Peut-on vraiment faire le deuil de son enfant décédé ?

Portrait de luna_95

Depuis la mort de mon petit Enzo, je me demande de plus en plus si on peut vraiment faire le deuil de son enfant décédé... L'immense vide est toujours là. Je ne peux m'empêcher d'imaginer comment il serait maintenant. Et l'abomination c'est de ne pas savoir où il est. Pourtant je suis croyante et ça m'aide. Mais je me dis : il est parti et il avait encore besoin de moi, il était complètement dépendant de moi, il avait confiance en moi et je n'ai pas su le protéger, voir ce qui n'allait pas, même s'il est mort d'une mort subite du nourrisson...
Le désespoir m'envahit. C'est pour ça que j'ai besoin de vous écrire...

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Bonsoir Luna

Faire le deuil c'est arriver à repenser à votre enfant, aux bons moments passés avec lui sans en souffrir, c'est accepter le parcours de vie de votre enfant même s'il a été très court. Toute vie a du sens. Dolto disait que l'enfant choisit ses parents. Si Enzo vous a choisi c'est qu'il vous savait, vous et votre mari, capables d'assumer son parcours. Faites confiance à Enzo. Un jour cette douloureuse épreuve prendra sens dans votre vie et celle de votre mari.

Continuez à nous écrire et merci pour votre confiance.

Portrait de luna_95

Il y a des moments où j'arrive à m'accrocher à la vie, un peu comme vous le préconisez. Mais, depuis le début de l'été, c'est très, très dur. Les mamans sortent leur bébé en poussette et c'est normal. Je vois ces enfants sourire, agiter leurs petits bras et leurs petites jambes, curieux de tout ce qui se passe autour d'eux, et moi, je n'ai plus de bébé à promener. C'est horrible. J'attends avec impatience l'automne, la pluie, le froid car je me dis que je ne verrai plus ces scènes heureuses de famille. Mais quand j'imagine Noël, je pense que je n'arriverai pas à supporter cette Fêtes des enfants sans le mien... Ça me donne envie de mourir pour aller le rejoindre. Seule ma foi en Dieu me retient. Et mon mari, qui souffre autant que moi mais qui fait tout pour ne pas me le faire voir et me dynamiser... Il m'a proposé de partir en voyage à l'étranger pour les Fêtes de fin d'année. Il désire que je choisisse la destination. Il m'a donné l'idée de choisir un pays dans lequel Noël ne renvoie pas d'images ostentatoires.mes parents me disent de leur côté que c'est une excellente idée. Mon mari m'a rapporté plein de catalogues pour que je puisse facilement les feuilleter. J'ai fait semblant de les ouvrir. Je n'arrive pas à les parcourir ni à me décider. Pourtant je sais qu'il faut faire les réservations dès maintenant. Je tourne tout ça dans ma tête depuis des jours et des jours et des angoisses arrivent. Je me dis : mais où que je sois il y aura toujours des bébés... Alors je n'ai qu'une envie : me cloîtrer. Et je me cloître de plus en plus en regardant les photos de mon petit ange Enzo.

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Bonjour Luna,

Ce qui rend malheureux c'est lorsqu'on est toujours dans le passé ou lorsqu'on surinvestit l'avenir. Pour être heureux, il faut vivre au présent. Votre mari vous propose un voyage et c'est une très bonne idée, mais pourquoi ne pas partir maintenant. Vous pouvez trouver des voyages à prix intéressant, des dernières minutes. Ce sera l'occasion pour vous et votre mari de vous retrouver et que chacun parle de sa souffrance, vous prendrez conscience que vous n'êtes pas seule et qu'à deux c'est toujours plus facile.  

