Apprendre c'est se souvenir ?

Portrait de Mireille-cogolin

Je n'y comprends plus rien : j'ai lu que le philosophe socrate disait qu " Apprendre c'est se souvenir " et dans les forums, je n'arrête pas de lire qu'il faut vivre au présent...

Je suis découragée et ça me ferait du bien que vous veniez m'éclairer car j'ai l'impression maintenant de tout mélanger...

Portrait de Gilbert

Je ne connaissais pas cette citation de Socrate, mon philosophe préféré ! Elle me fait penser à ce qu'un ami spiritualiste m'avait dit il y a quelques années à savoir que se souvenir permet de ne pas répéter les mêmes erreurs que par le passé. C'est à dire ne plus en faire son présent. Les psys pensent également que ce qui nous empêche de vivre au présent, ce sont justement les choses que nous avons mal vécues et surtout refoulées... Elles agissent inconsciemment et à notre insu tant que nous n'en avons pas fait le deuil, c'est-à-dire tant que nous n'avons pas réalisé qu'elles ne sont plus d'actualité et qu'elles appartiennent à un passé révolu. Il ne s'agit donc pas de cultiver le souvenir, à mon sens, mais d'en faire des leçons de vie pour aujourd'hui. C'est d'ailleurs, je crois, le vrai sens de cette discipline que l'on nomme Histoire. Elle existe pour que l'Humanité en tire profit. Je sais, on dit souvent que l'Histoire se répète... Et c'est bien dommage et preuve que l'on oublie trop facilement... " Plus jamais ça " est-il écrit sur des lieux de l'horreur. OK, mais ne commettons donc plus les mêmes erreurs !

Portrait de yamina.174

Il y a se souvenir et se souvenir...

Comme le dit Gilbert, on peut se souvenir pour ne pas répéter les erreurs du passé. Je prends l'exemple d'une femme de ma famille qui a beaucoup souffert avec son mari qui la trompait et l'humiliait sans cesse... Elle a fini par divorcer... Lui est allé vivre avec sa maîtresse du moment. Ma tante n'arrêtait pas de rassasser que les bons souvenirs avec lui !!! Comme elle n'arrivait pas à faire le deuil et qu'elle se dirigeait vers une dépression, son médecin lui a conseillé de faire une psychanalyse, ce qu'elle a accepté. Son thérapeute, au bout de quelque temps, l'a conduite à se remémorer et à travailler tous les mauvais souvenirs avec son ex... Elle a pu quitter ainsi un scénario imaginaire d'idéalisation et a réglé son problème. Elle a rencontré il y a 6 mois un homme qui lui convient tout à fait... 

Cependant, se souvenir pour revivre le passé qui n'est plus peut prendre des formes pathologiques. J'ai vu à la télé il y a quelques jours une émission sur Claude François qui, c'est logique, ne pouvait rien apporter de nouveau ! Sauf qu'était interviewée une de ses anciennes collaboratrices qui véritablement n'a pas fait le deuil du chanteur et qui accepte de répondre à des questions sur l'artiste chaque fois qu'on le lui demande... Ce qui fait que maintenant je la reconnais tout de suite ! À une époque, elle racontait que très jeune, elle était " tombée " (c'est moi qui mets les guillemets pour les besoins de la cause !!!) amoureuse de Cloclo. Elle aurait même couché avec lui, selon elle bien évidemment... Il l'aurait finalement embauchée jusqu'à son décès prématuré.... Quand elle en parle, elle pleure encore... Elle ne s'est jamais mariée mais ce qui m'a fait le plus bizarre, c'est qu'elle s'est fait lifter !!! Ainsi s'arrange-t-elle avec la réalité : c'est ce les psys appellent le processus inconscient d'annulation rétroactive. C'est-à-dire qu'en gommant ses rides (rappelons que la star est décédée en 1978 !), elle fait revivre son idole en permanence... C'est comme si le chanteur n'était pas mort ! C'est sûr que pour son confort de vie à elle, il vaudrait mieux qu'elle file chez un psy tout de suite pour intégrer le présent car vivre dans le passé de la sorte se termine toujours mal puisqu'il s'agit d'un phénomène de régression psychique... Bonjour l'Alzheimer qui guette...

 

Portrait de Jean

J'ai beaucoup apprécié le commentaire de Yamina-174, très pratique, et qui fait la part de choses.

