Dire oui à tout ce qui arrive dans la vie affaiblit l'ego et rend heureux ?

Portrait de Mireille-cogolin

La philosophie bouddhiste dit que si on accepte toutes les épreuves de l'existence, on affaiblit son ego et on commence à être heureux... Depuis tôt ce matin, je me prends la tête avec ça mais, même si je crois comprendre l'idée intellectuellement et qu'elle me séduit, savez vous comment je dois m'y prendre pour accepter toutes les épreuves que je trouve sur mon chemin, parce que -si j'ai bien compris- c'est vraiment la voie royale, et la seule, du bonheur ?

Portrait de Gilbert

Bonjour Mireille,

Je suis en train de lire un passage d'un livre de James F. Twyman dont le titre est " Le  Code de Moïse ". Je voudrais vous le faire partager car il peut étayer notre discussion :

Si vous décidez de voir par les yeux de l'ego (l'ombre), vous verrez que tout est séparé et isolé. L'une des croyance de l'égo est que vous devez vous défendre de ce qui se trouve à l'extérieur de vous, qui peut vous attaquer sans prévenir. Vous observez le monde à travers des yeux suspicieux, incapable de percevoir les choses autrement qu'à travers un filtre noirci. Les personnes ou les circonstances qui auraient pu bien vous servir ou qui vous apportent de la joie sont déconsidérées ou même attaquées... Si vous choisissez de voir par les yeux de l'âme, alors le monde et tout ce qu'il contient apparaîtra dans une toute autre lumière...

La seule chose qu'il vous reste à faire, c'est de bénir tout ce que vous percevez parce que finalement chacune de vos expériences vous guide vers une compréhension plus profonde de votre but ultime de vie.

Portrait de Igor.P

Je viens depuis peu sur ce forum Signes et Sens et je découvre chaque foi un univers de pensée singulier et surprenant. Ce sujet de discussion est un don du ciel vu ce que je traverse actuellement. Je ne connaît pas grand chose au Bouddhisme mais j'avoue que ce que vous en transmettez me parle de l'intérieur ...  J'essaie depuis plusieurs jours, comme me l'ont suggeré de sympathiques foromers, de dire "oui" au événements, en essayant tout de même de pas les subires et je me porte bien mieux... Je commence à comprendre la portée d'une acceptation de ce que je ne peux comprendre. Tout n'est pas résolu pour autant, mon énergie,elle, s'en porte mieux en tout cas!

Merci pour ce sujet passionnant en attendant d'en découvrir plus...

Portrait de Anne Monferrer

Dire oui me parait essentiel. Mais oui à quoi? Comme le bouddhisme, le christiannisme l'enseigne, et Marie en est la figure la plus parlante. Dans le christiannisme c'est dire oui à l'amour infini de Dieu, incarné, manifesté par son fils Jésus. Ce oui est radical, il s'affranchit des pouvoirs temporels, et c'est en cela que c'est un acte de liberté qui dérange le monde. Il fait quitter la "mondanité" comme dit le pape François pour aller vers la Vie. Comme c'est très difficile, on parle de chemin. "Je suis le chemin de la Vie" dit Jésus.

Portrait de Jean

Je regardais ce matin un reportage sur les pélerins de Compostelle. Tous parlaient plus de l'importance du chemin que du but à atteindre (la cathédrale). J'ai été particulièrement interressé par un marcheur allemand qui disait que le chemin de Compostelle agissait sur lui comme une métaphore de la vie. Ainsi, il expliquait que lorsqu'il était fatigué, il posait son sac  à dos devenu trop lourd à côté de lui et s'asseyait pour se reposer. Il mettait donc son problème à distance, il lâchait prise. Puis il le reprenait, réénergisé, pour aller  " au bout du bout ", disait-il. Et la magie opérait pour continuer d'avancer. Il ne sentait plus, comme auparavant, la lourdeur de son sac. Il insistait aussi sur le fait que le chemin, c'est 10 % de pied, 90 % de tête, et 100 % de coeur... Alors le chemin de l'acceptation des aléas peut devenir véritablement la voie royale vers ce bonheur indescriptible et propre à chacun. Pour l'anecdote, la mère de ce pélérin souffrait d'un cancer du sein et c'est ce qui a déclenché chez son fils le désir d'avancer sur cette voie... " Ma mère va bien " explique-t-il au terme du reportage...

Portrait de Anne Monferrer

oui comment s'y prendre pour accepter les épreuves, c'est effectivement s'assoir dessus, comme sur ce sac bien lourd. Il est étonnant d'ailleurs de voir combien de personnes marchent sur le chemin de Compostelle alors qu'elles ont de lourds handicaps dans leur corps, leur coeur, leur âge. Je connais une dame qui a démarré à 77 ans alors qu'elle a une dégénérescence maculaire avancée, et n'y voit plus guère. Chaque année elle a fait un bout de chemin, accompagnée d'amis, heureux de l'aider quand elle le demandait. Elle est arrivée à 84 ans devant la cathédrale! Des histoires comme ça il y en a plein tout au long du chemin.

