Comment faire le deuil ?

Portrait de Mireille-cogolin

Votre accueil m'a mise à l'aise et je m'autorise à poser une question qui me taraude depuis longtemps car, lorsque je l'ai posée à plusieurs médecins différents, je n'ai jamais obtenu de réponse satisfaisante (pour moi) :

Je me suis mariée à 25 ans avec un copain de fac qui est décédé d'une leucémie foudroyante 3 ans après notre union. Nous n'avons pas eu d'enfant malgré notre désir.

Les mois, les années ont passé : impossible de faire le deuil. J'ai eu quelques aventures, bien sûr, en me disant qu'elles pourraient m'aider à passer ce cap douloureux, ce chaos. Ces relations ravivaient davantage encore le manque, le vide indescriptible. Je pouvais même être détestable avec ces hommes qui n'y étaient pourtant pour rien... J'ai donc renoncé à rencontrer l'amour. On dit qu'on ne connaît d'ailleurs qu'une seule fois le véritable amour dans sa vie. Pour moi, c'est vrai...

À une époque, je voyageais mais lorsque je me retrouvais seule dans la chambre d'hôtel j'étais désespérée. J'ai donc stoppé mes déplacements aussi culturels et intéressants qu'ils pouvaient l'être...
La spiritualité m'est d'un précieux soutien mais j'aimerais comprendre pourquoi je n'arrive toujours pas, après plus de 26 ans de veuvage, à faire le deuil. J'ai même changé de département pour m'interdire d'aller au cimetière toutes les semaines... Je suis très ouverte et je peux tout entendre...     

Portrait de Réponse Psy

Je comprends votre quête, Mireille, après toutes ces années passées à essayer de faire ce deuil.

Faire le deuil... Cette expression est souvent rejetée par les patients qui la refusent globalement car elle renforce leur culpabilité. Effectivement, ils imaginent qu'il s'agit en quelque sorte d'oublier le défunt...

En fait et en ce qui vous concerne plus précisément, il est avant tout question d'accepter que le chemin de vie de votre mari s'est arrêté très prématurément pour des raisons qui échappent à l'entendement humain et qu'il est logique que vous poursuiviez votre route sans lui dans les meilleures conditions... Pour vous et pour votre entourage quel qu'il soit.

Vous avez tenté de le faire mais dans ce que vous livrez, je retiens que ni les hommes ni les voyages n'ont pu combler ce sentiment de vide que vous ressentez donc toujours. Tout simplement parce que ce vide n'existe pas dans la réalité. Je m'explique : vous avez dû inconsciemment imaginer, donc fantasmer, que votre conjoint comblerait à tout jamais vos manques, vos déficiences. Cet homme vous servait en fait d'appui alors que vous étiez toute jeune et que vous pouviez tout à fait avancer à côté de lui sans vous " béquiller " psychologiquement. Autrement dit, vous l'aviez idéalisé pour qu'il vous soutienne (oui, oui) et vous pouvez constater l'aspect artificiel de cette fabrication du psychisme : une construction établie sur des sables mouvants, comme en atteste votre histoire de couple. C'est cette idéalisation qui vous gêne encore à l'heure actuelle et ce, pour deux mauvaises raisons essentielles :
. Une impossibilité à retrouver un homme qui vous convienne tant que vous laisserez celui que vous considérez comme l'homme de votre vie sur un piédestal. Tout partenaire vous semblera fade et inconsistant et ne vous apparaîtra jamais à la hauteur de vos espérances par comparaison.      
. L'idéalisation grossit et se renforce avec le temps qui passe...

Il est plus que temps que ce leurre " disparaisse " pour que vous puissiez enfin exister sans que vous soyez rattrapée par cette béance. Faites un premier grand pas vers votre libération et celle de votre mari d'ailleurs (puisque vous êtes croyante, rappelez-vous que le Christ a demandé de " laisser les morts ensevelir les morts ") en listant autant de fois que nécessaire tout ce que vous avez réalisé et réussi depuis votre veuvage. Relisez cette liste (qui sera assurément longue) et rajoutez vos oublis. Relisez-la encore et, lorsque que vous ressentirez une lassitude à la compléter, détruisez-la. Essayez ensuite de noter ce qui vous revient en mémoire spontanément. Déchirez vos nouvelles notes, jetez-les et recommencez cet exercice en consignant ce qui vous reste au conscient de ce que vous aviez écrit précédemment.

Vous constaterez, au bout d'un délai qui sera le vôtre, c'est-à-dire quand vous serez suffisamment en lien et en accord avec vos potentialités innées, que cette application est devenue inutile car vous aurez annulé votre faille narcissique. Ainsi aurez-vous fait le deuil en réalisant (au sens freudien du terme) que vous êtes un être de désir, capable donc de désirer et d'être désiré. Désirée par un homme de cœur qui appréciera vos capacités que vous lui aurez rendu accessibles dans la mesure où vous les aurez enfin identifiées. Marie Borrel, dans son ouvrage " 81 façons de s'aimer soi-même ", publié aux Éditions Trédaniel, écrit que " lorsqu'on s'aime, on a beaucoup moins de mal à accepter le bonheur que les autres veulent nous donner "...

Tenez-nous au courant, Mireille, et si vous avez besoin d'autres explications, d'autres conseils, l'équipe des psys vous répondra volontiers...   

Portrait de Virginie Roques

Boredom

Bonjour à vous 

Votre question m'interpelle et je n'ai pas prétention à vous donner les clés du deuil . 

