Les vieux s'en souviennent... Voilà une phrase, toujours prononcée avec respect, qu'il nous arrive encore d'entendre. Certes de plus en plus rarement. Une des raisons du désintérêt actuel de la jeunesse quant à la prise en compte de l'expérience des " Anciens " est due à l'avancée technologique fulgurante des dernières décennies. Ce phénomène ayant engendré une telle distance dans la communication entre les générations depuis 50 ans, les grands-parents sont de plus en plus considérés comme dépassés, contrairement aux idées reçues...
Déjà, au XXème siècle, Albert Einstein redoutait la face cachée du progrès matériel, soulignant qu' " il est hélas devenu aujourd'hui évident que notre technologie a dépassé notre humanité "... L'homme de sciences ne s'était pas trompé. Il est vrai que la vitesse s'immisce partout et chaque jour davantage et qu'à l'inverse, la vieillesse fait ralentir le pas. Pourtant, ne dit-on pas que lorsqu'une personne âgée décède, c'est une bibliothèque qui brûle... Quoi qu'il en soit, Einstein nous incitait aussi à " savoir tirer parti de la période présente "... La vie, même observée par les plus grands génies, reste ainsi pétrie de paradoxes ! Le philosophe roumain Émile Cioran a coupé court à cet aspect yoyo, nous conseillant - pour privilégier équilibre et bienveillance - de " ne regarder ni en avant ni en arrière mais de regarder en soi-même sans peur ni regret " car, ajoute-t-il, " nul ne descend en soi tant qu'il demeure esclave du passé ou de l'avenir ". Cette sagesse est intéressante de par la nuance qu'elle véhicule : finalement, ce n'est pas hier ou demain qui sont redoutables mais c'est cet esclavagisme qu'ils sous-tendent. De toute façon, la liberté n'est qu'intérieure. Quand elle s'exprime à l'extérieur, elle n'est qu'un pâle reflet de son fondement et c'est en ce sens qu'elle peut parfois conduire au désastre car on ne se défait pas des chaînes de l'inconscient collectif et des règles exogamiques à l'aide d'une baguette magique, abandonniques comme nous sommes. Autrement formulé, nos convictions intimes et responsables perdent de leur intensité dès lors qu'elles sont confrontées au magma familial et sociétal. Cet aspect est d'autant plus surprenant qu'il n'existe jamais d'impasse possible quand nous cherchons de manière légitime à composer avec l'Univers dans la mesure où tenter de comprendre cette dimension énigmatique ne peut en aucun cas occulter le lien indéfectible qui nous unit à elle : " Connais-toi toi-même et tu connaitras l'Univers et les Dieux ", enseigne Socrate... Au fil des millénaires, cette philosophie a heureusement touché le cœur de bien des humanistes, d'un grand nombre de poètes, de beaucoup d'écrivains, de Voltaire à Paulo Coelho qui, dans " Onze minutes ", souligne que " quand nous nous rencontrons, nous sommes deux énergies divines, deux univers qui s'entrechoquent ; s'il manque à cette rencontre la déférence nécessaire, un univers détruit l'autre "... Que de drames pourraient être évités en faisant sienne cette vérité.