Comment me déculpabiliser ?

Portrait de Horia

J'ai un fils de 16 ans qui vit une crise d'adolescence inquiétante : mauvaises fréquentations entre autres. Je ne sais plus comment m'y prendre avec lui. Quand il va trop loin, qu'il me répond, qu'il part en claquant la porte alors que je lui ai interdit parce qu'il ferait mieux de faire son travail de classe, je le prive d'argent de poche. Mais après je me dis que je n'aurais pas dû parce qu'autant il va aller voler... Et vas-y que je culpabilise. Donc rapidement après je vais lui donner de l'argent... Bien sûr j'ai déjà essayé la solution de facilité : dire " oui " à toutes ses demandes. J'ai la paix sur le moment parce qu'il semble content (jusqu'à la demande suivante qui ne tarde pas en général) mais ensuite je culpabilise en me disant que je ne lui rends pas service en agissant comme ça... Je suis certaine qu'il joue en plus sur ma culpabilité et que c'est ça qui ne lui rend pas service. Comment je peux faire pour ne plus culpabiliser quand je lui dis " non " ?

Portrait de Cécile

Je suis consciente de la difficulté à élever un ado qui cherche sans cesse ses limites... Je comprends aussi que l'on regrette un " non ". Pourtant il est nécessaire, comme dit la Bible,  " que votre non soit non ". La culpabilité est pernicieuse à ce niveau-là. Il faut accepter de " ne pas être aimée " à ce moment là ! C'est vous l'adulte et même si je sais, enore une fois, que ce n'est pas facile. Votre fils saura où il en est. Paradoxalement, cela peut même le rassurer. Je pense qu'il n'y a rien de plus terrible que de dire oui après avoir dit non ! mais je pense que des psys viendront vous donner des conseils plus avisés.

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Cécile a raison, à partir du moment où vous avez dit non, et que vous savez au fond de vous que c'est protecteur pour lui, il faut tenir bon car n'oubliez pas que vous servez d'exemple : "je dis ce que je fais et je fais ce que j'ai dit ". Votre fils a besoin d'être sécurisé et il vient chercher ce "non" ; en le lui donnant vous le protéger. Ce dont a besoin votre fils, c'est d'un parent responsable qui fait ce qu'il dit. 

Portrait de Claire M. Psychanalyste

Je partage l’avis de Cécile ainsi que celui de ma consoeur Cécile G. Si vous avez dit non, je pense qu’il est plus sage de s’y tenir car l’inverse serait déstabilisant pour lui et pour vous. Cependant, je comprends qu’il peut être parfois difficile de tenir bon : d’une part parce que les adolescents sentent si vous n’êtes pas cohérent et savent s’engouffrer dans nos failles  et parfois aussi  parce que nous-mêmes en tant qu’adulte, face à cette forme de remise en question pouvons nous trouver « ébranlés » dans nos certitudes. Surtout que ces conflits peuvent réactiver des affects de notre propre adolescence qui nous fragilisent également. Vous avez peut-être franchi quelques limites quand vous aviez 16 ans.

Ceci dit, même s'il faut tenir bon et rester ferme dans les périodes de crise, à chaud (par exemple lors des périodes de rupture de dialogue dont vous parlez, de claquements de porte etc.), il peut parfois être fructueux, quand l’ambiance est apaisée, hors période de crise ou de recherche de conflit (même si ces moments-là ne sont pas forcément fréquents et ne durent pas longtemps, on en trouve toujours), de faire un travail de fond basé sur le  dialogue, les explications de vos exigences, voire même  de négociations de certaines règles (celles que vous estimez négociables) et ainsi de confronter vos visions à tous les deux.  Dans des moments où  il pourra se montrer raisonnable et pas uniquement mu par des pulsions incontrôlables et rebelles typiques de cet âge. Cela pourra vous donner l’occasion alors de poser certaines règles comme non négociables mais d’en poser d’autres en accord avec lui, et donc de vous montrer à l’écoute, même si le cadre  de ces discussions doit être ferme : avant 18 ans,  la décision ultime vous appartient en tant qu’adulte responsable.

