Le déplacement, un changement faux-self

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

C'est le printemps et tout le monde veut changer : décoration, déménagement, voyage, couple...Et pourtant, le changement est ce qui, inconsciemment, pose le plus de problème à l'homme. Alors comment se fait-il que certains cherchent à tout prix un changement ?

Le changement est compliqué pour l'individu car il le ramène à son plus grand traumatisme, le traumatisme de la naissance, ainsi nommé par Otto Rank. La naissance est le passage d'un état à un autre, de l'eau à l'air, de l'ombre à la lumière. Il ne peut s'effectuer que parce qu'il y a eu transformation avant. Le bébé déclenche les contractions et signale à la mère qu'il est prêt : c'est la fin de sa transformation et il peut accéder à la lumière. 
Ce passage se fait dans la douleur compte tenu de sa taille et de la place dont il dispose. Tout changement dans sa vie future sera un passage compliqué à hauteur du traumatisme de sa naissance.
Tout changement n'a de sens (vrai-self) que s'il y a transformation en amont. Il est le fruit d'une évolution interne et se fait dans l'ombre. Chaque épreuve de la vie, partie obscure, est comme une proposition à la transformation interne qui permettra le changement et le retour à la lumière. 

Mais toute envie de changement n'est pas forcément le signe d'une évolution. On peut se leurrer en pensant qu'on a avancé parce qu'on a mis en place un changement. Ce changement faux-self, n'est qu'un déplacement. Il n'y a pas eu transformation en amont, ce changement n'est qu'externe, une illusion. Il masque la peur de la transformation. C'est le fantasme que l'herbe est plus verte ailleurs. Mais de déplacement en déplacement, on fait grossir la problématique.

J'ai beaucoup pratiqué le déplacement avec des déménagements à répétition suite à des mutations (pas interne !) professionnelles, des vacances forcément loin (histoire d'avoir des déplacements importants),... Et puis, il y a eu l'épreuve. Et là, ce n'est pas en bougeant que je pouvais avancer : la mutation a du être interne cette fois. La transformation a été douloureuse, obscure.
Toute transformation demande énergie et centration. De la même manière qu'une voiture qui dysfonctionne et, lorsque la panne arrive, il n'y a pas d'autre choix que d'immobiliser le véhicule pour pouvoir réparer. C'est seulement après qu'il pourra de nouveau avancer. On retrouve d'ailleurs ce processus dans le Yoga, le Qi Gong, la méditation et autres pratiques statiques comme axe de travail pour une transformation interne.

Alors le changement, oui ! Mais en toute conscience.

Je vous propose ce sujet qui peut éventuellement susciter quelques réflexions.

Cécile G.Psy

Portrait de Jean-Marc

Merci Cécile G. Psy. N'étant pas psy mais seulement prof de yoga, j'ai pris un grand plaisir à lire votre texte, d'autant que vous faites allusion à la discipline que je pratique. Je n'ai pas tout compris mais je crois avoir saisi l' " essence-ciel " (excusez le jeu de mot). Le terme "  faux self " peut je pense se traduire . par " faux ego " que l'on retrouve en spiritualité en tant que moi illusoire. Ne pas confondre vitesse et précipitation dans le changement. Mais aussi nécessité de se poser. Tout cela renvoie à un cours de yoga où on commence par s'allonger en posture de relaxation avant tout mouvement dynamique, pour éviter justement les accidents internes.

Nous parlions il y a peu de temps du concept d'ateliers/forums. Le texte que vous avez écrit est pour moi très didactique et surtout accessible car j'ai pu faire des liens avec ma pratique. J'espère que d'autres foromers seront aussi enthousiastes. En ce qui me concerne, je vous remercie.

Jean-Marc

Portrait de Kévin

Dans un livre nommé " La zen attitude ", l'auteur parle de " bougisme ", cette impulsion à brasser du vent. Effectivement je connais un ami qui a fait des kilomètres pour soi-disant se détacher de ses parents mais le problème, c'est qu'il a emmené la problématique avec lui et je pense qu'il n'a rien réglé fondamentalement.

Portrait de Charles

Intéressante cette réflexion. Cela me fait penser à ces personnes qui " coupent ", croyant se détacher. Ce qui correspond plus à une fuite qu'à un réel changement. On retrouve ces faux déplacements comme vous dites chez  ceux qui s'engagent dans une secte. Les départs dans les années 70 pour Katmandou, dont on a parlé récemment. Comme si le passé était phobique et qu'il fallait à tout prix l'éviter. Ce qui s'avère être un leurre et une non acceptation de ses origines. En ce qui me concerne, j'éssaie de ne pas oublier d'où je viens, des parents certes discutables, mais qui font que sans eux je ne serais pas là et je ne serais certainement pas devenu quelqu'un qui essaie de se poser les bonnes questions en ne s'inventant pas une autre histoire. Changer n'est pas schizer comme diraient les psys.

Portrait de Allain

Curieux mélange des genres pour un post de Psy ! Pas compris? 

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Je saisis votre incompréhension, Allain. Je vais essayer de réparer mon erreur car je ne suis pas allée au bout, c'est à dire à ce qui m'a amenée à la transformation interne : la psychanalyse. C'est un jour arrêter de changer l'environnement pour se changer soi.

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Je rejoins effectivement Allain dans le sens où chaque méthode, même si elle va dans un sens de transformation de soi et donc de changement, est spécifique. Il n'est pas facile, au risque de s'égarer, de tenter une synthèse de ces différentes voies, ce  qui peut facilement amener à un syncrétisme discutable. Tout un art pour lequel, en ce qui me concernet, je ne me sens aucune compétence. Cécile. G s'est au moins " engagée " et sa réponse a posteriori  vient apporter une précision importante.