La syllogomanie

Rebonsoir Christel (c'est le pouvoir du moment présent... lol). Je viens de lire votre question au moment où je me reconnecte. Même si je ne suis pas psy, j'ai eu envie de vous répondre en qualité d'ex-enseignant et d'ami foromer bien sûr.

Tout d'abord, tel que vous le décrivez, votre gamin a de sacrées ressources. Et en plus, il semble consulter un psy, ce qui veut dire qu'il n'y a pas de souci à se faire. Nul n'est parfait. Moi-même, j'accumule pas mal de choses que j'ai du mal à jeter et je procrastine pas mal non plus. A 60 ans, je crois qu'il n'y a plus d'espoir (rires !). Cela pour vous dire que vous vous compliquez peut-être un peu trop la vie avec lui. Quant à croire que vous avez une " grosse " part de responsabilité, je dirais ' que nenni ! ". Ce type de raisonnement de la part de certains enseignants, voire de certains psychologues scolaires me mettaient dans tous mes états. Ayant des amis psychanalystes, ils ne m'ont pas donné vraiment tort. Ils m'expliquaient qu'il y a une dérive psy qui consiste à culpabiliser les parents dès le moindre dysfonctionnement de l'enfant... Ce qui n'est pas fait pour a - "ranger ! " les choses. D'autre part, vous avez raison, à votre place je ne jetterais pas derrière son dos. A moins qu'il envahisse la maison, si tout reste dans sa chambre, c'est son histoire. Certainement a-t-il tout simplement besoin d'être rassuré mais comme il a de l'humour et qu'il n'est pas dupe, cela se règlera tout seul si vous n'appuyez pas trop sur son symptome. Il vous baladerait encore plus...

Voilà mon sentiment. Il est possible que je me fasse taper sur les doigts par nos amis psys et didacticiens mais ce ne sera pas la première fois. Et puis ce n'est jamais méchant car les arguments pro sont premiers et je respecte toujours leurs points de vue, d'autant que je me régale ici d'apprendre les rouages de l'inconscient.

A plus et belle nuit !

Gilbert

La syllogomanie : comme Gilbert, je viens d'apprendre un nouveau mot. Vous remercierez votre fils (rires). Si ça peut vous rassurer, ma fille a gardé toutes ses poupées et ses jouets d'enfance jusqu'au moment où, inscrite à la fac, elle a quitté la maison. Il a fallu alors jeter et même à 18 ans, elle en avait gros sur le coeur. J'avoue que je pestais un peu mais, comme dit Gilbert, c'était son histoire. Et puis je trouve que la répartie de votre fils " souvenirs d'enfance " n'est pas mal. Il est vrai que tout était relativement bien rangé, mais c'est une fille. Mon garçon a toujours été plus désordonné même s'il n'était, lui, pas attaché à ses affaires. Je précise que je ne suis pas divorcée. Il est possible qu'il y ait, pour vous, un lien, et encore je n'en suis pas sûre. Les psys nous en diront plus. En attendant ne nous faites pas un malaise en entrant dans sa chambre (rires !).

Bonne nuit aussi.

Tel que vous décrivez le comportement psychologique de votre fils, son symptôme objective une angoisse de séparation particulièrement marquée. Il semblerait qu'il ne l'extériorise pas verbalement mais il la manifeste donc en ne se " séparant " (= ses parents) pas de ses objets. Les objets, en psychanalyse, sont à entendre essentiellement comme étant effectivement les parents et il tranfère ainsi sur ses jouets, ses vêtements, etc, ce qu'il n'a pu mettre en mots tout petit, c'est-à-dire depuis qu'il a 3 ans, âge qui correspond à votre séparation de couple. Cette séparation n'a sûrement pas été acceptée par son inconscient, pour des raisons propres au fonctionnement de son psychisme et au fait qu'il était alors en plein complexe d'Œdipe. Or, l'enfant - durant cette période - fantasme que tout ce qui arrive de négatif à la maison est de sa faute. En outre, tout affect de culpabilité non liquidé aggravant toujours les terrains psychologiques anxiogènes, il se peut que cet affect intervienne encore aujourd'hui dans sa difficulté à se séparer. En ce qui concerne les habits donnés à des proches, la démarche peut lui sembler supportable dans la mesure où il imagine qu'il ne les a pas réellement perdus. D'autre part, l'angoisse de séparation s'étaye sur une angoisse d'abandon qui prend son origine en moyenne aux alentours du 8ème mois du bébé. Par conséquent, des questions se posent et, notamment, était-il à la crèche ou chez une nounou à ce moment-là ? Avez-vous été malade durant cette période et votre fils a-t-il été gardé brutalement par une grand-mère ? Etc.  Quoi qu'il en soit, vous pouvez essayer habilement de lui parler de sa toute petite enfance, si possible en présence de son père. Sortir les albums photos peut être un bon prétexte. Mais de toute façon, même si dans sa thérapie il ne parlait pas de sa problématique de séparation, ne vous inquiétez pas : le thérapeute a dû déjà l'identifier, sans lui en parler bien entendu. Si votre fils lui en parle, ce sera toutefois l'idéal parce qu'il commencera à s'en libérer, ce qui signifiera alors que la séparation lui pose moins de problème. Pour ce qui est du désordre, il se peut aussi qu'il s'agisse d'une conséquence de votre séparation qu'il fantasme avoir subie : désordre = des ordres. Fort heureusement, quand en thérapie le nœud se défait, tout s'arrange (ça-range) en même temps... J'ajouterai encore que lors d'une séparation, si l'un des deux conjoints en souffre ou n'est pas d'accord, l'enfant le ressent et s'identifiera systématiquement au parent " victime ". 

Voici quelques pistes de réflexion qui pourront, je l'espère, vous permettre de prendre un peu de recul apaisant car la compréhension d'une problématique contribue à la dédramatiser...

En tant que psychanalyste, je ne peux qu'adhérer au diagnostic de Sofia...

Pour autant, ce jeune homme est en thérapie et il devrait donc arriver à régler son symptôme abandonnique...

Bien qu'arrivant un peu tard, comme Allain, je confirme les propos psychanalytiques de Sofia M. que je tiens à remercier personnellement pour son engagement altruiste sur ces forums. Ses compétences et sa réactivité nous sont précieuses. Vous avez eu une superbe interprétation, Christel et je crois savoir de quoi je parle.

Très bonne nuit à toutes et à tous.