Je n'arrive ni à jeter ni à donner

Portrait de jeanne

Je m'étais juré que je profiterais de ce long week-end du 15 août pour faire le tri dans mes placards. J'ai retardé l'affaire jusqu'à ce matin ! Sauf que j'ai tourné, viré, sorti des vêtements que je ne mets plus depuis des lustres, pareil pour les chaussures, et comme d'habitude, j'ai tout replacé en me disant que ça pourrait toujours me servir un jour, au cas où...
Ce soir, je suis en colère d'en être encore là une fois de plus. Sans compter que mes placards deviennent insuffisants en rangement et que mon amie craque...
Auriez-vous une explication à me donner face à ce comportement incompréhensible pour moi et me dire comment je pourrais y remédier ?
Merci et très bonne soirée.
Jeanne

Portrait de Claire M. Psychanalyste

Bonjour Jeanne,

Votre difficulté à vous débarrasser des  vêtements peut signaler qu’il  vous est douloureux de vous détacher d’une époque révolue, c'est-à-dire de l’époque à laquelle vous avez choisi, aimé et porté ces vêtements parce qu’ils vous correspondaient. Si vous ne les mettez plus depuis longtemps, c’est qu’ils ne vous conviennent plus. Vous semblez envisager malgré tout de vous en servir à nouveau, ce qui peut être interprété comme une tendance à vouloir revenir à une époque passée, ce que vous souhaitez peut être inconsciemment même si vous savez qu’il est impossible de revenir en arrière. Vous n’êtes plus celle que vous étiez il y a des années, vos goûts ont sûrement changé et votre vie a sans doute bien changé elle aussi.

Cependant  aujourd’hui, votre propre colère à ce sujet et la réaction de votre amie sont peut-être le signe qu’une partie de vous est prête à lâcher cette croyance que vous pourrez à nouveau porter ces vêtements un jour, et donc que vous allez trouver l’énergie  de  vous détacher de ces restes du passé qui encombrent votre espace actuel  pour vous concentrer sur l’époque présente, vous vous en sentirez ainsi plus légère pour avancer.

En effet, en jetant ou donnant ces affaires (peut-être peuvent-elles avoir une seconde vie !), vous laisserez la place à un changement, un renouveau, par l’acquisition de nouveaux vêtements par exemple  ou à un changement plus général dans votre vie.  

D’autre part, les tenues que l’on choisit de porter ne sont souvent pas anodines, elles reflètent ce que nous voulons montrer de nous, ce que nous sommes à un certain moment, une certaine expression de notre  être et cet être évolue tout au long de notre vie.

Qu’en pensez- vous,  Jeanne ?

Bonne journée  à vous !

Portrait de Isabelle

En ce qui me concerne, ranger, trier et se débarrasser des vêtements et/ou des objets dont on ne se sert plus, c'est un peu faire comme un arbre dont le feuillage se modifie au fil des saisons... Peut-être est-ce aussi un peu plus "facile" de l'envisager comme cela, lorsqu'il y a des enfants à la maison... En effet, comme ils grandissent vite, il est nécessaire de trier et faire de la place, dans les armoires 1 à 2 fois par an... Mais pour en revenir à l'arbre, si de façon naturelle le feuillage se modifie sans cesse, c'est toujours dans le sens d'une évolution, changements presque en continuité, pour faire la place à un renouveau permanent... Pour ma part, très instinctivement, je me sens toujours mieux, lorsque je fais de la place dans mes propres placards, je me donne la possibilité d'une vacuité, d'un nouvel espace disponible... Mais de nature, moi je me sens très vite envahit par l'accumulation... Ce qui fait aussi, que je peux en arriver à "enlever" un peu trop vite... J'ai donc appris au fil du temps, à tout de même conserver certaines choses... Ce qui me guide, c'est que je me dis : je n'ai rien à perdre, bien au contraire !

Portrait de Armelle B. Psychanalyste

Bonjour Jeanne, 

Je vois que ma collègue Claire vous a déjà répondu à ce sujet et vous a parlé d'une époque révolue dont vous aviez du mal à vous défaire. Je suis d'accord avec elle, et je souhaitais partager avec vous un élément de ma réflexion au sujet de votre échange.

Certaines personnes grandissent dans des familles qui ont tendance à "faire des réserves" au lieu de jeter ou de donner des affaires.  Cela peut se traduire par des greniers, des garages ou des caves bondés, des placards de nourriture remplis à l'extrême avec plusieurs paquets de farine ou de sucre, "au cas où"... Ces familles ont connu dans leur histoire des périodes de manque, parfois à cause de guerres, et cette "mémoire" familiale crée des angoisses qui peuvent se traduire par une nécessité de faire à son tour des réserves, par peur de manquer... un jour. Peut-être cela vous parle-t-il ? 

Cordialement, 

Armelle B. 

Portrait de jeanne

Il est vrai, maintenant que vous l'induisez chacune avec vos propres mots, que je suis issue d'une famille où la peur de manquer règne en maîtresse absolue ! Comme vous le dites si bien, entre une propension à vouloir revivre un certain passé et ces satanées mémoires de guerre dont on m'a rebattu les oreilles, je commence à comprendre... À moi donc de vivre au présent et de laisser à ma filiation ces redites qui lui font faire du surplace...

Portrait de Juliette

Ma mère est comme ça, elle a des difficultés à se séparer de ce dont elle n'a plus besoin en disant "ça pourra toujours servir plus tard". Elle a même un grand congélateur qui est plein à craquer alors qu'ils ne sont que deux à la maison.

C'est vraiment comme dit Armelle B. Psy, la peur de manquer : petite ma grand-mère l'a "gavée" comme une oie par peur qu'elle manque de nourriture. Mon arrière grand-mère était "panier percé" (très dépensière !) et les fins de mois étaient plus que compliqués et ma grand-mère a eu faim. Alors ma mère stocke.  Et chose intéressante ma mère est née le même jour que mon arrière-grand-mère.  Elle répare une histoire qui n'est pas la sienne.

Portrait de Juliette

J'ai oublié, ma grand-mère s'appelle Jane. Il n' y a vraiment pas de hasard.

Portrait de Sofia M

Voilà bien l'opportunité de couper avec ces " fameuses " (!) répétitions transgénerationnelles et de vous libérer enfin... Une façon légitime d'être en paix !

Portrait de yamina.174

Je suis passée par-là... J'ai réglé mon problème certes grâce à un manque de place qui m'a fait me rendre à l'évidence mais j'y suis allée tout doux au début. En revanche, peu à peu, je me suis obligée à donner ce que j'avais sorti de mon placard ! J'ai donc pris l'habitude de prendre le temps de la réflexion devant mes vêtements encore rangés ou suspendus... Si cette progression peut vous aider...

Portrait de Orlan

À propos de cet appel du passé qui cherche constamment à nous happer, et on le voit bien ici encore dans des sphères apparemment banales comme le tri de vêtements, un conseil de Deepak Chopra peut nous aider : " Chaque fois, dit-il, que vous êtes tentés de réagir de façon conditionnée, demandez-vous si vous voulez rester prisonnier du passé ou avancer résolument vers le futur. Le passé est fixé et limité ; le futur est ouvert est libre "...
Bien sûr, il faut le décider car nous sommes libres aussi de rester englués dans une époque qui n'est pas ou qui n'est plus la nôtre...