Mon frère continue de fumer après son AVC

Portrait de Lucien

Mon frère jumeau, 52 ans, a fait un accident vasculaire cérébral il y a un an. Il a gardé des séquelles, comme une paralysie du bras gauche, une élocution qui peut lui faire utiliser un terme qui ne veut rien dire et ce, malgré les séances d'orthophonie auxquelles il n'est d'ailleurs pas assidu. Malgré toutes les recommandations médicales, il continue à fumer en moyenne un paquet par jour. Quand je lui en parle, quand j'évoque les risques qu'il court, il hausse le ton et m'ordonne de m'arrêter. On dirait que c'est comme si je voulais lui arracher sa tétine !

J'ai plutôt bien réussi dans ma vie. Lui non. Dès le CP, il a rencontré des difficultés d'apprentissage. Mes parents, qui ont failli le perdre à la naissance, l'ont toujours couvé et le résultat n'est pas terrible terrible. J'aimerais l'aider mais sans qu'il s'en rende compte.

Si vous avez déjà été confronté à ce genre de conduite aberrante et finalement autodestructrice, je serai heureux de lire vos témoignages mais je prendrai volontiers de toute façon tout conseil.

Merci de votre aide.

Lucien

Portrait de Charles

J'ai été fumeur et l'image de la tétine me parle. Lorsqu'on est addict au tabac, je crois vraiment que c'est de cet ordre là. Il faut une grande motivation et beaucoup de volonté - mais parfois ça ne suffit pas, surtout si on bien accroc -  pour stopper cette forme d'auto-destruction. Je pense malheureusement que vous ne pouvez pas faire grand chose puisque même les médecins et l'AVC n'y ont pas suffi. Mais je reste preneur de conseils car je connais dans mon entourage des musiciens qui fument beaucoup et que ça pourrait peut-être aider.

Portrait de Gabrielle

Je rejoins un peu Charles. Le tabac est vraiment une drogue. J'ai connu un ami à mon père qui était en insuffisance respiratoire et qui continuait quand même à fumer. Incompréhensible. C'est comme s'il y avait un déni total de la réalité.

Portrait de Gilbert

Un moindre mal serait peut-être de lui parler de la cigarette électronique. Je crois que ça fait quand même moins de dégâts. Mais c'est vrai que se libérer du tabac quand on en est à ce degré d'addiction, ce ne doit pas être évident. Pour être fumeur également, je sais que les leviers sont inconscients et même avec un travail sur soi, c'est pas toujours facile.

Portrait de Jean

Le problème du tabagisme a été évoqué il y a très longtemps sur le forum mais je m'en souviens car ça me conçernait directement. Les psy disaient qu'il s'agissait d'une fixation archaïque inconsciente. Il était même question de "  sein hallucinatoire ". Il est possible qu'il y ait un lien avec le fait que vos parents ait couvé votre frère et qu'il ne supporte pas la frustration nécessaire au sevrage tabagique. Mais je ne pense pas qu'ils doivent être tenu pour responsables, vu le contexte de la naissance. Pour ma part, je suis passé par la cigarette électronique et autres substituts.

Portrait de Jean-Marc

Je confirme que si on a pas une motivation solide, il n'est jamais facile d'arrêter de fumer. En ce qui me concerne, avant de faire du yoga je fumais (je roulais mes cigarettes). Et j'ai réussi à stopper définitivement. Vous parlez de l'échec scolaire de votre frère. Peut-être se vit-il en échec constant et se réfugie-t-il dans un monde virtuel de réussite grâce à la cigarette ? Le mental est complexe, puissant et chacun, selon ce qu'il est, selon comment il se perçoit, a plus ou moins de mal à le maîtriser. Surtout, comme dit précédemment si les leviers de commandes viennent de l'inconscient.

Portrait de Danièle-Dax

Mais je ne crois malheureusement pas que vous puissiez aider votre frère comme vous l'aimeriez. Je ne suis pas psy mais, par expérience personnelle, je sais que plus on insiste pour inscrire une personne dans la réalité, plus elle fait le contraire. En ce qui me concerne, je laisserais tomber et advienne que pourra... Après tout, vous n'êtes pas son directeur de conscience ! L'essentiel me semble-t-il c'est que vous lui ayez verbalisé ce que vous considérez objectivement comme un risque absolu.

Portrait de yamina.174

Je partage l'ensemble des avis de cette discussion et, comme le souligne Daniele-Dax, plus vous allez insister, plus votre frère va fumer ! Inconsciemment, il a l'impression de vous abîmer en faisant le contraire de ce que vous lui conseillez et comme il est facile d'imaginer qu'il est jaloux de vous, si on prend en compte ce que vous racontez de votre histoire en partie commune, il est en parfaite jouissance malheureusement... Le seul service à lui rendre, c'est - paradoxalement - de ne plus vous en occuper. Ne culpabilisez pas dans la mesure où les médecins auxquels il a eu affaire ont dû lui expliquer la conduite à tenir s'il ne veut pas terminer encore + mal son existence...

