Des infos sur le soufisme ?

Je ne connais pas véritablement le soufisme mais, très curieux au niveau spirituel, j'ai dans ma bibliothèque un ouvrage édité chez Albin Michel dans la collection Spiritualités vivante : " Illuminations de la Mecque, Ibn Arabi ". Vous me donnez envie de le reprendre. Ce sage est natif de l'Andalousie et développe une mystique initiatique et une exégèse bien loin d'une religiosité projective. Voici une citation de ce sage très explicite à ce sujet et invitant à l'introspection  :

Ô toi qui cherches le chemin qui conduit au secret

Reviens sur tes pas car c'est en toi que se trouve le secret tout entier.

Très intéressée par la spiritualité, j'ai fait quelque recherches pour en savoir plus sur cette tradition.

 Le terme " soufisme " signifie " pureté cristalline ". Il s'agit du coeur ésotérique de la tradition musulmane. En Occident, René Guénon a été fasciné par le soufisme au point de se convertir à cette sagesse en changeant de nom. 

L'amour tient une place essentielle dans le soufisme. Ibn Arabi, évoqué par Gilbert, a écrit  le " Traité de l'amour ". L’imam soufi Al Ghazâli  affirme  : « Aimer Dieu est l’ultime but des stations spirituelles et le plus haut sommet des rangs de noblesse. Il n’est de station au-delà de celle de l’amour qui n’en soit un fruit et un corollaire ». Les pratiquants sont organisés en confrérie sous la guidance d'un maître spirituel, à la façon de la spiritualité indienne. 

Je ne savais pas que la tradition musulmane abritait ce type de perles. Du coup, je me suis renseigné aussi et j'ai appris que le spiritualiste Arnaud Desjardins s'est intéressé au soufisme. A moi donc de continuer à cheminer... Merci !

J'avoue que je ne connaissais pas du tout ce courant spirituel... Mes a priori sur les religions s'éfritent un peu et c'est une bonne chose. Merci à vous Cécile !

Arnaud Desjardins raconte qu'un maître soufi en Afghanistan lui avait dit de creuser sa mystique chrétienne pour être un musulman de coeur. " Islam " voulant dire " soumis " , si un Chrétien parvient à se soumettre à la volonté de Dieu, il est musulman... Ainsi les religions ne sont que des formes. Je vous donne le lien d'un entretien de l'emission " Racines du Ciel " très intéressante à propos du livre " Oui, chacun de nous peut se transformer " : https://www.youtube.com/watch?v=w3iw_0Y7wO0

Charles a eu l'amabilité de me donner ce lien qui mène a votre question et auquel je veux bien ajouter ma "pierre"  en ce qui concerne la définition du mot  (souf)isme il y a plusieurs hypothèses quant à sa définition,si pureté cristalline en est une, le mot sof en arabe veut dire aussi "laine" et les soufis dans le passé ne portaient que les vetements de laine , comme les pauvres en signe de modestie. et il existe une autre hypothèse le mot souf viendrait aussi du "sufa"  qui en arabe veut dire "banc" donc "les gens du banc" (le mot a donné "sofa" en français), bref je vous ajoute  un entretien que le soufi Eric Geoffroy a donné à Frederic Lenoir .

https://www.youtube.com/watch?v=fvayUblD-ZA

Concernat Arnaud desjardins,à l'époque de la présence française en Algérie, il était venu présenter un documentaire sur la mystique hindoue et cela lui avait donné l'occasion de rencontrer des soufis en Algérie. Il en disait le plus grand bien. Sa pensée a des points communs avec le soufisme...

Les éléments qu'a apportés Dounia m'ont passionné. Je viens de visionner l'entretien d'Eric Geoffroy et je vois l'Islam d'un tout autre oeil. J'avoue que ça a apaisé mes peur à l'encontre d'une religion que je percevais jusqu'ici dangereuse, voire très dangereuse. J'ai compris la différence entre ésotérisme, le fond commun à toute les spiritualités, et l'exotérisme qui n'en est que la forme. Une transmission de qualité sans prosélytisme aucun. Et cela me paraît essentiel. Oui, Dounia a assuré !!!