Portrait de Isabelle

Comment travailler sur l'humilité, si l'acceptation fait défaut... Et c'est bien notre ego qui nous empoisonne... et joue le "tentateur"... La plupart du temps, même très inconsciemment, nous nous "triturons les méninges" parce qu'ainsi nous pensons surtout que nous maîtrisons notre destin... Au fond c'est presque un double manque d'humilité ! L'humilité que nous nous devons, c'est un peu ce que traduisent aussi ces pélerins de Compostelle... Pour lâcher notre ego, il s'agit de nous mettre en chemin... Quel qu'il soit... Et même si quelquefois, on peut avoir l'impression d'être au bord de la route, l'essentiel est de reprendre son chemin, toujours. Persévérer rime aussi avec humilité... C'est aussi le sens du "Yallah !" de soeur Emmanuelle par exemple...

Portrait de Anne Monferrer

Affaiblir notre ego, ne serait-ce pas s'en remettre à autre chose qu'on ne comprend pas?

Car il est vrai que toujours sur le chemin de Compostelle, les gens disent "c'est le chemin qui m'appelle", alors qu'ils ont parfois les pieds en bien mauvais état, qu'ils marchent bien plus lentement que d'autres,  se font dépasser.

C'est ce qui est étonnant par rapport à des chemins de randonnée qui ne visent que le sport en lui même ou le tourisme, donc l'ego quelque part.

Sur le chemin de Compostelle il y a comme une abération, pour ne pas dire une folie. Marcher, alors qu'on est plus qu'obèse, c'est de l'ordre du contre sens. Et cela met en joie tout le monde.

Portrait de cricri

" Aux innocents les mains pleines "... Je me répète tous les jours cet enseignement biblique car j'ai tendance à discutailler quant aux épreuves qui me sont pourtant offertes pour que je progresse vers plus de paix... Il est bien évident qu'il s'agit d'accepter ce que nous ne pouvons pas changer. J'ai constaté à maintes reprises que lorsque je suis dans cette énergie de sagesse, il y a toujours très peu de temps après une bonne nouvelle qui me rassure et qui est liée à ce qui m'inquiétait... Je me dis que plus tôt j'en finirai avec l'illusion que je peux transformer des situations intransformables, plus tôt je serai libre et donc heureuse...

Portrait de Mireille-cogolin

Je me torture vraiment pour rien. J'ai beau le savoir, j'oublie toujours l'essentiel: je dois accepter ce que je n'ai pas les moyens de changer... Il faut que j'intègre cette nuance qui est extrêmement importante. Finalement, vous me faites comprendre tout d'un coup que je n'avais jamais integré, donc jamais accepté jusqu'ici, que je ne pouvais rien contre la mort prématurée de mon mari... Ça me fait penser à des connaissances... Comme ce sont des gens qui ont de l'argent, l'année de terminale de leur fille unique, ils lui ont fait donner des cours particuliers dans toutes les matières importantes... Ils redoutaient qu'elle n'ait pas son bac parce qu'ils voulaient qu'elle fasse des études universitaires. Elle a eu son bac mais l'été qui a suivi, elle a rencontré un australien. Étant majeure, elle est partie vivre en Australie avec lui. Ils sont mariés. Elle ne travaille pas et a quatre enfants. Elle ne vient jamais et ses parents sont désespérés... Il y a longtemps que j'ai compris qu'ils l'avaient gavée avec les devoirs et la perspective de diplômes. Je l'ai compris le jour où elle m'a dit que les études, ça ne l'intéressait pas et que quand elle aurait 18 ans, elle les arrêterait et qu'elle partirait définitivement de chez elle. C'est ce qu'elle a fait... Je pense que si ces parents avaient respecté leur fille, ils auraient accepté qu'elle ne soit pas faite pour faire des études et ils auraient un meilleur relationnel... C'est ce genre d'exemples qu'il faut que je travaille pour connaître enfin un meilleur relationnel avec moi...

Portrait de luna_95

Cette discussion m'a beaucoup aidée parce qu'elle est tout en nuances...
Moi aussi je vais essayer de retenir que l'acceptation ne concerne que les événements qu'on ne peut pas changer. Je viens de comprendre que faire le deuil d'un être cher, c'est bien intégrer qu'on ne peut rien quand la mort frappe. Je pense aussi que cette discussion peut être très importante pour des personnes qui ont perdu leur emploi malgré elles, comme dans les cas de licenciement économique. J'ai une amie qui est dans ce cas-là et je vais lui expliquer qu'elle ne mette pas d'énergie inutile dans les regrets : il faut qu'elle fasse le deuil de son entreprise pour pouvoir retrouver un travail...

