu'une différence de couleur de peau pouvait entraîner des drames... Quarante ans après, la barbarie sur des sols " étrangers " leur donnerait presque raison ! Toutefois, il serait peut-être plus juste de regarder la responsabilité inconsciente et consciente de chacun dans ces tueries abominables où des innocents et des gentils vacanciers ont perdu la vie au hasard de la folie meurtrière...

Étant née au Maroc, j'ai saisi - toute petite - que des Français, notamment, arrivés après la Seconde Guerre Mondiale sur cette superbe terre, se conduisaient beaucoup plus mal avec les autochtones que certains colons. Le mépris, sur fond de complexe de supériorité, se traduisait par des ordres mus par un tutoiement qui se voulait bêtement suffisant, englué dans une vanité dégoulinante d'idiotie... Ces individus, nouvellement installés donc, croyaient s'imposer en déambulant en pays conquis. Ils oubliaient simplement qu'ils avaient en face d'eux des êtres humains intelligents, sensibles, intuitifs, qui finiraient par se révolter un jour, n'en pouvant plus de plier sous le joug d'un autre temps, pourtant déjà largement révolu en matière d'esclavagisme. Ils ne savaient surtout pas que se développeraient à une vitesse vertigineuse les médias avec des moyens de transmission inter-cosmiques qui allaient créer des mécanismes de défense redoutables, balayant de facto toute protection élémentaire. Dans leur ouvrage " La criminalité sur Internet ", paru chez puf en 2001, Frédéric-Jérôme Pansier et Emmanuel Jez établissaient déjà un constat inquiétant en ces termes : " L'Internet est le miroir de la civilisation occidentale. Passé en quinze ans du mode restreint de communication intra-universitaire à celui de réseau planétaire, il épouse aujourd'hui les aspirations les plus louables, comme les plus viles bassesses, de nos contemporains. Les vices les plus répandus ont ainsi trouvé leur place dans l'espace virtuel, où se développe une criminalité bien réelle, multiforme et souvent insaisissable. "...

L'Amour serait-il le remède ? Certainement dans le principe mais encore faudrait-il admettre au préalable que chaque individu a le droit d'exister et ce, quels que soient sa condition, sa race, sa religion, son statut. Cet apprentissage du respect d'autrui ne peut subséquemment et en aucun cas ignorer que cette évidence exige de ne jamais omettre que toute pensée projective à l'égard d'un seul individu influence négativement le comportement futur de cet individu. Imaginons alors un instant le résultat à l'échelle mondiale ! Il y a de quoi en frémir... " Vous n'avez pas peur de la mort, vous avez peur de la vie ", assurait avec pertinence le spiritualiste laïc Arnaud Desjardins ! Le Christ a lavé les pieds des apôtres, endossant ainsi la difficile posture d'esclave mais ce message d'humilité semble s'être dilué, voire envolé. La rivalité et la recherche de pouvoir et de domination frappent et font rage aujourd'hui dans tous les domaines, trimballant leur cortège funèbre de jalousies exacerbées.

Mais quand abandonnerons-nous nos mesquineries et nos petitesses ? Mais quand nous offrirons-nous spontanément le cadeau qui consiste à faire du bien à notre alter ego ? Mais quand accepterons-nous l'idée que censurer et condamner notre prochain en échafaudant des barricades est le plus grand danger que nous forgeons et sédimentons ? Mais quand accorderons-nous à ce même prochain son désir instinctif et son droit le plus légitime d'être aimable, au lieu de le caricaturer ? Mais quand arrêterons-nous enfin de mésestimer la portée protectrice de l'universalité de l'Amour ?

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Commentaires

Portrait de Jean-Marc

Certes l'état (sociétal) des lieux n'est pas réjouissant. Mais l'a-t-il jamais été ?

Quoiqu'il en soit, votre blog, Chantal, résonne chez moi comme une invitation à l'espérance de l'engagement sur le chemin de l'Amour. Le spiritualiste Arnaud Desjardins, que vous citez, a écrit un ouvrage qui s'appelle " L'audace de vivre ". Ce livre, je l'ai lu il y a très longtemps et il est tout annoté tant il m'a parlé et aidé dans ma pratique du yoga.  Comment peut-on vivre si l'on ne croit pas en l'absolu de l'Amour ? L'exemple du lavage des pieds de ses disciples par le Christ montrant résolument la voie (mais que de travail à faire sur soi !).  De son côté, Yogi Bhajan, dont je découvre actuellement l'enseignement, indique qu'il n'existe essentiellement que deux émotions : la peur et l'amour, les autres n' en étant qu'une déclinaison . Et la première serait, selon lui, l'opposé et donc l'obstacle, ou l'ombre à la deuxième. Cela rejoint, il me semble, votre position, à savoir que tant que nous aurons peur de l'autre et de sa différence, l'Amour ne pourra être réalisée ici-bas.

Merci en tous cas pour cette réflexion inspirante qui me donne l'énergie de persévérer à ma petite mesure sur le chemin, les petits ruisseaux, faisant paraît-il les grandes rivières.

Portrait de shlm123

Très bon blog .Merci http://www.psychanalyseparisfaugeras.fr/