Ma nièce vient de râter son permis de conduire pour la troisième fois

Portrait de Danièle-Dax

Ma nièce vient de me téléphoner en larmes. Elle a râté hier son permis de conduire pour la troisième fois. Je sais qu'elle manque de confiance en elle dans la vie (elle a perdu sa maman quand elle avait 9 ans) mais cette fois-ci, je l'ai sentie complètement anéantie. Je ne sais plus quoi lui dire pour la réconforter. Si vous avez une idée de la raison de son nouvel échec, ça m'aidera peut-être à trouver les mots pour lui permettre de ne pas baisser les bras...

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Bonjour Danièle,

Le cas de figure que vous transmettez via l'histoire de votre nièce est relativement fréquent. Du point de vue psychanalytique, il s'explique par une résistance inconsciente à s'autoriser à conduire un véhicule. L'inconscient a ses raisons que la raison ne saisit  pas toujours. Il faudrait connaître l'histoire de votre nièce dans le détail pour tenter de comprendre pourquoi l'inconscient tente de se protéger (ou plutôt de se défendre) contre un éventuel accident de voiture. Vous évoquez le décès de sa maman alors qu'elle était enfant. Y-a-t-il un lien plus ou moins direct avec le fait de passer et de réussir le permis ? Il faut surtout déculpabiliser votre nièce en essayant de positiver la situation et en lui expliquant qu'elle n'est pas en cause au conscient mais qu'il existe à l'intérieur de son psychisme un conflit.

Nous avons également le cas où une personne est désireuse d'arrêter de fumer au conscient. Pourtant, malgré la volonté, les tentatives de sevrage échouent toujours. C'est qu'il y a une vie inconsciente qui tire les ficelles à son insu.

Pour votre nièce, un entretien avec un psychanalyste peut aider à dédramatiser la situation. A moins que vous réussissiez à trouver vous-mêmes les mots justes. Un acte manqué tel que celui-ci est un discours réussi dans le sens où il vaut mieux un permis râté qu'un séjour à l'hôpital. En tous cas en l'état actuel des choses. Si elle vous téléphone, c'est qu'elle vous fait confiance. Je suis sûr que vous méritez cette confiance.

En espérant vous avoir un peu aidée. D'autres foromeurs viendront certainement aussi apporter leur soutien. Votre nièce peut compter sur eux... Bonne après-midi !

Gilbert. R.

Portrait de Juliette

Un échec qui peut être protecteur

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

La voiture est un contenant et symbolise le ventre de la mère. Votre nièce ayant perdu sa maman prématurément, elle fantasme sa mère comme peut fiable et non sécurisante. Elle associe la voiture à sa mère fantasmatique, donc comme un contenant où elle ne se sent pas en sécurité. De plus réussir son permis de conduire l'autorise à conduire tout seule sans l'aide de personne. Or elle avait 9 ans lorsque sa mère est décédée,  qui renvoie à 9 mois, l'inconscient n'ayant aucune notion d'espace et de temps et la naissance est le premier jour où on respire tout seul. Avancer toute seule est un grand changement qui est angoissant car il la ramène au traumatisme de la naissance, le plus grand traumatisme de l'être humain. 

Pour la rassurer, vous pouvez lui dire qu'en venant au monde, elle a traversé l'épreuve la plus dure de sa vie, qu'elle s'en est sortie, et qu'elle arrivera donc à franchir cette nouvelle étape la prochaine fois.

