Eteindre ses désirs pour ne plus souffrir ?

Portrait de Jean

Le mot " désir " prend beaucoup de sens différents selon la discipline concernée. Pour la psychanalyse, il s'agit je crois d' " être dans son désir " pour ne plus vivre par procuration. La Bouddhisme, quant à lui, parle de l'extinction des désirs pour ne plus souffrir. J'avoue que j'ai du mal à concilier les deux points de vue. Pourtant, je pense qu'il n'y a pas d'opposition fondamentale. Est-ce que vous pouvez m'éclairer ?

Portrait de Solange

Le " désir " ? Que met-on derrière ce mot ? Parfois confondu, il me semble avec " plaisir ", il peut effectivement enchaîner plutôt que libérer. Mais n'étant pas une spécialiste dela psychanalyste ni du Bouddhisme, je suivrai cette discussion qui s'avère compliquée mais certainement très instructive.

Portrait de Christine-zen

Pour la psychanalyse - que je ne connais pas professionnellement -, je présume qu'il s'agit d'être soi pour ne pas supporter des souffrances qui ne sont pas siennes.

Pour le Bouddhisme, il me semble qu'il est proposé d'accueillir joies, souffrances, selon une neutralité qui supprime un état émotionnel lourd de déceptions, d'angoisses... C'est l'équanimité.

Ces 2 directions sont apparemment différentes. Or, elles ne sont que distinctes et essentiellement complémentaires : il faut déjà enlever le fardeau d'un héritage familial si l'on désire s'élever dans un monde spirituel où les jugements de valeur n'ont pas leur place.

Portrait de Jean

Merci Christine-zen pour cette explication. Je note donc la complémentarité des deux disciplines.

Portrait de Jean-Marc

Mâ Ananda Moyî assure dans son enseignement : " Aspirer à ne plus rien avoir à désirer est votre vraie nature ". Mais il s'agit d'une aspiration aussi, donc quelque part d'un désir mais autre. Le désir d'équanimité dont parle Christine, je suppose. Mais il est vrai qu'il est important de se débarasser d'un fardeau qui ne nous appartient pas dans un premier temps, ne serait-ce que pour avancer plus léger sur la voie.

Portrait de M.Christine

J'aime bien l'explication de Christine-zen .

Par ailleurs, "éteindre ses désirs" est à double tranchant . C'est nécessaire pour atteindre l'équanimité, mais cela peut être dangereux s'ils ne sont qu'étouffés comme des braises sous la cendre . Le jour où ils resurgissent, ça peut faire mal !

En tout cas, il me semble nécessaire de les étudier un par un, essayer de trouver leur source, évaluer leur pertinence et leur intensité . Bref, travailler dessus en conscience plutôt que de les éliminer "artificiellement" .

Pour en revenir à votre question initiale, il semble que le mot "désir" n'ait pas le même sens en psychanalyse et dans le bouddhisme . La phrase de la psychanalyse que vous citez, je l'interprète comme : ne plus agir uniquement pour satisfaire les autres mais reconnaître ses propres désirs et besoins, ne plus être dépendant du plaisir ou du déplaisir des autres, devenir autonome ; ce qui ne signifie pas se laisser aller à toutes les tentations mais prendre le mot "désir" au sens large : se respecter plus soi-même dans sa spécificité . Savoir dire non, par exemple, quand quelque chose ne correspond pas à la volonté de notre âme ... Et également, agir en suivant ses propres goûts même si cela va déplaire à quelqu'un d'autre .

Dans le bouddhisme, le mot "désirs" a, il me semble, plus un sens de tentations, envies, attraits irrésistibles, impulsions  ...

Portrait de Jean

Merci M. Christine, votre éclairage est très intéressant. Il y a donc " désir " et " désir ".

Portrait de Louis

Il me semble que, selon le Boudhisme, le désir lié à la nature transitoires des plaisirs débouchant sur l'insatisfaction est une souffrance car sans fin.

Portrait de Gilbert

Il est vrai que rien ne dure, ni les joies ni les peines. Le Bouddhisme postule d'un état au-delà des opposés. Je crois qu'il le nomme nirvana. On retrouve d'ailleurs ce mot dans le vocabulaire psychanalytique mais certainement avec une acception différente. Quoi qu'il en soit, il est vrai que la notion d'équanimité avancée par Christine-zen est en lien avec ce constat d'impermanence.

