François Mauriac disait qu' " Il ne sert à rien à l'Homme de gagner la Lune s'il vient à perdre la Terre "... À observer la société d'aujourd'hui, cette réflexion était malheureusement prémonitoire ! J'en veux pour preuve les cadeaux offerts aux jeunes si désabusés que, dès le 25 décembre, ils les revendent via Internet... Quand on mesure les heures passées dans les magasins pour chercher les présents qui pourraient faire plaisir et leur coût, il me semble que l'incorrection n'est pas très loin. Signe des temps diront certains ! Sauf que je ne suis pas d'accord du tout avec ce raisonnement facile ! Un autre exemple : il serait intéressant de faire un sondage auprès des ados pour savoir qui envoie de nos jours, sur une jolie carte, ses vœux aux aînés, oncles, tantes, grands-parents, marraine, parrain... Vous l'avez compris, je ne parle pas ici des sms expédiés en masse et à la hâte à minuit une de la nouvelle année, comble du manque de savoir-vivre. Ceci étant, ce constat pourrait être bien banal si cette couche de la population était souriante. Mais non, quand on croise ces futurs adultes, ils font la tête, le regard masqué par une immense mèche " tombante ", sans le moindre indice avenant sur les lèvres. En fait, jamais contents !
Quand ils daignent parler, les thèmes de l'argent, des loisirs, des opportunités, arrivent rapidement sur le tapis : si on les écoute, les trois seraient insuffisants ! Ils oublient juste tout ce qu'ils ont à leur disposition, en sachant que leur seuil de frustration est devenu bien faible et que leurs tentatives de faire culpabiliser leurs proches et moins proches objectivent leur croyance pathétique en leur supériorité. Je sais, je sais qu'il y a du MAI-68 dans ces comportements rebelles mais ce n'est pas une raison suffisante pour zapper que les Dany le Rouge ont su s'accommoder assez aimablement des conséquences de leur révolte. Ainsi l'ignorance des remises en question des lendemains de guerre, que la jeune génération entretient savamment, fait-elle le jeu de sa mauvaise foi. Je ne crois pas être la seule à deviner que traversant la seconde phase œdipienne en revendiquant prématurément leur indépendance pour ce qui les arrange, les Tanguy s'insurgent contre un système qui fait d'eux cependant, pour la plupart, des privilégiés... toujours davantage insatisfaits ! Leurs parents, impuissants et déconfits, se sentent maltraités par leur progéniture, souffrant d'un sentiment d'injustice qu'ils n'osent même pas exprimer...
Ce miroir sociétal est pour le moins curieux. Dans " La question sexuelle ", Léon Tolstoï demandait à l'humanité, essentiellement d'ailleurs à la gent masculine, de s'émanciper de la femme, donc de la " mama ", pour que les nations se portent mieux... C'est aujourd'hui chose largement réalisée avec les mères qui travaillent majoritairement. Pourtant, la collectivité pâtit encore du mécontentement des moins de 18 ans, voire plus, et même beaucoup plus ! Admettons toutefois que bien des pays sont tombés progressivement dans une oralité démoniaque. La faute à la mondialisation ? L'interrogation reste entière mais, quoi qu'il en soit, leurs gamins (et les miens par la même occasion) me font tristement penser à ce dialogue de John Steinbeck dans " À l'est d'Eden " : " J'ai remarqué qu'il n'y avait pas de pire insatisfaction que celle du riche. Gavez un homme, cousez d'or ses vêtements, installez-le dans un palais, et il mourra de désespoir. "... Mais, " bon sang ", riez jeunesse, déposez vos armes imaginaires et ne vous autodétruisez plus en fantasmant que la guerre des générations apaisera vos élans révolutionnaires qui ne sont en fait que caprices d'enfants gâtés, nourris grassement, au propre comme au figuré. Car sachez que la guerre, la vraie, celle qui peut aboutir à mettre sous influence, et nous venons de le vivre, n'a que les effets libérateurs que vous voudrez bien lui attribuer. Ayez conscience que c'est là que se situe potentiellement le début de tout drame individuel. Il serait quand même dommage qu'un sang impur abreuve une fois de plus nos sillons, même si à votre âge vous croyez que vous pourrez toujours aller vivre sur la Lune !