Pourquoi je ressens moins de peurs le matin que le soir ?

Portrait de Mireille-cogolin

Peut être que ma question est ridicule mais comme il y a longtemps que je me la pose et que je n'ai pas de réponse, je préfère vous la poser:
Je suis une angoissée depuis toute petite. Mon veuvage prématuré a fait grossir ma peur de la vie. Maintenant, en vieillissant (je vais avoir 56 ans), ma peur s'est transformée en des peurs... Mais j'en ressens beaucoup beaucoup moins le matin que le soir.
Est ce que vous avez une explication sur ce phénomène ?

Portrait de Cécile

Je n'ai pas de réponse psychologique Mireille, mais en vieillissant j'ai de plus en plus de mal avec les couchers de soleil. Je suis aussi plus à l'aise le matin. D'ailleurs, un ami un peu connaisseur en Feng Shui, m'avait conseillé de mettre sur mon bureau un paysage éclairé plutôt qu'une photo renvoyant aux couleurs du soir, même si esthétiquement celle-ci peut être belle. En ce qui me concerne, je crois que la fin d'une journée me renvoie à ma finitude et que j'ai encore des peurs à ce niveau. Dans votre cas, peut-être sont-elle décuplées par votre veuvage ? Travaillant cependant ma réflexion spirituelle, je me dis que la nuit est obligatoire pour voir de nouveau le soleil renaître. Il faut dire que j'ai tendance à croire en la réincarnation. Cela m'arrange bien et je sais que je ne suis pas la seule à envisager ce processus comme une éventualité. Du coup mes peurs du soir ne sont pas synonymes de noir morbide.

Portrait de Juliette

Le moment que je préfère de la journée c'est le matin parce qu'il est plein d'espoir et qu'il me dirige vers la vie, alors que le soir pour moi est synonyme de fin. Je préfère largement regarder un lever de soleil qui me met en joie qu'un coucher de soleil qui me donne "le bourdon".

Une journée, c'est comme une vie avec un début et une fin, et c'est peut-être pour cela que vos angoisses montent à l'approche du soir. 

Portrait de Juliette

Je rebondie (je sais pour un grenouille, c'est facile) à ce que dit Cécile. Pourquoi ne pas envissager la nuit, siège de notre vie inconsciente comme le symbole qu'une vie, sous une autre forme, nous attend après ? 

Portrait de Isabelle

Lors de mes grossesses, j'ai fait le choix d'une préparation à l'accouchement par la sophrologie. Pour faire "rapide" dans mon témoignage, il y a quelque chose qui m'a semblé essentiel, c'était de visualiser la tête du "bébé passant, s'engageant" que j'ai traduit par un rond sombre cerclé d'un rond lumineux. Plus le bébé "sortait la tête", plus le rond lumineux s'élargissait.

Je pense que beaucoup d'individus sont "angoissés" consciemment ou inconsciemment par la finalité que symbolise la nuit, autrement dit la mort... D'ailleurs, sur un aspect "collectif", il n'y a qu'à voir l'impact d'une "éclipse" solaire sur le comportement humain, ou plus généralement la nuit... Cependant, je pense aussi que c'est parce que nous faisons une "confusion" en lien à la naissance même, et au traumatisme réel qu'elle engendre pour tout être humain... Si on envisage effectivement la mort comme un changement d'état, l'angoisse perd déjà beaucoup de sa force, et du même coup, les peurs aussi. Pour ma part, je suis moi aussi, toujours plus "efficace" le matin que le soir, mais je le traduis aussi par le fait, que je suis née trés tôt le matin, 5 h 15, après une nuit de "travail" vers la délivrance... J'ai été dès l'adolescence, très matinale. Et "bizarrement", lors du dernier trimestre de mes grossesses, j'avais des insomnies de "fins de nuits", et je me réveillais systématiquement autour de 4 heures du matin. A tors ou à raison, je l'ai attribué au fait, qu'allant devenir maman, je "réactivais" ma propre naissance, en quelque sorte... Et puis là aussi, pour l'inconcient collectif, l'astre solaire est symbole de vie, de lumière, donc lorsqu'il disparaît pour laisser place à la nuit, cela symbolise la fin de quelque chose, entre autre l'éveil diurne qui fait place au sommeil nocturne...

Portrait de Armelle B. Psychanalyste

Les témoignages déjà apportés sur ce sujet m'ont beaucoup parlé car j'ai également fait une préparation à la naissance en sophrologie et la sophrologue nous demandait de visualiser un soleil qui se lève pour aider le travail lors de l'accouchement. Et depuis, j'ai cette vision d'une journée qui représente le cycle de la vie, comme en parlait Juliette. D'ailleurs, les fameux "pleurs du soir" des bébés signalent certainement qu'ils ressentent déjà cette angoisse liée à l'arrivée de la nuit, dès leur naissance. Comme le disait Juliette, la fin de la journée peut-être angoissante car elle peut rappeler à l'inconscient qu'il y aura une fin à la vie, alors peut-être faut-il se rappeler que dans le jeu de tarot la carte de la mort ne signifie pas la mort elle-même mais un changement important. Peut-être les changements sont-ils difficiles pour vous Mireille ?

Cordialement, 

Armelle B.