Portrait de Coeur Serein

Bonjour ,

Un des principes centraux du Bouddhisme est que la vie est souffrance et que cette souffrance est causée par le désir.

Beaucoup de gens ont mal compris ce concept central et pensent que le Bouddha en disant cela qu'ils devraient surmonter tout désir et ne laisser aucun désir.

 En d'autres mots le mot désir pour le Bouddha signifiait un faux désir  ou plutôt un désir erroné.Un faux désir est un désir qui vous rend attaché à quelque chose dans ce monde et vous fait penser que vous ne pouvez pas être complet sans avoir l'objet de ce désir. C'est cet attachement qui donne naissance à la souffrance.

Si vous anéantissez tous les désirs  alors comment alors pouvez-vous avancer sur le chemin spirituel ? Au lieu de cela , cherchez à remplacer tous les désirs terrestres limitatifs par des désirs libérateurs ou désirs spirituels.

Portrait de Charles

L'explication de Coeur Serein sur les faux désirs ou désirs erronés et la notion d'objets est intéressante.

Portrait de Isabelle

Je crois que je commence à un peu mieux comprendre ce qu'équanimité veut dire... Enfin il me semble... Ce faux désir correspond au faux-self psychanalytique comme d'ailleurs souligné par Christine-zen... Ce faux-self allant de pair avec la persona Jungienne... Lorsque nous lâchons nos masques, nous pouvons ensuite laisser place à l'unicité de l'être afin de rétablir le vrai-self et donc une communication "réelle" amenant l'équilibre intérieur-extérieur-intérieur... Nous n'ignorons plus l'existence de notre ame, essence de la vie.

Portrait de Younes

J'avais lu dans une discussion le terme " persona ".

Portrait de Lakshmi

Je voudrais citer un passage de ce que dit le philosophe spiritualiste Krishnamurti. Il parle justement des masques et des désirs :

" Tout l'édifice du moi est le résultat d'intérêts et de valeurs contradictoires, de nombreux désirs de nature diverse aux différents étages de son être ; et tous ces désirs engendrent leurs propres contraires. Le moi est un réseau de désirs complexes, chaque désir ayant sa vitalité et ses buts propres et qui sont souvent en opposition avec d'autres espoirs et d'autres objectifs. Le moi prend tel ou tel masque selon les circonstances ou sous le coup de telle ou telle émotion passagère ; ainsi à l'intérieur de la structure du moi la contradiction est inévitable. " in " Commentaires sur la vie " Tome 1.

Complexe donc !

Portrait de Jean-Marc

Je crois que le Bouddhisme n'est pas nihiliste mais est sous-tendu par un désir. Il propose une voie de libération pour atteindre le bonheur. Pour cela, il exige effectivement d'identifier les faux désirs, ceux dont parlent Christine-zen à mon avis. Le Dalaï Lama dans " L'art du bonheur dans un monde incertain " estime que " l'on peut et que l'on doit travailler simultanément à son bonheur personnel et au bonheur dans la société ".

Portrait de Lakshmi

Un beau projet que celui du Bouddhisme. Un message d'espoir à mon avis.

Portrait de Régis

Bonjour,

Je trouve cette discussion intéressante. Etant chrétien, je ne pense pas que l'extinction des désirs soient la solution. D'autant que, curieux et ouvert à d'autres traditions, j'ai trouvé un passage de " L'enseignement de Mâ Ananda Moyî " - ce merveilleux livre que j'ai découvert grâce au forum - qui va dans ce sens. Voici ce que la Sage explique :

" Vous tentez d'assouvir un désir par un autre désir ; les désirs ne peuvent donc pas disparaître, pas plus que la tendance à désirer. Lorsque l'homme acquiert une conscience aiguë de cette tendance en lui à désirer, alors seulement la quête spirituelle devient authentique. Vous ne devez pas oublier que lorsque la tendance à désirer se transforme en une volonté de connaître son Moi, alors seulement peut commencer la vraie recherche... "

Ce texte, mieux que je ne saurais le faire, me semble montrer cette juste articulation qu'il peut y avoir entre psychanalyse et spiritualité, qui, pour le coup, deviennent absolument complémentaires, comme le suggère Christine-zen.

Portrait de M.Christine

Très juste, Régis .

Alors le vrai désir s'appellerait plutôt "aspiration" .