Ainsi, vous aurez passé l’étape du oui (l’écoute, la négociation avec lui, et l’énonciation de la « règle ») avant de passer celle du non s’il ne la respecte pas. Votre adolescent aura le sentiment d’avoir été pris en compte même si ça n’est pas lui qui décide et vous aurez peut-être vous-même  l’impression aussi que la règle posée sera plus juste donc plus tenable pour vous.  L’effet sur votre adolescent ne se laissera peut être pas sentir  immédiatement mais cela aura peut-être le mérite de vous déculpabiliser et d’éviter de vous faire revenir sur une décision qui avait été posée en respectant toutes les étapes.

Bien à vous.

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Je n'ai rien à rajouter au développement " clair " de ma collègue Claire M. Merci à elle d'avoir pris sur son temps pour venir traiter ce sujet de la déculpabilisation qui concerne beaucoup de parents en charge d'ados pas faciles à gérer. Il me semble, Horia, qu'il y a là pas mal de pistes à exploiter au niveau de l'élaboration de la relation éducative avec votre fils. Bon courage et venez nous tenir au courant !

Portrait de Horia

Vous m'avez beaucoup soulagée avec vos réponses parce que j'avais un peu l'impression que j'étais fautive du comportement de mon fils et que je l'avais rendu anormal.

Grâce à votre absence de jugement, j'ai pu ressentir comme une étape un peu obligée du développement de mon fils. En fait, si j'ai bien compris, vous conseillez avant tout une sorte d'adaptabilité mais l'amour et la force EN MÊME TEMPS, alors que je viens de bien saisir l'alternance que je mettais en place systématiquement. Mon erreur se situerait donc là. Je vais vraiment m'appliquer à ce EN MÊME TEMPS mais je sais déjà que la difficulté sera à ce point précis pour moi car je suis excessive. Ça peut être tout ou rien. L'amour et la force EN MÊME TEMPS, ça va être un apprentissage pour moi mais c'est vrai que dans ma vie, je fonctionne aussi à coups d'excès. Il faut donc que j'apprenne à faire sentir à mon fils que quand je lui dis " non " c'est parce que je l'aime, alors qu'en fait il ressent mes peurs. Il me l'a dit à plusieurs reprises... Si vous avez des conseils pour que je ne galère pas trop et que je ne perde pas trop de temps, je suis preneuse...

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Bien sûr Horia, toute la difficulté est là mais vous avez les moyens de la dépasser. Votre " non " doit être ressenti par vous-même comme protecteur. Il y a l'art et la manière de refuser quelque chose. L'important consiste à avoir soi-même la certitude que vous savez  - en tant que parent tutélaire - mieux ce qui est bon pour votre fils que lui. Non par autoritarisme débile mais par l'autorité que vous confère votre expérience de vie. Vous êtes passée vous aussi - et avant lui ! - par cette étape difficile et vous en avez tiré vos conclusions aimantes au service de votre fils. Certes, cela ne vous fera pas plaisir de tenir votre " non " ferme et définitif. Mais c'est parce que vous l'aimez ! Il comprendra alors, quelles que soient ses réactions, que vous êtes solide. Il se heurtera à un mur protecteur, à une limite sécurisante pour son inconscient. Je laisse à nos fidèles foromers le soin de vous transmettre le fruit de leur expérience concrète et vous souhaite un très bon dimanche à vous et à votre " révolté " de fils !

Portrait de yamina.174

Comme vous le dites vous-même, c'est ce " En même temps " qui est important à appliquer mais ô combien difficile à maintenir en permanence. Toutefois, votre fils c'est tout ce que vous faites en positif pour lui - et vous aussi, combien même vous ne tenez pas la comptabilité, comme je le.présume ! -... Et si de par son adolescence un peu rebelle, il le nie au conscient, sachez que son inconscient l'a enregistré en grande partie...