Prier peut-il cacher une névrose obsessionnelle?

Portrait de Pier36

Ma femme et moi sommes des protestants pratiquants.

Je suis maintenant à la retraite et ce nouveau pan de mon existence me fait constater ce que je pense être un problème chez mon épouse: elle passe énormément de temps à prier chaque jour au point de faire passer ses prières avant les courses, la préparation des repas, le ménage, etc. Son père était alcoolique et elle a toujours eu peur de le devenir, ne buvant quasiment que de l'eau. Elle en a conscience pour m'en avoir parlé. Elle m'avait fait allusion une fois qu'elle priait beaucoup pour que Le Seigneur lui accorde la grande Grâce d'enlever, à sa filiation (nous n'avons pas d'enfant) et à elle-même, le gène alcoolique. Je ne conteste absolument pas l'essence de ses prières mais plus je l'observe et plus je me demande si elle ne prie pas de manière obsessionnelle genre T'O'C. Je sais donc que ses prières s'appuient sur une réalité familiale mais cette réalité n'est-elle pas l'arbre qui cache la forêt? Autrement formulé: à partir de quel moment peut-on considérer que la prière est comme une protection mais qui serait régressive car trop compulsive et engloutissante, et finalement auto-destructrice? Mon inquiétude vient peut-être d'une déformation professionnelle dans la mesure où en tant que délégué médical, j'ai été amené à travailler avec des produits pharmaceutiques traitant de troubles psychiatriques mais j'avoue que les comportements spirituels actuels de ma femme m'inquiètent.

Portrait de Isabelle

Il me semble qu'effectivement la prière est protectrice si elle n'empiète pas sur les tâches quotidiennes. Lorsque je prie le matin tôt c'est sur un temps limité. D'autant (si je puis dire) que ces prières prennent aussi du sens ensuite en vacant à toutes nos occupations dans la journée. La relation à Dieu ne peut être un frein. Bien au contraire... A mon sens la prière est un dialogue intime du soi au Soi. Mais elle ne doit en aucun cas devenir un refuge nous isolant de l'extériorité...

Portrait de Nadia

Votre question, Pier36, m'interpelle. Je ne suis pas du tout pratiquante même si je m'interroge sur la spiritualité ayant trouvé des discussions ouvertes très intéressantes sur ce sujet dans le forum. Je résiste certainement à la prière lorsque je pense à une de mes tantes, très croyante mais qui passait son temps à égréner son chapelet sans vraiment communiquer avec son entourage. Son comportement me rebutait et je me demande si elle n'a pas contribué chez moi à un certain rejet de la religion (entre autres bien sûr). Aussi je suivrai cette discussion à propos de l'obsession dans la prière avec un intérêt particulier.

Portrait de Mireille-cogolin

Cette question m'intéresse aussi beaucoup car, sans mauvais jeu de mots, j'ai l'impression que le croyant est pris entre le marteau et l'enclume depuis la nuit des temps : d'une part et c'est ce que je crois, Dieu est tout Amour et sachaud nt ce qui nous convient, Il trace la route de tout un chacun avec l'Enseignement spirituel dont nous avons besoin et d'autre part, Les Écritures Saintes nous demandent de prier dès que possible, voire plutôt beaucoup que peu... Cette question de la durée des prières quotidiennes, je me la pose depuis longtemps aussi, oscillant entre allègement de mon temps spirituel et renforcement de cette durée. Je vois donc que je ne suis pas la seule... Je rejoins complètement Isabelle quand elle dit que la relation à Dieu ne peut pas être un frein. En ce qui me concerne, depuis quelque temps j'essaie d'écouter davantage mon corps car je somatise facilement. J'ai eu une alerte récemment et j'ai ressenti mes prières, comme le dit Pier36, comme obsessionnelles. Aussi je les ai beaucoup allégées. J'essaie de me concentrer sur Le Seigneur autrement, en réfléchissant davantage sur la spiritualité. Je me sens mieux et ça signifie que je me fais davantage confiance. Aussi je pense en procédant ainsi faire évoluer ma foi. Ça peut paraître paradoxal comme raisonnement mais j'ai l'impression en priant moins dans la durée d'avoir chassé des peurs qui n'allaient pas avec mon cheminement de croyante.

Portrait de Régis

Ayant moi-même une propention à prier pour me rassurer, lorsque cela devient obsessionnel je me remets en mémoire ce passage des Evangiles dans Saint Matthieu au chapitre 6 :   " Lorsque vous priez, ne rabâchez pas comme les païens : ils s’imaginent qu’à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez donc pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin, avant même que vous l’ayez demandé. ".

