Un enfant mort petit aurait-eu une trajectoire de vie abominable que ses parents n'auraient pas pu supporter ?

Portrait de luna_95

Dans une petite réunion de famille hier soir, la mère de ma marraine - dame de 85 ans mais femme de grande culture et qui sait ce qu'elle raconte - voyant que je n'allais toujours pas bien depuis la mort de mon bébé, m'a prise à part. Elle m'a expliqué que selon la majeure partie des spiritualistes, un enfant qui décède très jeune aurait eu une vie atroce que ses parents n'auraient pas pu supporter.
Pour elle (elle est très croyante), mon bébé est venu au monde pour m'apporter de quoi réfléchir mais Dieu l'a rappelé à lui pour lui épargner des souffrances terrestres insupportables. C'est comme si c'était un cadeau...
C'est vrai que je ne saurai jamais ce que serait devenu Enzo enfant, ado, adulte mais, même si je respecte ce raisonnement, cette hypothèse ne me convainc pas...
Cette dame m'a dit aussi que c'est pour cette raison que les croyants fervents ne sont pas tristes quand leur enfant meurt et qu'ils remercient Le Seigneur. Je suis croyante mais je n'en suis pas (encore ?) là...
Est-ce que vous pourriez me donner votre avis sur ce sujet difficile et douloureux ?

Portrait de Gilbert

La mère de votre marraine, vu son expérience de la vie, a acquis une grande sagesse et doit être animée d'une foi solide. Rassurez-vous, je suis loin d'en être là moi aussi. Pourtant, si l'on croit en un Dieu Amour - avez-vous remarqué que nous sommes, aujourd'hui 9 août, justement le jour de la St Amour ? - le raisonnement se tient. Incompréhensible, voire inacceptable, à l'échelle matérielle mais sensé au niveau spirituel. Je crois pour ma part - et cela m'aide - que l'enveloppe corporelle n'est pas l'essence de l'Être mais simplement l'une de ses manifestations. L'âme de votre enfant, diraient les ésotéristes, est une " vieille âme " qui n'avait pas besoin de séjourner longtemps ici-bas pour évoluer. Elle s'est incarnée juste le temps de vous transmettre (certes en vous laissant désemparée) que la Vie ne s'arrête pas après la disparition du corps. D'ailleurs, votre témoignage m'aide à expliciter mes convictions, ce qui prouve que votre enfant nous interroge ici sur ce forum... Amitiés !

Portrait de Jean

Alors qu'en Occident nous opposons la vie à la mort, la tradition orientale - et surtout indienne - oppose plutôt la mort à la naissance. Cette vision change tout à mon sens, puisqu'à chaque fin succède un commencement. Il s'agit pour cette philosophie d'établir un continuum. La Vie intègre mort et renaissance mais se situe au-delà. Je pense que les ésotéristes, Gilbert, se sont largement inspirés de cette tradition au XIXème siècle en Angleterre avec la théosophie...

Portrait de Isabelle

Je crois pour ma part, que la disparition d'un enfant, est là effectivement pour "encourager" les vivants à la réflexion et un travail sur soi (quelle qu'en soi la forme)... Le décès par accident de la route, de mon petit frère de 11 ans, a eu lieu un 9 août, il y a longtemps maintenant. Je sais que pour ma mère, cette date reste difficile... Mais pour être honnête (ce n'est que ma conviction...), sans doute a-t-il mieux valu qu'il ne survive pas à cet accident, son corps était véritablement en milles morceaux...

Les années qui ont suivies le décès de mon petit frère ont été difficiles pour moi. Au point qu'à la naissance de mon 2ème fils, après avoir cherché des "solutions" pour sortir de ma "non acceptation", j'en suis arrivée à un travail analytique. Cela dit, même si je n'acceptais pas cette "mort injuste", j'avais au fond de moi, bien enfouis, la certitude que ce n'était pas pour "rien"... J'ai d'ailleurs découvert qu'il y avait un décès d'enfant, sur chaque génération, sur la branche maternelle depuis au moins 4 générations successives... Moi cela m'a "aidée" pour un travail sur moi-même en profondeur, avec dans l'idée qu'en parallèle de mon travail personnel, cette répétition stopperait. Je suis encore plus persuadée aujourd'hui, comme le dit Gilbert, qu'il y a de " vieilles âmes" qui font le choix de s'incarner en "connaissance de cause", pour permettre à toute une lignée à venir, de stopper des schémas destructeurs... D'une certaine façon je remercie Dieu, et l'âme de mon frère, mais ce n'était "que" mon petit frère... J'ai bien conscience que ce deuil est malgré tout différent du vôtre Luna... Tout aussi douloureux que celà puisse être pour vous, la mort de votre fils Enzo, n'est pas pour "rien".

En conclusion, je ne peux que vous raconter ce qui a été dit à ma mère, quelques mois après la mort de mon frère... "Emprisonnée" dans son chagrin, sur les conseils insistant d'une amie, ma mère contacte un moine, qui avait la réputation de faire preuve d'une grande sagesse face aux difficultés d'un deuil... ma mère lui explique la mort de mon frère... Il l'a écouté durant un long moment, puis très doucement il a conclu la conversation par "le 9 août, Madame, quel beau jour pour mourir"... Il est bien évident que celà peut faire hurler, selon comment on entend ses paroles ! Ce qu'a d'ailleurs fait ma mère... Avec le recul, personnellement, je pense que ce qu'il lui a dit, était d'une grande force !