Portrait de Sofia M

Comme votre nièce a perdu sa maman très jeune, elle doit être particulièrement entourée depuis ce moment, sinon elle n'aurait pas eu le réflexe de vous téléphoner après son troisième échec au permis de conduire et en larmes de surcroît... Je pense que cette jeune femme est infantilisée par son entourage familial qui, de la sorte, porte inconsciemment une sorte de déni sur le décès de sa mère. C'est comme si les proches de votre nièce l'empêchaient de grandir. Je crois que les
psychanalystes appellent ce processus " Annulation rétroactive ", c'est-à-dire que l'inconscient familial remonte le temps et vient se coller en amont du traumatisme. Très souvent ce sont les parents qui ont perdu leur fille ou leur fils qui fonctionnent ainsi pour tenter de soulager leur peine et cette tentative de régression fantasmatique n'est absolument pas visible au conscient. Le problème, pour votre nièce, si - par exemple - ce sont ses grands-parents qui fonctionnent psychologiquement de cette façon, c'est quelle reste toujours pour eux la petite fille d'avant le décès de sa maman et ils ne l'ont pas aidée à mûrir.
À mon sens, il ne faut surtout pas consoler votre nièce et, au contraire, lui expliquer que quand son psychisme la sentira suffisamment sûre d'elle, elle aura son " permis de SE conduire "... Vous allez la renvoyer à elle-même et c'est le seul moyen que vous avez pour qu'elle se libère des sangles qui la maintiennent dans un passé qui ne peut être que douloureux. Il faut savoir également que plus elle est maintenue dans son passé, plus sa souffrance augmente. Il est incontournable de la sortir de cette confusion qui peut consister à ce que ses grands-parents (ou une tante, ou un oncle, soit la sœur ou le frère de sa mère) voient en elle leur fille trop disparue, ou leur sœur...

Portrait de Frederica

 

Je ne suis pas professionnelle, mais je peut confirmer que c’est protecteur dans certaines circonstances.

Lorsque j’ai rencontré le père de ma fille, j’ai traversé la France en voiture pour vivre avec lui, j’ai un gros accident de voiture, juste en arrivant...

Quelques années, après mon grand père est décédé, des suites d’un accident de voiture. Il a été enterré, le jour de la naissance de ma fille, qui est né à Bagnols sur ....

Depuis ma fille à grandit et s’est retrouvée à passer son permis, elle l’a raté suffisent de fois, pour ne plus pouvoir compter. Je lui ai payé trois permis différents.

Le jour où elle a réussit, au moment de sortir  avec l’inspecteur, elle a assisté à un accident devant ses yeux. A ce moment là, elle a bravé sa timidité et a refusé de suivre ce chemin, ce que l’inspecteur a accepté…Elle a eu sont permis mais a surtout lâché qu’elle se vivait comme un accident d'être née, en prenant la place d'un mort, cela aurait pu très mal finir… 

 

Portrait de Danièle-Dax

Tout ce que vous m'expliquez est très sensé et ce qui est particulièrement vrai, c'est que ma nièce est trop couvée par sa grand-mère maternelle, ce dont tout le monde se rend compte dans la famille. D'ailleurs ma nièce n'a pas du tout la même attitude quand sa grand-mère n'est pas présente. Je comprends aussi maintenant pourquoi elle n'a jamais eu de petit copain alors qu'elle est charmante physiquement... À une époque elle disait même qu'elle voulait rentrer dans les Ordres mais là, elle n'en parle plus... Heureusement que j'ai toujours fait les choses par instinct avec elle et que je ne rentre pas dans son jeu quand elle prend son air triste surtout à l'approche de Noël... L'année dernière et elle m'en a voulu du reste, elle a été particulièrement triste le jour de Noël, cherchant à attirer l'attention de tout le monde sur elle. Je voyais bien que ça en agaçait certains et surtout son parrain qui venait d'apprendre qu'il était licencié de sa boîte. Je suis allée dire à ma nièce que chacun avait ses problèmes et qu'il fallait qu'elle fasse l'effort d'être conviviale, aimable, accueillante. Sa grand-mère maternelle qui avait suivi et écouté de façon indiscrète cette conversation s'en est mêlée et m'a remise vertement à ma place en me disant que je ne savais pas ce que c'était de perdre sa maman à l'âge de 9 ans. Je pense surtout qu'elle parlait de sa propre impossibilité à faire le deuil de sa fille, dont elle a mis des photos partout dans la maison, mais on voit le résultat aujourd'hui avec ma nièce...