A mes yeux , un deuil ne se fait pas : nous validons consciememnt la disparition physique de l'Autre mais sans pouvoir nous dérober à l'ivresse du vide . Je crois qu'elle est une étape nécéssaire, plus ou moins longue en fonction des individus, de l'entourage et de son soutien ou pas , de nos croyances . Les voyages , les aventures ou plutôt les tentatives de renouer avec les félicités du corps et de l'esprit font illusion un temps puis leur pouvoir curatif temporaire s'estompe pour de nouveau céder pas au sentiment de solitude physique, morale et quelquefois spirituelle.

Le deuil n'est pas une porte que l'on ferme mais un mal lancinant qui s'apprivoise pourvu qu'il soit cosncient et non vécu dans la fuite . Il implique comme il est trés bien expliqué plus haut de comprendre aussi que nos chagrins empêchent nos défunts d'évoluer dans l'autre monde.

Récemment une psychologue clinicienne m'a permis via la psychogénéalogie de "dire"à mes enfants décédés ce que la peine et la pudeur m'empêchaient d'exprimer jusqu'alors . Je leur ai dit au revoir et me suis libérée en les autorisant à poursuivre leur chemin d'évolution et en me permettant de nouveaux bonheurs .

Car s'il était dans la trajectoire de votre conjoint de "partir " il est de votre devoir pour lui d'être heureuse .  Pour lui et pour vous car vous n'êtes pas restée là " par hasard";

Le simple fait de poser ici cette question témoigne de votre "envie" de sortir du deuil et sans doute le temps est t'il venu pour la chrysalide de devenir le papillon neuf qui mûrit depuis 26 ans .

Ce n'est pas "trahir"le disparu de que vous permettre d'être heureuse . Au contraire , c'est l'honorer .

Je vous souahaite un joli cheminement de lumière . Laissez vous guider .

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Votre témoignage est beau et rempli d'espérance Virginie. Bonne journée à vous !-)

Portrait de Mireille-cogolin

Comment vous remercier pour vos conseils et vos témoignages qui m'ont émue et fait pleurer ?

J'en ai tellement assez que je vais suivre vos avis qui témoignent de professionnalisme et de beaucoup d'expérience personnelle. Pour parler comme les jeunes, vous êtes des boosters...

Portrait de Franck Girard

Bonjour Mireille,

Merci pour votre question. Ce que j'observe dans ma pratique et sur mon propre fonctionnement, c'est qu'il faut déjà mettre des mots dessus. Plusieurs fois. En osant le visiter sous différents angles. En essayant de retrouver à quel autre événement inconscient il vient se superposer... Mais ce travail est complexe à faire seul car notre chagrin inextinguible est aussi un moyen de faire face à l'insupportable. Mais faire le deuil permet de nouveau à la vie de s'écouler comme une rivière chantante... C'est pour cela qu'il est important de le faire. Je reste à votre disposition pour en parler. 

Portrait de Mireille-cogolin

Bonjour Franck

Merci pour votre réponse qui reprend -je présume- la dimension psy que je ressasse depuis 26 ans. J'ai peut-être commis l'erreur au "départ" de m'adresser à des médecins, profession que je respecte grandement par ailleurs. Mais c'est surtout un psychiatre qui m'a découragée. Alors mon désir de continuer à me confier s'est amoindri. Au fil de mes lectures et ma foi aidant, je me suis dit que j'avais tous les outils en moi pour sortir de ce magma de souffrance. Je pense que l'être humain est constitué de façon à dépasser ses blessures, ce qui lui permet de grandir. J'ai grandi mais je ne comprends pas pourquoi j'ai toujours aussi mal... Suis je incurable ?  

Portrait de Virginie Roques

I-m so happy

Bonjour Mireille 

Tout d'abord ôtez vous de la tête que vous êtes incurable puisque comme vous l'écrivez,nous sommes programmés pour nous sublimer y compris à notre corps défendant.

Je dirais qu'un psychiatre ou thérapeuthe de l'inconscient se choisit comme un melon Il doit être "senti" et"ressenti " ( rires) donc ce n'est pas une erreur d'avoir consulté un psychiatre "au départ" mais peut être n'étais-ce pas la personne adéquate ou la méthode qui vous seyait le mieux à ce moment précis de votre deuil donc abandonnez toute culpabilité. J'ai mis du temps à trouver la psychologue de confiance avec qui "poser mon deuil ".

Peut être la douleur que vous ressentez toujours est t'elle un paravent qui vous protège d'un vide que vous craignez par dessus tout . Il n'est jamais facile de renoncer à souffrir car renoncer au mal implique d'admettre le chemin parcouru , le temps perdu à pleurer au détriment du bonheur et exhorte à se reprendre . Or l'âme a des automatismes et la vôtre a pris l'habitude résignée de souffrir . Quelle révolution de se retrouver les bras ouverts sans plus avoir de peine immense à porter ! Quel défi que de reprendre le cours personnel de sa vie , de regarder vers demain , de refaire des projets !

Mais vous en êtes consciente et capable .  Il est temps d'offrir des funérailles à votre chagrin et de vous accorder "le droit" de vivre de nouveau sans culpabilité les bonheurs qui n'attendent que votre bon vouloir pour refleurir .

Bon courage à vous 

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Vous avez tout dit Virginie, il ne reste plus qu'à faire Mireille :-)... Mais je sais que vous avez compris ! Yallah, comme disait soeur Emmanuelle... en avant Clapping