Portrait de cricri

C'est en croyante-pratiquante que je vais tenter répondre à cette question difficile en citant une prière d'ouverture (13ème dimanche du temps ordinaire) :
. " Tu as voulu, Seigneur, qu'en recevant ta grâce nous devenions des fils de lumière ; ne permets pas que l'erreur nous plonge dans la nuit, mais accorde-nous d'être toujours rayonnants de ta vérité "...
Selon moi, baignés comme nous sommes dans un héritage religieux séculaire moralisateur et menaçant, il est fort probable que le soir, synonyme d'obscurité, nous donne l'illusion que nous pourrions " fauter ", a fortiori si notre terrain psychologique est particulièrement culpabilisé. Quand on y réfléchit bien, nous gardons dans l'imaginaire le spectre de cambrioleurs qui volent la nuit, de personnes qui s'alcoolisent davantage la nuit ou qui finissent la journée très alcoolisés, d'ébats physiques sexuels qui se déchaînent surtout la nuit, etc... Or, on peut voler le jour, on peut s'alcooliser le jour, on peut faire l'amour le jour...
Abordées d'un point de vue religieux et selon moi, c'est comme si les interdits ne pouvaient s'agiter qu'une fois la nuit noire... Je pense que beaucoup d'angoisses nocturnes viennent donc du fait que nous développons le fantasme d'éventuellement mal faire le soir...

Portrait de Gilbert

Très parlant, votre post, Cricri, comme à l'accoutumé. Le fanstasme du mal lié à l'obscurité, à la noirceur, peut devenir très projectif. Ainsi, le racisme quant à la couleur de la peau s'inscrit historiquement peut-être à ce niveau. Les " nègres " ont été fantasmés " mauvais " à cause de leur couleur. Sauvages comme le sont les instincts de l'Homme parfois. Boucs émissaires idéaux, on les a mis en esclavage comme s'ils étaient la personnification du mal. Dieu était " blanc " et " lumineux " !-). Le noir est " sale ", diabolique,  par opposition au blanc " immaculé "... Terrible bévue !

Portrait de Sofia M

Il me semble - reliquat de mes cours de Psycho... - qu'en dehors de l'apport extrêmement intéressant et complémentaire développé dans tous ces commentaires - qu'un aspect important peut mériter aussi d'être soulevé : c'est celui de ce que l'inconscient a retenu de ses propres angoisses qui se sont manifestées dans les premières années de sa vie et dont il n'a pas pu se libérer, soit parce qu'il était encore dans sa période pré-verbale, soit parce que son milieu familial ne lui permettait pas d'oser en parler. Le post de Cricri à sa façon aborde un peu ce processus. Pour ma part, je pense Mireille qu'il serait sûrement intéressant que vous recherchiez dans votre enfance ce qui a pu vous faire peur : des scènes répétitives familiales, que vous n'aviez alors pas les moyens psychologiques de comprendre à cause de votre immaturité liée à votre très jeune âge, mais qui vous effrayaient... Regarder les traumatismes de l'enfance bien en face nous en libère parce qu'ils n'existent plus dans le présent malgré l'anxiété qu'ils génèrent toujours. Et même si notre situation actuelle nous donne l'illusion d'être la même, de se répéter, c'est un leurre dont il faut impérativement se débarrasser car les paramètres sont de toute façon et absolument différents. Ce qui prouve bien que nos angoisses représentent une apparence funeste alors qu'elles ne sont que pacotilles car virtuelles... À nous de ne plus nous laisser faire par elles... Pour nous y aider, considérons qu'elles nous mettent dans le même état que si nous avions un fantôme en face de nous et un fantôme n'est qu'un fantôme... Mais de fantôme à fantasme nous constatons que nous sommes bien dans le même registre inconsistant... Alors balayons nos angoisses chaque fois qu'elles reviennent pournles affaiblir. Les balayer c'est, Mireille, pour vous qui êtes croyante (comme moi...) que les forces du Bien sont toujours victorieuses sur les forces du mal... Si vous avez de la difficulté à vous en convaincre, regardez l'ensemble de votre vie, je dis bien l'ensemble, y compris dans ce que nous appelons à tort " les petites choses ", notez-les par écrit s'il le faut, et vous verrez que le mal bat toujours en retraite de van t le Bien. Il y a quand même une condition sine qua non pour établir ce constat : le faire sérieusement, avec attention, et combien même auriez-vous l'impression que le mal l'a emporté, ne baissez pas les bras (ça fait partie du jeu sordide du diable), réfléchissez au problème concerné jusqu'à voir qu'en fait c'est le Bien qui a gagné... Je peux vous donner l'exemple d'une amie de ma mère qui s'est fait mordre grièvement par le chien de sa fille : hospitalisée en urgence, les analyses sanguines ont révélé " par hasard " une maladie qui a pu être traitée à temps...

Portrait de Mireille-cogolin

Je n'aime pas trop me confier par pudeur mais je retrouve de quoi travailler sur moi et bien réfléchir dans vos réponses. Disons, sans que je rentre dans les détails, que je commence à comprendre mes peurs du soir... J'espère que ça va m'aider à m'en débarrasser parce qu'à mon âge, non seulement ça devient ridicule, ça me fait beaucoup souffrir et c'est contraire à ma foi...

Portrait de Nathalie-73

Bonsoir Mireille, à la suite des éclairages apportés, j'ai le désir de partager avec vous le travail du peintre très âgé aujourd'hui, Pierre Soulages, qui a construit sa carrière et sa renommée avec des oeuvres peintes pour la plupart uniquement avec la couleur noire, il parle de l'"outrenoir", que l'on peut entendre au-delà du noir. Et c'est vrai que pour avoir vu certains de ses tableaux on est conquis. Derrière ce noir, il y a des effets de lumières qui se reflétent selon la surface et les matières sur lesquelles P. Soulages a appliqué la peinture. Et suivant l'angle de notre regard on découvre encore de nouveaux effets.  Voilà un monsieur qui avec ses "idées noires" amènent beaucoup de satisfactions et de bonheurs aux visiteurs de ses oeuvres. Bye