Si j'ai bien compris, le processus d'annulation rétroacative consiste donc à nier une réalité, en l'occurence la mort de Claude François dans l'exemple et donc d'un être cher. Impossible donc d'aller de l'avant et l'inconscient résté fixé en amont du traumatisme ne peut plus avancer. Pire, il risque donc de régresser et de manifester un Alzheimer, c'est-à-dire se déconnecter de la réalité présente. Aucun deuil possible donc, y compris d'un ex-conjoint, d'un ex-boulot. Je comprends mieux maintenant que certaines personnes à la retraite développent rapidement des pathologies (parfois foudroyantes), alors que d'autres continuent d'évoluer autrement. Par ailleurs, le fait de désidéaliser les bons moments en mettant l'accent sur les mauvais permet aussi de passer à autre chose. C'est en finir avec les " c'était mieux avant ", " de mon temps ", etc et les fameux " tout foutl'camp " défaitistes. Apprendre c'est se souvenir, oui... Mais pour mieux décider d'oublier en toute conscience ! Merci Yamina !-)

Portrait de Mireille-cogolin

Je crois que j'ai bien compris avec tous les exemples. L'idéal c'est donc encore le présent... C'est drôle car en rédigeant ce post me viennent à l'esprit les paroles d'une chanson de Claude François : " J'y pense et puis j'oublie... ". De mémoire, j'ai l'impression qu'elles résument assez bien tout ce que vous expliquez. Je vais essayer de les retrouver par Internet parce que je ne crois pas au hasard et en les " travaillant ", elles peuvent me faire avancer elles aussi même si on est loin de Socrate ! Si Cloclo m'entend, lui qui était si complexé parce qu'il était rangé dans la catégorie " Chanteurs populaires ", il verra que la philosophie peut prendre des formes inattendues...

Portrait de Gabrielle

En surfant ce matin sur les forums, cette question de Mireille a attiré mon attention. Une superbe discussion que je n'avais pas encore lue. Une vraie bibliothèque vivante  pour réfléchir, ce site. Merci.

Portrait de Jean-Marc

Mireille-cogolin a effectivement posé là une question très intéressante. Cette importance accordée au souvenir pour ne pas en répéter les effets nocifs est important. D'ailleurs en méditation, on va aussi chercher ces moments du passé en prenant conscience de leur dualité (bon et mauvais). Ce qui permet à la fois de ne pas les idéaliser et en même temps de ne plus les dramatiser.

Portrait de M.Christine

En spiritualité, on dit que nous avons déjà toute la connaissance en nous, puisque nous sommes des êtres divins par essence . Ce seraient nos projections, nos préjugés, nos émotions et pensées parasites, etc... qui embrumeraient notre connaissance innée . En ce sens, apprendre serait donc revenir aux fondamentaux en se débarrassant de ce qui encombre et fausse notre esprit . Ainsi on se souvient de la Vérité qui réside en nous : la vraie Connaissance .

Portrait de Charles

Le fait que nous ayons toute la connaissance en nous invite donc à l'introspection.

Portrait de linda

Mireille,votre citation de Socrate,m'a fait penser à un douloureux souvenir,qui m'a fait comprendre bien des choses.

Je remonte à 2007,je suis sur une civière,et j'attend d'entrer dans une salle d'opération,mon médecin vient parler un peu avec moi,je me sens calme.

Quand je suis enfin installer sur la table d'opération,j'entends ceci

«La réserve de sang n'est pas arrivé,on doit retardé l'opération»

Là je panique,je pense à l'hémoragie possible,je me fais des scénarios très sombres,mes jambes se mettent à trembler,et là je me souviens de situations pénibles,où j'avais perdue une grande énergie,inutilement.

Donc,je me calme,car je vois bien que ça me fait du tord d'envisager le pire,et je me mets à envoyer des bonnes vibrations à tous les membres du personnel qui s'occupent de moi.

La réserve de sang arrive,l'opération commence,et quelques heures plus tard,je m'éveille,heureuse de voir que tout s'est bien passé.

Portrait de Régis

Que d'enseignements au fil de cette discussion ! Pour ma part j'ai retenu le danger de l'annulation rétroactive, cette dangereuse nostalgie qui fait fi du principe de réalité que représentent les limites de l'incarnation humaine, notre condition d'être mortel. Pourtant l'espérance est là. Se rappeler qu'un jour nous aurons à traverser pour aller sur l'autre rive nous aussi nous pousse à ne pas nous endormir et à vivre ici et maintenant. C'est un paradoxe, mais je crois que c'est la seule façon de vivre.

Linda nous partage que les moments douloureux se traversent en positif. Comme je suis croyant, c'est pour moi l'image de la résurrection du Christ qui ne peut pas faire l'économie de la souffrance acceptée mais portée par la foi en Dieu.

Merci pour tous ces témoignages que je découvre ce matin. Je crois que la vie est semée d'épreuves mais aussi de moments de joie. Dieu me fait toujours des signes pour que je me rapelle de Lui. Tel l'enfant prodigue du Nouveau Testament, il m'arrive de dilapider ce que mon Père m'a donné en héritage. Le tout étant que j'ai la sagesse de me souvenir de Lui avant qu'il ne soit trop tard.

Belle journée,

Régis