Il me semble que Jésus dit tout à propos de la prière.  " Notre père sait de quoi nous avons besoin... " Ce qui rejoint la réflexion précédente à mon sens. C'est la confiance en l'Amour infini de Dieu qu'il s'agit pour moi de travailler avec des prises de conscience au quotidien.

Portrait de Allain

Merci à Régis pour ce rappel biblique et à Pier pour sa question.

Mon métier de psychanalyste chrétien m'a fait assister à des états pathologiques régressifs très graves où " l'abus de prières " avait réveillé chez certains patients une paranoïa latente, la responsabilité du délire de persécution pour ces analysants perturbés étant attribuée inconsciemment à Dieu! Il est bien évident que prier de manière auto-destructrice est en lien avec une mauvaise image du père (le papa) refoulée.

Portrait de Gilbert

N'ayant pas été reconnu par mon père à ma naissance, j'ai du gardé une représentation de mauvais père. Il m'est en effet arrivé, au début de mon intérêt pour la spiritualité, de prier de manière compulsive, comme pour obliger le père imaginaire à m'écouter en rabâchant. L'apport d'Allain me parle donc et je me rends compte que le travail sur moi que j'ai fait avec un thérapeute chrétien a été salutaire quant à une éventuelle paranoïa latente qui aurait pu me perturber de façon auto-destructrice effectivement.

Portrait de Viviane

Je n'avais jamais fait ce lien du fait que le jeune enfant qui veut qu'on l'écoute, "rabache" et insiste auprès du parent. Et le fait que prier de manière auto-destructrice renvoie à cette volonté inconsciente d'être "désespérément" entendu par le père. Ce qu'explique Allain m'a fait me souvenir de "Le cas Schreber" que j'avais lu dans l'ouvrage de Sigmund Freud "Cinq psychanalyses" il y a longtemps.

Portrait de Régis

J'ai lu ce cas extrême dont parle Viviane. Il s'agit d'un véritable délire mystique pathologique. Freud explique bien cette perception particulière du père par Schreber.

Portrait de Sofia M

Il est certain que lorsque les projections s'agitent, elles finissent par se retourner contre soi pour prendre conscience que nous nous abîmons. La prière obsessionnelle adressée au Père (inconsciemment le père) et à la Bonne Mère Marie (inconsciemment la mère) en témoignent. C'est comme si certains profils psychologiques croyaient quelque part que ce qu'on n'a pas obtenu de nos parents nous sera accordé par Dieu, La Vierge Marie, voire le Fils en la représentation du Christ. Il s'agit d'ailleurs là de rechercher des images parfaites, des accomplissements merveilleux et magiques en s'adressant spirituellement à des Symboles de perfection. 

Portrait de Jean-Marc

Cet apport psy quant à la prière obsessionnelle est éclairant. Ma mère avait cette tendance là et je fais des liens quant à ses propres parents... Et je comprends mieux son comportement, ce qui me permet surtout de ne pas juger. Merci.

Portrait de Maria

Ces explications très complètes grâce à la question de Pier36 me permette d'y voir bien plus clair pour moi. Récemment je suis venue demander un peu d'aide sur ce forum à propos de la prière justement. Ce sujet apporte beaucoup de compléments à ma réflexion. Maria.

Portrait de Lucien

Je supporte de moins en moins ma belle-mère qui fait du lavage de cerveau à mes enfants avec ses bondieuseries. Heureusement, ils ont compris et aujourd'hui âgés de 17 ans (les jumelles) et de 15 ans (le fiston), ils se laissent moins faire. Elle est d'une bêtise incommensurable et passe son temps à prier. Vos explications m'éclairent compte tenu du contexte familial dans lequel elle a évolué enfant.

Portrait de Gilbert

Cette discussion est véritablement didactique. Elle me fait mieux comprendre les risques de la pensée magique que l'on retrouve en religion chez certains et dont je suis certainement aussi porteur. Le com de Sofia M m'a particulièrement éclairé. Il s'agit donc, en spiritualité, de ne pas fuir la réalité au profit d'une illusoire perfection et donc d'un fantasme de plus. Pas toujours facile de rendre à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu. Important donc de sortir d'une toujours possible confusion dès lors qu'on aspire à une démarche spirituelle.