Il est sublime que ce soit au travers de la question d'une occidentale que je redécouvre la richesse de ma tradition. Dans ma famille, on ne me parlait jamais du soufisme. Il fallait suivre les règles, un point c'est tout. Je comprends tout à fait les peurs de Charles. J'ai eu honte, à un moment, d'appartenir à cette culture... Le discours d'Eric Geoffroy m'a fait beaucoup de bien... Et tous les foromers aussi !

Merci Charles ,c'est grace à vous que cette discussion autour du soufisme continue et qu'elle lève un peu le voile sur le vrai visage de ma religion et que ça puisse dissiper les malentendus et les ambiguités qui y entourent..

Younès pour moi le soufisme est l'islam, et il est amour paix et tolérance! dans le passé les occidentaux qui cotoyaient les musulmans cherchaient à approffondir leur connaissance sur cette religion qu'est l'islam et reconnaissaient sa sagesse sa tolérance, le Code Civil français de Napoléon fut  inspiré par la Charia lors de son passage en egypte, lisez aussi le poéme de Victor hugo  sur notre prohète, de nos jours qui cherche vraiment à connaitre cette religion?? tout le monde semble déja avoir sa propre idée malheureusement..les miens aussi ne parlaient pas de soufisme,les valeurs religieuses etaient la et il fallait les apprendre puis les suivre,jusqu'a l'arrivée de ce courant d'Arabie Saoudite (wahabisme) d'un islam rigoureux, moi meme je ne me reconnais pas en cet islam la,ajouté à cela la politique et les médias qui manipulent les gens nourrissant ainsi l'islamophobie mondiale,notre devoir est de chercher justement la vérité, en tant que musulman et qu' etre humain aussi, bref le mystique d’avant n’est plus le mystique de notre époque , aujourd’hui - c’est plutôt « a  mistake» traduction "erreur"en anglais  : )

 MERCI à vous Cecile de m'avoir permis avec votre question de donner qlqs p

éclaircissements sur le sujet.

Ayant travaillé pendant plus de 30 ans dans une école d'un quartier à population essentiellement issue de l'immigration nord-africaine, j'ai appris à ne pas stigmatiser cette culture. Je remercie l'école laïque de m'avoir permis cette expérience de vie. Et là où je rejoins à 100 % Dounia, c'est que la culture est le seul moyen d'apprendre à vivre ensemble. Pour respecter les différences, encore faut-il ne pas en avoir peur. Et cela va dans les deux sens. C'est là la vertu d'une authentique laïcité. Et ça commence dans la cour de la maternelle... Merci l'école !!!

Pour aller dans le sens de ce que dit Gilbert et sans sortir du contexte de la discussion, j'ai le désir de partager une excellente citation du philosophe arabe Averroès :

" L'ignorance mène à la peur, la peur mène à la haine et la haine conduit à la violence. Voilà l'équation. "

Merci Dounia d apporter un élan réparateur sur une religion qui vit des turbulences médiatiques et mondiales liées à une méconnaissance de la spiritualité de celle ci . Pour ma part elle a été transmise par l' oralité et avec beaucoup d injonctions d ou je m en suis éloignée afin de me préserver et il est de ma responsabilité de ne pas avoir pris le temps d aller à sa rencontre... Tres jeune, j ai été confronté au livre Saint et mes enseignants étaient réducteurs sur la place de la femme, de nature adaptée, j ai appliqué les règles et cela m a beaucoup coûté d' ou j ai mis de la distance aux grands dames de ma famille. A ce jour, je viens à elle avec un regard neuf et une curiosité et je la découvre avec tolérance et amour comme vous le dites à savoir que la méconnaissance et inculture la rend effrayante, mais il est de la responsabilité des parents et des enseignants du culte de bien la distiller avec amour car elle respecte et honore tous les prédécesseurs d où elle fait appel à une grande tolérance . Les voies du Seigneur sont  impénétrables . Il est pour ma part, important de rappeler que nous sommes tous liées au Divin, par le respect de chacun et par l' ouverture du coeur ...merci Dounia pour le beau lien qui montre une belle spiritualité musulmane amenant à l' Amour Divin par le Soufisme, comme toute spiritualité ...