Portrait de Orlan

Même si j'essaie de corriger ce défaut solidement ancré en moi, j'ai tendance - si je considère que quelqu'un est en perdition - de lui expliquer qu'il est dans la mauvaise direction... Ce qui prouve, lorsque je me comporte ainsi, que je suis affecté par son comportement et que je dois mettre la raison au clair. Je le sais mais je n'y parviens pas toujours. C'est encore l'histoire de la paille et de la poutre, même si notre tentative de conseils destinée à un proche part, apparemment, d'un bon sentiment mais n'oublions pas que nous ne sommes pas des philanthropes...

Portrait de Gilbert

J'ai eu dans ma famille des personnes à qui je donnais des leçons sous prétexte de vouloir les aider. J'avais un peu oublié ce que vous dites, à savoir que nous ne sommes pas philanthropes.

Portrait de Viviane

Etant moi-même une consommatrice de cigarettes depuis très longtemps, je confirme et pour cause, que plus on dit qu'il faut arrêter, plus on continu... Sauf qu'ayant connaissance de certains mécanismes psychiques, je suis parvenue au fil du temps, il y a 10 ans à réduire de moitié ma consommation qui était très importante... Et plus récemment, j'ai de nouveau réduit de moitié, en utilisant la cigarette électronique... Suite à une visite chez un cardiologue... Je ne désespère pas d'arriver à stopper cette autodestruction... Mais tant que les déclics ne se font pas pour soi-même... Il y quelques années, il y avait dans le bâtiment où j'habite, une famille qui avait héberger le grand-père maternel, atteint d'un cancer de la gorge... Je l'ai vu à plusieurs reprises, allumer une cigarette lorsqu'il sortait de l'appartement, en cherchant à se dissimuler... Il est décédé de son cancer...

Portrait de Sofia M

C'est le fait d'éradiquer votre culpabilité qui aidera votre frère. Ça peut paraître surprenant mais en culpabilisant, inconsciemment, sur le fait que vous n'ayez pas été en danger lors de votre naissance, comme l'a été votre jumeau, vous lui permettez de se transformer en bourreau vis-à-vis de vous. Il tient sa proie et fantasme vous dominer. Le problème, c'est qu'il utilise son propre mécanisme de mise en danger, qu'il connaît bien, pour vous " tuer ". Sans oublier un autre aspect : quand il se met en danger, il est l'objet de toutes les attentions et retrouve le " bénéfice " qu'il a retiré de sa détresse au moment de sa naissance. Ce processus est redoutable pour toute la famille. Aussi, il est indispensable maintenant que vous admettiez inconsciemment que vous n'êtes pas responsable de la destinée de votre frère. Parfois, une psychanalyse est indispensable si la névrose persiste. Avant d'en arriver-là, faites un exercice simple qui consiste à comptabiliser par écrit, autant de fois que nécessaire, toutes les situations, depuis votre prime enfance, où vous avez aidé votre frère. Vous allez être impressionné par cette liste et vous allez vite réalisé que c'est lui qui est en dette par rapport à vous. Il s'agit-là d'une technique de " deuil " qui donne d'excellents résultats. D'autant qu'il ne servirait à rien que votre jumeau porte atteinte à votre santé car il retournerait ensuite les choses davantage encore contre lui...

Portrait de Régis

Merci, Sofia M, pour cette explication psy sur les tenants inconscients d'un comportement auto-destructeur. J'ai aussi beaucoup apprécié le conseil pratique qui permet d'inverser la vapeur. Un conseil qui peut aider, à mon avis, d'autres personnes confrontés à un cas similaire.

Portrait de Gabrielle

Dans ce qu'explique Sofia M, je reconnais un peu l'ami de mon père que j'évoquais plus haut. Il pouvait, sous couvert de ses problèmes de santé, devenir tyrannique avec sa femme jusqu'à l'appeler sur son portable lorsqu'elle allait faire des courses. 

Portrait de Lucien

Je m'incline devant le contenu de vos posts qui, en fait et très sérieusement, m'ont convaincu...

Je vais essayer de réfréner mon désir de montrer à mon frère son erreur car, après tout, il est grand et, fondamentalement, sa trajectoire de vie non seulement ne m'appartient pas mais ne me regarde pas.

Je voudrais vous remercier pour cette discussion qui m'a beaucoup apporté et que je pourrai, je pense, adapter à d'autres cas de figure dans lesquels j'ai tendance à mettre beaucoup d'énergie alors que le comportement de  certains n'est vraiment pas mon problème, y compris au boulot.

Portrait de yamina.174

... Et, en +, en cherchant à sauver quelqu'un, on se fait détester la plupart du temps et on prend le risque de plonger avec la personne qui se met en difficulté.

Le silence, une fois qu'on a dit à l'intéressé(e) ce qu'on ressent, est le seul moyen vraiment efficace qu'a la personne qui se met en danger de réaliser ce danger car, par l'absence de mots venant de l'extérieur, un écho se produit en soi... C'est d'ailleurs pour cette raison que grand nombre de gros fumeurs n'apprécient pas les non-fumeurs car, entre gros fumeurs, on parle, on s'abrutit de mots (et malheureusement de maux) et, le soir venu, on est bien trop fatigué pour faire son examen de conscience ! C'est d'ailleurs le problème pour toute addiction...

Portrait de Kévin

Une remarque intéressante à laquelle je n'avais pas prêté attention. Lors des pauses cigarettes là où c'est possible, ça doit pas mal papoter entre fumeurs (lol). Bon allez, je suis mauvaise langue...