La honte a été mon moteur

Portrait de Néfer

Il y a à peu près un an que j'ai découvert ces forums.

Ils ont créé un déclic de réflexion psychologique, philosophique, spirituel que je n'avais que superficiellement. En tant qu'avocate, je viens régulièrement lire les discussions sur les thèmes abordés et elles sont d'un apport intéressant dans ma façon d'exercer. Au point que j'ai commencé une psychanalyse l'automne dernier. Et c'est là où je veux en venir...

Hier, ma séance m'a fait comprendre que la honte a été un moteur pour moi et ça a été une vraie révélation. Je m'en explique...

Je suis issue d'un milieu social extrêmement modeste et difficile. Mon père, décédé depuis le 14 août passé, était ouvrier et je l'ai toujours connu alcoolique. Ma mère qui, à part quelques ménages de temps à autre, ne travaillait pas, était elle aussi alcoolique. Souffrant du Syndrome de Diogène, diagnostiqué enfin et par hasard au mois de décembre, je ne vous dis pas dans quelles conditions de saleté j'ai été élevée... Pas un livre à la maison, pas une revue et étant née en 1969, cette pauvreté intellectuelle n'était plus monnaie courante, mais, à la maison, l'argent qui aurait pu être excédentaire passait dans l'achat des bouteilles de vin. Par voie de conséquence, j'ai pris très tôt l'habitude de me réfugier dans mes rêves -toujours très positifs- et, bibliothèque scolaire aidant, puis municipale, j'ai découvert un univers d'écrivains qui m'ont donné le goût des belles choses, de la poésie, des beaux textes, somme toute d'une certaine normalité... Et, grâce à deux enseignants différents, un en primaire et un en secondaire, j'ai pris peu à peu confiance en moi et j'ai pensé à faire des études universitaires qui ont donc abouti.

Je voulais témoigner de mon parcours, témoignage autorisé par mon psychanalyste, pour ne pas uniquement me nourrir des témoignages ou des aveux des foromers, et donner modestement un peu de moi. Aussi, à tous ceux et à toutes celles qui ont un destin difficile, pétri de honte, je voudrais leur dire de ne pas baisser les bras et d'en faire un moteur, ce qui est peut-être déjà le cas pour certains d'entre eux, et de bien observer tout ce que cette détresse, liée au regard négatif des autres, leur a apporté en positif. Mon psy m'a expliqué que de " transformer les épreuves douloureuses en preuves heureuses " s'appelait la sublimation, objectivation selon lui que ma cure avance dans le bon sens.

C'est le moment pour moi de vous remercier de tout ce que vous m'apportez et de vous souhaiter un superbe week-end.

Nefer

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

J'ai été très heureux de lire votre témoignage. Je voulais simplement vous remercier car il est l'exemple même de ce que peut représenter une sublimation. D'autant que vous vous engagez superbement pour le plus grand bien de ces nombreux autres pour qui vous pouvez déclencher le désir de " donner " aussi. Merci infiniment, Néfer, et merci aussi à votre psychanalyste.

Cordialement,

Gilbert. R.

Portrait de Jean

" Transformer les épreuves douloureuses en preuves heureuses ". Je n'ai même pas à commenter, tant votre témoignage me paraît limpide... et beau. Juste merci !

 
Portrait de Charles

J'ai longtemps eu honte de mes parents... Pour d'autres raisons en lien avec la loi mais ils touchaient aussi à la bouteille. Ma bouée de secours a été ma soeur, certains enseignants aussi, dont un - prof d'allemand mais aussi passionné de musique - qui a du me mettre inconscienmment sur ma voie. Aujourd'hui, je vis de la musique. je ne suis pas riche mais heureux même si je suis conscient que je n'ai pas tout réglé. Mais le peut-on vraiment ?  Inscrit sur ces forums depuis pas mal de temps maintenant, les discussions en spiritualité ont calmé ma honte et ma colère... Et je suis persuadé que le chemin véritable est le " par-don ". Merci Néfer. Si par malheur et par fausse identification, j'ai un problème avec la loi, je sais qu'il existe une superbe avocate sur le forum... Merci à vous !

Charles

Portrait de Mireille-cogolin

Je vais dorénavant aborder ma sœur (encore) autrement... Cette sœur qui peut me faire si honte, dans les repas de famille en particulier, tant elle est " dérangée " cérébralement... Je vais prendre une feuille de papier, un crayon, et je vais tenter voir ce qu'elle m'a apporté et qu'elle m'apporte à aujourd'hui...

Portrait de Younes

J'ai eu une aventure amoureuse un peu hors norme - je m'en rends compte maintenant - pour fuir mes origines arabes étriquées religieusement  et toute la honte que cela pouvait engendrer. J'ai commencé depuis peu à aborder autrement ma famille mais Nefer me pousse à aller plus loin dans cette forme de pardon.