Très important, ce que vous dites, Ouri-sérénité. J'ai eu une relation amoureuse avec une femme plus âgée que moi et ayant une position sociale qui l'épanouissait. Ma famille n'a pas supporté ce statut de la femme. J'ai rompu avec cette femme (pour d'autres raisons) mais j'ai aussi rompu avec le regard étriqué de ma famille. Je commence juste aujourd'hui à me reconstruire en misant sur mon travail. Cette femme m'a appris l'indépendance à ce niveau et c'est vrai qu'elle a été quelque part une enseignante de vie...

Je ne peux passer sous silence ma souffrance et la folie des hommes, de toutes nations et de toutes religions, à la suite des événements tragiques d'hier soir à Paris  : " Ne tuez pas la personne humaine, car Allah l'a déclarée sacrée " : Coran, VI, 151.

L'Homme a tendance a oublier... Des millions de morts en 14/18 et on continue... Le XXIème siècle sera spirituel ou ne sera pas. Je crois que c'est André Malraux qu'il faudrait méditer. Ministre de la culture, il me semble...

Guy Gilbert, dit  " le prêtre des loubards "  fait une distinction importante :

Dans toutes les religions, il y a des croyants et des extrémistes.

La différence, c'est que les extrémistes mettent Dieu à leur service alors que les croyants se mettent au service de Dieu.

Issu de l’orthodoxie sunnite, mais parfois considéré comme une tendance à part entière de l’islam, Henri Corbin  se risque en 1971 a définir ainsi le soufisme : "le soufisme venant de l'arabe "taṣawwuf" est essentiellement la pratique d'une religion intérieure, d'une expérience intérieure contrastant avec la religion de la loi, de la religion purement legalitaire de l'Islam officiel." 

Le soufisme semble s'appuyer sur la charî'a , le savoir exotérique (« la voie qui mène à l’eau », « la voie qui mène à la source de la vie ») et sur le principe du Beau et de l'Unicité. La Beauté est vécue comme une « ouverture intérieure », non pas au sens esthétique mais au sens métaphysique du terme. Dans le Banquet, Platon évoque déjà cette notion du Beau vécu comme le but suprême de l'ascension de l'âme. Plus tard Plotin (205 - 270 ap. J.-C.) évoque la splendeur du Beau transcendant, qui émeut l'âme et nous éveille à nous-même au travers de cette contemplation intérieure, comme une sorte de co-création (ou co-production) venant s'ajouter à l'action de contempler  : «mon activité contemplative produit ce que je contemple, comme les géomètres produisent leurs figures en contemplant » (Plotin - Ennéades).

J'ai le sentiment que le soufisme nous encourage sur cette voie de la Beauté intérieure, Ascension esthétique nous amenant à découvrir la beauté du monde, clé indispensable à la voie de communication entre Ciel et terre… . Si j'ose un parallèle avec la Bible, on retrouve ce principe puisque le royaume de Dieu ne vient pas comme une chose qu'on peut observer car « le royaume de Dieu est à l'intérieur de vous. ›› (Luc 17 :22). Le grand poète mystique, Djalâl-od-Dîn Rûmî (1207 - 1273), évoque aussi cette intériorité au travers de la méditation et les rêveries, cherchant ainsi a éveiller l'âme endormie du disciple (Le Livre du dedans).

La contemplation semble donc nécessaire mais pas suffisante dans cette quête initiatique de la vérité intérieure. Comme Plotin, qui a souvent évoqué dans ses dialogues « la descente de l'âme dans le corps » ou Platon qui nous encourage a « briser ses chaînes et sortir de la caverne », l'homme semble dérouté, plongé dans une sorte d'ivresse de lui-même : « qui suis-je », qui est ce « je » qui parle en moi…On retrouver cette ivresse chez les derviches tourneurs qui par cette « danse giratoire » cherchent a entrer en contact avec le divin.