Portrait de cricri

Je suis très heureuse Luna d'avoir pu lire votre commentaire. J'ai suivi tous vos posts et je sais que vous avez perdu votre petit garçon d'une mort subite du nourrisson. Dans vos props d'aujourd'hui, vous dites que vous allez conseiller une de vos amies pour faire le deuil de son entreprise précédente. Ce qui signifie que l'énergie est un peu revenue et que vous allez mieux... C'est un grand bonheur pour moi de constater que vous trouvez la force d'avancer et d'établir à nouveau des liens extérieurs dans la mesure où il n'y a pas si longtemps encore, vous disiez que vous éprouviez le besoin de rester couchée dans le noir, volets clos... Je vous adresse mes meilleures pensées.
Cricri.

Portrait de Ugo

Bonjour, je viens d'intégrer grace à vos posts qu'accepter de ne pouvoir changer l'inchangeable permet de garder son énergie pour changer ce qui peut l'être. Ca parraît simple mais à une époque pas si lointaine j'avais tendance à faire l'invers!

Portrait de cricri

Je trouve votre précision très intéressante parce que moi aussi, si je me laisse aller à avoir peur, je veux changer ce que je ne peux pas changer. C'est vraiment l'inverse qu'il faut faire mais j'ai longtemps eu tendance à croire que ce que Dieu me demandait, c'était de combattre des situations invraisemblables, c'est-à-dire celles qui étaient intransformables pour moi. En fait, je croyais que si je m'occupais des obstacles que je pouvais franchir, je n'étais qu'une faible... Ce qui m'a fait réaliser que j'étais dans l'erreur, c'est un jour où s'est imposée à moi la nécessité de déposer aux pieds du Christ, donc de La Croix, toutes les situations que je m'évertuais à vouloir débloquer et qui restaient verrouillées... Cette attitude a pris tout sens alors : Jésus n'avait pas subi tous ces sévices corporels et toutes ces humiliations pour rien... Je me suis sentie libérée, même si je dois encore combattre mes démons, c'est-à-dire le diable qui me met toujours face à des épreuves qui ne sont pas à ma portée... Comme vous le dites si bien Ugo, il est nécessaire de voir dans un premier temps si la situation est déblocable par soi. Si ce n'est pas possible, notamment lorsqu'on voudrait qu'un de nos proches change ses comportements, il faut renoncer à jouer à Don Quichotte. Étant croyante, je prie Jésus pour qu'il s'occupe de mon fardeau et ensuite, je m'occupe dans ma vie de ce qui est à ma portée. C'est pour moi une école d'humilité, à chaque fois renouvelée, et dont j'ai grand besoin... Sans compter, pour reprendre votre idée, que je ne gaspille plus mon énergie ni ma santé pour rien... Mais, pour être honnête, je trouve que je dérape encore trop souvent et que je me fais bien du mal. Mais j'ai vraiment le désir d'en finir avec ce genre d'insuffisance psychologique et spirituelle... Tous ces blogs et ces forums contribuent à mon évolution et sont un solide appui pour moi...

Portrait de Ugo

Merci Cricri pour vôtre réponse qui apporte une vision plus détaillée de ce que je voulais transmettre. le développement d'une idée n'a jamais eté ma spécialité, un de mes défauts difficilement changeable pour l'instant! 

Portrait de Isabelle

Merci à vous tous pour tout ces échanges ! Ils permettent de continuer un travail d'introspection d'une grande richesse ! En vous lisant tous, je réfléchissais au fait, qu'en développant toujours cette acceptation d'être "impuissant" face à certaines situations et d'accepter donc de ne pas avoir le "pouvoir" de les changer, il me semble, que cela me permet d'intégrer un peu plus chaque jour de m'inscrire dans le temps "présent". Car alors si j'accepte qu'il y des situations qu'il ne m'appartient pas de "modifier", cela me permet également de lâcher ce fantasme aussi vieux que l'Humanité... La peur de la mort... Et finalement, s'il y a bien quelque chose, qu'aucun individu ne peut changer, quoiqu'il en pense, c'est ce temps compté, propre à chacun... Le temps devient alors un allié et non plus un ennemi...

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

J'aime beaucoup votre commentaire, Isabelle. Oui, le temps devient un allié si l'on accepte enfin (mais ce n'est pas évident, l'inconscient ne connaissant ni le temps ni l'espace)  ce principe de réalité qu'est la mort. Jacques Lacan, lors d'une intervention à l'Université catholique de Louvain lançait à l'assemblée : " La mort est du domaine de la foi et vous avez bien raison de croire que vous allez mourir. Sinon, comment supporteriez vous cette histoire ?... "  Et d'ajouter, après un silence   : " Et le comble du comble, c'est que vous n'en êtes pas sûr... ! " . Voilà tout le paradoxe de la condition humaine. Arnaud Desjardin, dans un autre contexte, affirme dans  " L' audace de vivre " que la peur de la mort est tout simplement la peur de vivre. Finalement, et si accepter cette réalité ultime était la seule voie pour vivre pleinement et ne plus se contenter de survivre ?