Portrait de luna_95

Je ne sais pas comment j'ai fait, je viens d'effacer toute ma réponse. Je suis épuisée mais je recommence, déjà parce que vous m'écoutez, ensuite parce que ça me fait du bien malgré tout...
Pour des vacances tout de suite, ce n'est pas possible à cause du travail de mon mari. Et puis si je partais là maintenant, j'aurais l'impression d'abandonner mon bébé. Mais je dis n'importe quoi là. C'est mon bébé qui est part, c'est lui qui nous a abandonnés. Je suis des fois en colère après lui. Alors je prends ses photos et je le lui dis. Seulement ensuite j'aindunremords, je culpabilise. Il m'est arrivé quelque chose d'horrible cette nuit. Je dormais, avec un somnifère mais je dormais. J'ai été réveillée par les pleurs d'Enzo. Mais c'était un cauchemar. Je crois me souvenir qu'il avait faim, que je voulais lui faire un biberon mais que je ne savais pas comment on fait un biberon... Je me suis levée sans faire de bruit pour ne pas réveiller mon mari. Je suis allée dans la chambre de mon lestait ange mais il n'était pas là. Son berceau était vide. Je me suis levée parce que je me suis dit : et si il n'était,pas,mort ? Je ne suis pas folle mais je me suis dit : on ne sait jamais. J'ai peut-être halluciné la mort d'Enzo ? Non, il n'était pas là. Il est bien mort... Et pour toujours... Parfois, quand je vais très, très mal, pour ne pas me jeter par la fenêtre, j'imagine que c'est ma mère qui le garde et c'est pour ça que je n'ai pas à m'occuper de lui... Mais j'arrête très vite car je sais que je ne pourrai pas passer ma vie à me raconter des histoires... Je me dis aussi que là où il est, s'il me voit, je peux le faire souffrir en refusant sa mort. Alors je reviens à l'atroce réalité...

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Bonsoir Luna,

Vous venez de faire des lapsus importants  :

  • c'est mon bébé qui est "part" (au lieu de parti)  ce qui veut dire que jusque là vous avez fantasmé votre bébé comme étant une part de vous et c'est pour cela que vous souffrez autant. L'enfant est différent de nous, il est un être à part entière. 
  • j'aindunremords : vous avez mis des "n" = haine entre chaque mot : vous êtes en colère contre votre fils et vous avez le droit car c'est vrai que c'est lui qui a abandonné cette vie mais c'est son choix et vous ne pouviez rien y changer. La mort subite du nourrison n'est pas liée au soin et à l'attention que les parents portent à l'enfant.
  • "lestait" ange :  lesté. Un ange a des ailes et avec un lest, il ne peut pas s'envoler vers les cieux.

Vous dites que vous avez effacé votre réponse, donc vous êtes capable de mettre en place un changement. Vous ne parlez pas de votre travail, en avez-vous un ? Ne pensez-vous pas qu'il est temps d'envisager de travailler ? Travailler vous ferez t-il plaisir ? 

Portrait de luna_95

Votre professionnalisme et votre gentillesse m'émeuvent beaucoup. Ne m'en veuillez pas de ne pas toujours vous répondre tout de suite mais j'ai un traitement antidépressif qui me fatigue par certains côtés. Mais je ne peux pas m'en passer pour l'instant. J'ai essayé mais ça a été une vraie descente aux enfers.
Oui, j'ai un métier mais je suis en arrêt de travail actuellement et je ne me sens pas capable de reprendre pour l'instant. Déjà parce que je redoute le regard et les sous-entendus de mes collègues, même s'ils sont adorables, mais vous avez pu constater par vous-même le nombre de fautes de frappe que je commets... Me relire me fatigue aussi beaucoup à certains moments de la journée. Notamment en fin de journée. Or je suis pigiste.
Je voudrais vous dire aussi que mêle si je ne reprends pas les éléments de votre analyse, je les accueille avec grand intérêt et j'y réfléchis toujours à tête reposée. Ça me fait du bien. Je vous adresse toute ma reconnaissance.

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Bonjour Luna,

Avez-vous envisagé de faire appel à une aide extérieure en démarrant une thérapie avec un psychothérapeute, un psychologue ou un psychanalyste. Vous êtes en arrêt de travail ce qui vous laisse du temps pour vous,  pour prendre soin de vous.  

Pensez à vous.

Portrait de luna_95

Tous les spiritualistes disent qu'on a toujours tous les outils en nous pour nous en sortir et il faut que j'y arrive. Sinon j'aurai le sentiment de ne pas être digne de mon bébé...

Portrait de Gilbert

Bonjour Luna,

Vous avez raison, les spiritualistes disent qu'on a toujours les outils en nous pour s'en sortir... Mais encore faut-il qu'on nous montre parfois comment les utiliser. Je rejoins Cécile. G. Psy. dans sa proposition de faire appel à une aide extérieure. Ce peut-être un prêtre et pas automatiquement un psy, ou tout autre personne ayant une expérience du chemin spirituel. Vous êtes déjà digne de votre bébé en vous livrant ici. Pourquoi ne pas allez plus loin ? Peut-être un voyage initiatique ? Pour rebondir sur l'invitation de votre mari... Ou même une retaite sprituelle ?