Après la descente de l'âme vers le corps, la voie soufie semble nous demander de prendre de la hauteur, a l'image de l'échelle de Jacob dans la genèse biblique, afin de développer un « supplément d’âme ». Peut-être le « je » divin (« Double Divin?) qui parle en nous, pour nous permettre de réaliser ce voyage en ou vers Dieu : « Dieu est la lumière des cieux et de la terre! » (Coran XXIV, 35.). Pour les soufies, Dieu est la lumière et la lumière est l'être, Tout ce qui est créé n'est qu'une émanation de la création divine.
Cette lumière divine semble avoir un sens ésotérique, caché, qui permet "la réalisation de l’homme universel, c’est-à-dire relier l’homme à Dieu afin qu’il devienne son serviteur", selon le cheikh Bentounès. C'est probablement cette prise de conscience qui permet de susciter l'éveil : "Souvent lorsque je m'éveille à moi-même en sortant de mon corps, et qu'à l'écart des autres choses, je rentre en moi, je vois une beauté d'une force admirable" (Plotin, Ennéades, traité IV,8). C'est le chemin vers l'Uni-cité (Uni si t'es) de l'être humain et du Divin, pilier de la pratique soufie qui permet au pratiquant de dépasser les préoccupations terrestres pour parvenir à la fusion dans l’amour divin.

Pour conclure ma réflexion, je souhaite partager avec vous cette citation d'Ibn'Arabî (1165 – 1240), extraite de son « Livre des chatons des sagesses », qui évoque les dérives possible d'une foi dogmatique. Peut-être que l'on peut faire un parallèle de cette «foi dogmatique » avec certains enseignements qui sont fait aujourd'hui des écritures Coraniques :

« De même, nous avons dit de celui qui professe une foi dogmatique qu’il fait l’éloge uniquement de la Divinité incluse dans sa profession de foi, et qu’il se rattache (exclusivement) à elle. Les œuvres qu’il accomplit lui reviennent, et il ne fait l’éloge que de lui-même. En effet, louer une œuvre c’est, sans aucun doute, louer son auteur ; qu’elle soit belle ou qu’elle ne le soit pas, c’est son auteur que cela concerne ! Or, la Divinité de celui qui professe une croyance est son œuvre, destinée à celui qui la considère. L’éloge qu’il adresse à ce qu’il professe est un éloge qu’il adresse à lui-même. C’est d’ailleurs pourquoi il blâme ce que professent les autres, ce qu’il ne ferait pas s’il était équitable.

Celui qui se limite à cet objet d’adoration particulier se montre ignorant en cela sans nul doute, du fait même qu’il s’oppose aux autres dans leurs convictions dogmatiques au sujet d’Allâh ; car s’il connaissait (le sens de) la parole de Junayd : « la couleur de l’eau est celle de son récipient », il laisserait à chacun sa propre croyance ; il connaîtrait Allâh en toute forme en en toute profession de foi. (Tel qu’il est), il n’a qu’une opinion, non une science (véritable) ; c’est pour cela que (Dieu) a dit : « Je suis auprès de l’opinion que Mon serviteur a de Moi » ; Je ne me manifeste à lui que dans la forme de sa croyance : s’il (le veut), en mode absolu ; et s’il (le) veut, en mode conditionné.

La divinité des convictions dogmatiques est prisonnière des limitations ; c’est la Divinité que contient le cœur de Son serviteur. La Divinité absolue, rien ne peut La contenir car Elle est l’essence des choses et l’essence d’Elle-même ; on ne peut dire d’une chose, ni qu’elle se contient elle-même, ni qu’elle ne se contient pas. Comprends donc !

Et Allâh dit le Vrai, et c’est Lui qui guide dans la Voie. (pp. 712-713) »

Je vous remercie pour toutes les précédentes interventions sur ce sujet développées dans ce merveilleux forum. Ces échanges m'ont permit de percevoir et de rechercher a mieux appréhender cette voie spirituelle qui m'a toujours intéressé.

Bon dimanche à vous et encore merci !

Thierry

Le soufisme, passant par la connaissance de soi et du Soi, constitue une voie spirituelle authentique dont la transmission se fait, comme en Inde, de maître à disciple.