Portrait de Domino

En tant que croyante pratiquante, la prière m'est quotidienne. Par contre et comme indiqué dans cette discussion, il m'est arrivé de croire que je priais de façon anormale, obsessionnelle pour reprendre le terme employé par Pier36. Essayant de me convaincre que Le Seigneur m'indiquait que j'étais en train de tomber dans la pathologie, je réduisais alors considérablement mon temps de prières. À chaque fois cependant le scénario était le même: les premiers jours de réduction de mon temps de prières, je me sentais mieux mais, en général, une mauvaise nouvelle, une inquiètude, suivaient cette joie factice. J'ai ainsi compris que prier sur une durée d'environ une heure par jour m'apaise et me sécurise. Certains penseront que c'est de la superstition mais, étant sensible aux signes, je m'incline par rapport à ce que Dieu m'adresse. À ce sujet, je peux préciser que lors d'une tentative passée de réduction de mon temps de prières, j'ai vu une émission de télévision qui présentait la mère de Saint Augustin. Cette femme, peu heureuse en ménage, avait un lien très fort avec ce fils. Non seulement elle supportait sans broncher les comportements discutables de son mari volage mais elle priait inlassablement pour qu'Augustin développe sa foi chrétienne alors qu'elle avait épousé Patricius, un païen. Pour L'Église, ce sont ses prières inlassables qui ont participé amplement à la conversion du fils. Quand j'ai découvert la persévérance à prier de cette femme, je ne me suis plus posée la question de l'allègement de mes prières. En me montrant le chemin de Sainte Monique, Dieu me rappelait à l'ordre. Ceci étant, je suis convaincue que chacun a un chemin et que certains d'entre nous et paradoxalement sont appelés par le Seigneur à prier peu ou pas du tout. Mais, finalement et comme le dit de son côté et à sa manière Mireille-cogolin, à chacun d'observer ce qui se passe dans sa vie pour en retirer l'Enseignement divin dont il a besoin.

Portrait de Jean

Merci pour ce rappel, Domino. Je connaissais un peu l'histoire de Saint Augustin mais pas vraiment celle de sa mère. Je découvre qu'elle s'appelait Monique et il se trouve que ce prénom me parle dans la mesure où je connais une personne ayant deux enfants et qui attache une importance à leur bien-être. Cette personne est toujours prête à rendre service et je l'apprécie beaucoup. Pas de hasard donc. Pour ma part, je fonctionne un peu comme vous. J'essaie de rectifier le tir au niveau de mes prières en fonction de ce que la vie me propose. Et je pense qu'il n'y a effectivement pas de recette définitive pour chacun.

Merci à Pier36 pour cette magnifique discussion. Je remarque là tout de suite que Pier comporte des lettres qui, mises dans un autre ordre donnent " Prie ". Comme quoi, il faut garder un équilibre mais certainement pas se passer de la prière. Bonne et belle journée à tous les foromers.

Jean

Portrait de Amélie

Une discussion qui m'a amené à beaucoup réfléchir hier en la lisant. Je doutais de ma propre pratique... Ce matin j'y pensais encore en me levant. Quelquefois je suis surprise des réponses qui sont données presque en instantané. Je m'explique. Ce matin j'ouvre après avoir prié comme tous les jours, "Affirmez la Sagesse Divine" à la page 60. Le titre : "Votre visite quotidienne à Dieu". Deux petits extraits qui m'ont "parlés" en direct... "Souvenons-nous, alors, que Dieu est notre paix et mettons notre confiance en Lui, autrement dit reposons-nous dans le Seigneur". Un tout petit peu plus loin : "Ce rendez-vous quotidien - de dix minutes à un quart d'heure ou même d'une demi-heure - suivant ce qui nous convient le mieux"...

Portrait de Maria

Il faut vraiment que je me procure cet ouvrage. Je le vois souvent cité en référence par différents foromers. On le trouve facilement via Internet Amélie ?

Portrait de Amélie

Entrez le titre, vous aurez plein de sites qui le propose à la vente. Personnellement je ne l'ouvre pas systématiquement tous les jours, mais j'ai souvent de jolis clins d'oeils (j'ose dire Divins) lorsque je le consulte. Vous verrez c'est un petit ouvrage par le nombre de pages, mais très riche pourtant par la portée.

Portrait de Viviane

Et puisque nous en sommes aux clins d'oeils... L'auteur (en référence à une autre discussion en lien à un écrivain), le docteur Emmet Fox est inspiré et inspirant par ce qu'il transmet...

Portrait de Maria

Pas de doute. Incontournable donc ! C'est bon je le commande dans la foulée... Merci !

Portrait de Pier36

Je suis extrêmement touché par ce partage de grande qualité sur un plan empathique, spirituel, culturel et cultuel. Vos posts m'ont appris et nourri. J'aime l'objectivité de vos propos et la liberté qui s'en dégage. Merci du fond du cœur.