Portrait de luna_95

Vous savez dans mon cas, une aide extérieure n'y peut pas grand-chose. Et les outils, c'est à nous à trouver comment s'en servir. Sinon, s'il suffisait d'aller voir un prêtre ou un psy, ça se saurait ! Je crois davantage au " Aide-toi, le Ciel t'aidera ". De nos jours, on nous fait croire que lorsqu'on a un problème, les solutions viendront de l'extérieur. J'ai 39 ans mais il y a très longtemps que j'ai compris que les solutions viennent de l'intérieur. Les professions altruistes ont toutes leurs maniëres théoriques, respectables, et que je respecte, mais jamais pratiques. N'y voyez pas un reproche de ma part. C'est déjà énorme d'avoir des pistes de compréhension mais ça ne suffit pas. Quand je communique avec vous, c'est pour essayer d'avancer sur " mon " chemin car je sais qu'y sont cachés ces fameux outils que je cherche. Mais " votre " chemin professionnel me fait sentir que vous compatissez mais il ne peut en aucun cas me livrer d'outils. Parlez-en avec des personnes qui ont perdu un enfant, elles vous diront toutes ma même chose. Même de parler avec des parents qui ont perdu un enfant ne change rien. C'est juste de l'empathie. Mais quand on se retrouve seul(e) avec notre chagrin, personne n'y peut rien. Ne crois modestement avoir saisi que je serai malheureuse, voire désespérée, tant que je n'aurai pas identifié comment m'y prendre par moi-même. Je le vois bien dans notre couple : nous avons, bien entendu, mon mari et moi perdu le même petit garçon. Eh bien nous sommes aussi démunis l'un que l'autre. À ce jour, aucun des deux n'a trouvé le moyen de se détacher de notre drame commun. Et le plus terrible, c'est que je sais que si l'un des deux y parvient avant l'autre, il ne pourra pas aider celui qui cherche encore. Pourtant, un grand amour nous unit mon mari et moi. Les associations ont leur raison d'être, quelles qu'elles soient, mais même après un partage de qualité, l'immense douleur est là... Seuls les personnes qui ont énormément souffert le savent.

Portrait de Ugo

Bonjour Luna, ma question va vous paraître un peu stupide, mais je la pose: pourquoi ne pas renoncer à faire ce deuil? Accepter, pour l'instant, que  c'est trop difficile, ou tout simplement pas encore le moment. Pour vous reveillez un matin, sans vous y attendre, avec le déclic libérateur, sans explication, aucune...

Portrait de luna_95

J'ai essayé mais je coule à pic, avec un sentiment d'inutilité encore plus grand, un sentiment de nullité, d'autodévalorisation extrême. Vous savez, quand une maman perd son bébé, elle a vraiment le sentiment d'être une mauvaise mère parce qu'elle n'a pas su le sauver... Enfin pour moi c'est ainsi.

Portrait de Frederica

Si je puis me permettre Luna, j’oserai dire que votre fils vous a donné un beau cadeau, celui d’être mère avec toutes les angoisses que cela peu comporter mais aussi ce sentiment unique qui  lie à son enfant.

Vous parlez d’un sentiment de mauvaise mère parce que vous n’avez pas pu le sauver, je vous dirait que ce n’est pas le cas, il a choisit sa destinée et vous avez accepter, avec courage, de le laisser faire, seule une bonne mère peut  faire cela.

Un voyage serait un bon moyen de lâcher un peu et voir ce qu’il pourra vous apporter, sinon vous ne pourrez pas savoir.

Vous dites que « Seuls les personnes qui ont énormément souffert le savent. » je vous dirais que vous avez raison et que je suis convaincu que vous trouverez en vous l’énergie d’apaiser la douleur sans oublier le bonheur.

Portrait de luna_95

J'ai vu un prêtre qui m'a un peu déstabilisée mais au bon sens du terme. Il m'a dit que si j'éprouvais le besoin de pardonner à mon fils d'être parti qu'il fallait que je le fasse.
Au début, je n'ai pas compris ce qu'il voulait me faire passer comme message et puis, petit à petit, j'ai réalisé qui lui pardonner, c'était me pardonner... Et m'inscrire dans le bien... Ça me fait du bien.

Portrait de Frederica

Je ne suis pas professionnel mais votre votre lapsus réponds bien à ce que vous avez compris..."j'ai réalisé QUI lui pardonner" Vous venez de vous pardonner.

Je suis très touchée pour vous.

Bonne jounée.