Portrait de Isabelle

Et pour votre humilité ! Car après tout, ce n'est pas toujours aussi facile qu'on pourrait le croire, de se "raconter"... C'est vrai qu'un travail analytique est un excellent apprentissage... Car si dans un premier temps, il permet de se comprendre, et peu à peu de s'accepter, autant que de voir aussi nos qualités, et nous en avons tous Dieu merci ! Se livrer vers "l'autre" sans peur du regard, du jugement, reste souvent plus difficile... Pourtant, il me semble maintenant, que c'est très important dans le sens, que ce partage alors, pourra peut-être "servir" à un "autre", représentant une "respiration" salvatrice, une sorte planche de salut... Nous ne savons pas qui, encore moins pourquoi, mais en disant ce que nous sommes, nous avons déjà "donné" un petit "comment" à "celle ou celui-là" que nous ne connaîtront sans doute jamais... Je crois que la transmission, c'est aussi celà... Merci de tout coeur pour ce que vous venez de "me" transmettre aussi... Une magnifique ré-conciliation !

Portrait de nanou-69

Merci Nefer,

Vous m'encouragez à poursuivre ma psychanalyse commencée moi aussi après m'être inscrite sur les forums. Je me rends compte que j'ai récupéré beaucoup d'énergie. Un pur bonheur, votre témoignage.

Portrait de Danièle-Dax

Nefer est une battante et ce qu'elle a fait de sa trajectoire de vie douloureuse est exemplaire. Effectivement, ses propos sont un encouragement à ne pas baisser les bras... En les lisant, j'ai réactualisé l'histoire aussi difficile que surprenante d'une amie. Il faut remettre cet évènement dans le contexte de l'époque...

Cette amie s'était mariée mineure avec un jeune homme parce qu'elle était enceinte. Elle l'aimait mais, comme il était beaucoup plus âgé qu'elle et qu'elle avait été très malheureuse enfant (milieu familial à la Zola), elle recherchait une espèce de sécurité avant tout. Une fois l'enfant venu au monde, ledit mari s'est révélé impuissant ! Il ne lui témoignait plus d'affection et ne l'embrassait même plus ! Comme elle ne travaillait pas, un jour elle a mené sa petite enquête et elle a constaté qu'il fréquentait des prostituées ! La présence de son enfant et pas de métier en main, elle ne lui en a jamais parlé mais elle a développé une dépression nerveuse... À la suite d'une émission de télévision sur les femmes, elle a compris qu'il fallait qu'elle ait un travail pour guérir. Elle s'est inscrite à des cours du soir et son époux ne s'y est pas opposé alors que, paradoxalement, il avait fallu qu'elle fasse des pieds et des mains pour passer son permis de conduire pour lequel il avait finalement cédé et payé ! Elle a passé une équivalence de bac et s'est lancée dans le droit, puis a fait une école de journalisme. Son diplôme en poche, elle a décroché un job dans un journal et a eu une liaison passionnelle avec un de ses collaborateurs, marié lui aussi. Dans la petite ville de province où ces personnes-là vivaient, cette liaison s'est sue et le mari a fait faire un... constat d'adultère !!! Mais il n'a pas divorcé, d'une part parce qu'il n'aurait pas eu la garde de leur fils, d'autre part parce qu'ils avaient acheté une maison en commun et en communauté et qu'il aurait fallu partager le produit de la vente en deux en cas de séparation ! Cette jeune femme était écrasée par la honte et elle a décidé d'aller plus haut dans l'échelle de la société. Elle a quitté sa ville professionnellement, trouvé un boulot dans un autre journal et repris des études - toujours dans le journalisme - qui lui permettraient peut-être de travailler un jour à la télévision. Son histoire serait trop longue à raconter dans le détail mais son amant, très " courageux ", avait pris une autre maîtresse tout de suite après le constat d'adultère, pour éteindre le feu certainement !!! Elle le voyait de temps à autre car il lui était de bons conseils mais elle voulait par conséquent doublement sa revanche ! Je fais vite : une opportunité complètement inattendue lui a ouvert les portes d'une rédaction de la TV ! Son salaire est devenu très important et son train de vie aussi dont son mari bénéficiait sans aucune honte, lui ! Entre temps, une fois que son amant a vu son évolution professionnelle, il s'est beaucoup beaucoup rapproché d'elle jusqu'au jour où elle l'a plaqué définitivement ! Un jour, je lui ai demandé pourquoi elle ne divorçait pas. Elle m'a répondu qu'en faisant bénéficier son " con-joint - de sa situation pécuniaire, elle effaçait progressivement la dette qu'elle avait de l'avoir trompé ! J'avoue que je n'ai pas compris et je n'ai pas insisté mais je ne suis pas sûre que les psys n'y verraient pas autre chose ??? Toujours est-il que cette histoire montre bien de son côté que la honte peut devenir un moteur mais encore faut-il avoir la carcasse de transformer le plomb en or... 

Portrait de Serge

Je ne voudrais pas donner l'impression de juger et même si l'histoire de votre amie semble positive en apparence, sa réussite sociale ne comble certainement pas son désert affectif... Dommage qu'elle n'ait pas trouvé l'énergie d'envoyer paître son " con-joint " (j'ai adoré le jeu de mot)... Mais il n'est jamais trop tard.... Et peut-être réagira-t-elle un jour... Je le lui souhaite en tout cas parce que sa " résurrection " ne me fait pas rêver...

Portrait de yamina.174

Les enjeux inconscients sont légion, notamment lorsqu'il s'agit du registre de la fausse sécurité... Pour autant, indépendamment de la honte qu'a pu engendrer ce constat d'adultère sordide en son principe (bah...) dans une petite ville de province où les langues vont bon train, j'ai l'impression que cette journaliste cherche à sublimer sa culpabilité mais certainement pas que... Selon moi, il y a comme un parfum de vengeance à ne pas divorcer : elle constitue une menace quotidienne pour son mari qui, si l'envie lui prenait d'aller voir un avocat, se retrouverait avec un train de vie a priori très amoindri ! C'est un peu l'histoire du chat et de la souris mais où la souris se fait plus grosse que le chat !

Portrait de Mireille-cogolin

Et c'est peut-être pour cette raison qu'elle ne divorce pas ?

Portrait de yamina.174

Impossible donc d'affirmer que sa foi la gêne dans une démarche de divorce...

Portrait de Mireille-cogolin

Je ne fais pas l'apologie de l'adultère mais, dans son cas, ça peut s'expliquer, ne serait-ce que par un besoin d'affection... Par contre, pour le divorce, c'est autre chose si elle est croyante : on ne désunit pas ce que Dieu a uni... Dans ce cas-là, je peux d'ailleurs écrire " ceux "...

Portrait de Sofia M

En fait et en ce qui concerne l'histoire de l'amie de Daniele-dax et de son non-divorce, on peut aussi l'expliquer autrement...

Le mari semble être un très grand névrosé, un névrosé + que pathologique... Devenir impuissant sexuel à la suite de la naissance de son fils traduit non seulement un complexe d'Œdipe non résolu mais aussi une angoisse de castration tout aussi pathologique avec déplacement du respect de l'interdit de l'inceste sur des prostituées (à la fois mère détestée mais mère devenant de facto accessible pour l'inconscient !)... Non content de ça, il va faire faire un constat d'adultère avec utilisation de la loi à des fins mauvaises et pernicieuses... Il s'agit donc d'un profil psychologique limite et, comme il est père de famille et par protection, il est fort probable que le surmoi de cette épouse maltraitée psychologiquement ait préféré lui laisser un semblant de cadre pour qu'il ne fasse pas n'importe quoi si il y avait (eu) divorce... Les impuissants psychiques pouvant poser problème un jour ou l'autre, le mariage rappelle une notion de devoirs au psychisme, car il ne faut pas oublier que cette catégorie d'individus peut être attirée un jour par de très jeunes personnes non consentantes bien entendu... C'est là d'ailleurs que s'ils arrivent à sublimer leur problème psychologique par le travail, ou l'argent, par exemple, ils ne passent pas à l'acte...

Portrait de Cécile

J'avoue que j'étais loin de voir les choses de ce point de vue. Passionnant et surtout très instructif.

Portrait de Gilbert

Néfer, avec son post initial, permet une très belle transmission didactique. Je suis épaté par tout ce qui est dit, sans jugement aucun, et je ne regrette pas d'avoir été un des premiers à être inscrit sur le site et d'y être resté fidèle. L'analyse de Sofia M au sujet du récit de Danièle-dax me passionne tant elle se situe au-delà des apparences et nous montrent les ressorts inconscients qui peuvent être, dans ce cas précis, très protecteurs par surmoi interposé.

Portrait de Néfer

Je ne regrette pas d'avoir lancé cette discussion parce que son déroulement m'a beaucoup apporté.

Je souhaite de tout cœur que mon témoignage puisse également un petit peu aider ceux qui sont découragés par la vie. 

Je voudrais ajouter aussi que le commentaire de Sofia M m'a fait comprendre dans l'ensemble, même si je n'ai pas tout compris..., qu'il ne faut JAMAIS juger...

Merci et bon dimanche,

Néfer

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Je suis persuadé, Néfer, que votre discussion aide des gens découragés. Vous ne les connaîtrez peut-être jamais mais peu importe. Vous faites circuler une très belle énergie et c'est le plus important. Votre inconscient a intégré l'essentiel de la transmission didactique de Sofia M, même si au conscient cela ne vous paraît pas évident  : cet essentiel est en effet le non jugement. Belle journée à tous.

Gilbert. R.