Portrait de cricri

Avec beaucoup d'humilité, je vous livre ce que je ressens : pour moi, étant donné que les êtres humains ne savent pas réellement ce qu'est la mort, ce qu'il y a après (ou non), je crois Luna qu'il faut que vous développiez vos propres croyances. Personne ne peut vous donner de réponse magistrale. La preuve en est le contenu de votre post : cette dame ne vous a pas convaincue et c'est très bien ainsi... C'est vous qui avez perdu ce bébé et vous seule pouvez y mettre un sens. J'aime beaucoup la belle réponse de Gilbert qui est pleine d'espérance mais je n'ai pas perdu d'enfant. J'aime beaucoup aussi le témoignage d'Isabelle et, finalement, la non-réponse en quelque sorte du prêtre... Je sais que Victor Hugo disait qu'il communiquait avec sa fille décédée. Personnellement et entre autres décès prématurés dans mon entourage, j'ai perdu ma sœur aînée et je n'ai jamais cherché à entrer en contact avec elle dans l'Au-delà parce que je ne le sens pas et que je n'ai pas envie de la déranger... Parfois, j'ai l'impression de recevoir des signes mais étant très ancrée dans la matière, bien que croyante et pratiquante, je passe très vite à autre chose en me disant que c'est peut-être seulement un désir inconscient que je voudrais matérialiser... Je pense Luna que ce lien qui vous unit à votre enfant étant indéfectible, qu'il faut laisser votre cœur vous parler... Ce que vous recevrez, et comme vous êtes croyante je peux librement exprimer ma pensée, c'est l'Esprit Saint qui vous l'insufflera et là vous aurez des certitudes qui n'auront de réalité que pour vous. D'ailleurs vous le savez certainement : on ne peut pas parler, ou avec très peu de personnes, d'événements " surnaturels " qui nous sont arrivés car certains nous prendraient pour des fous... Faites confiance à l'Esprit Saint, il vous aidera à " comprendre " ce que vous avez à comprendre pour continuer votre route, même si Enzo - comme le disait encore Victor Hugo - est devenu " invisible " à vos yeux mais pas à votre sensibilité de maman. L'Esprit Saint saura faire vibrer les cordes que vous avez besoin d'entendre pour progresser... Ce sont ces phénomènes, uniquement adressés à vous, qui continueront à exprimer l'incarnation de votre petit Enzo...

Portrait de Danièle-Dax

Une de mes amies a perdu une de ses filles qui répondait au prénom de Sabine. Il y a plus de 40 ans maintenant. Très digne et malgré la présence de ses 3 autres enfants, on sent que le chagrin n'est jamais très loin. Comme j'ai connu cette enfant, nous en parlons ensemble de temps en temps... Il y a une quinzaine de jours, et c'est pour cette raison que j'interviens dans cette discussion difficile, elle m'a dit : "Tu sais, c'est bizarre, mais toutes les Sabine que j'ai rencontrées dans ma vie présentaient des parcours de vie extrêmement douloureux. Je sais qu'On me fait voir que ma petite Sabine aurait beaucoup souffert si elle avait vécu longtemps. Il vaut mieux pour elle que ça se soit passé comme ça et sûrement pour moi aussi..."...
Je lui ai dit que je comprenais mais je n'ai rien pu ajouter. L'essentiel, comme le dit Cricri, c'est ce que le cœur traduit...

Portrait de Jean

Les coms de Cricri et de Danièle sont tout à fait justes, à mon sens. Lorsque Cricri dit qu'elle n'a perdu d'enfant - c'est aussi mon cas - elle explique qu'elle n'a pas de réponse toute faite et heureusement. La vôtre pour qu'elle en soit une authentique, doit rester intime. Certes, vous pouvez trouver des pistes, des directions, mais c'est votre chemin à vous. Je dirais même que vous disposez de plus de la  " Connaissance " que nous qui n'avons pas expérimenté votre drame. Sans doute que nous ne l'aurions pas supporté d'ailleurs. Même le moine dont parle Isabelle ne peut pas avoir de réponse, puisqu'il n'est ni une femme, ni une mère. Il n'avait que sa Foi à transmettre. Il était démuni pour soulager. Il ne s'est pas positionné en Sauveur... Même Jésus sur la Croix n'a pas eu de réponse au pire de ses souffrances... Pourtant il a remis son esprit entre les mains de Dieu. Et on en parle toujours 2000 ans après. Certains disent qu'il est rescussité même si les disciples d'Emmaüs ne l'ont pas reconnu... Il n'avait sans doute pas la même forme ? Mais ils l'ont reconnu au partage du pain... au partage !

Portrait de luna_95

Tous ces commentaires me font du bien parce qu'ils me font comprendre que nous sommes Tous des chercheurs peut-être plus infatiguables que ce que j'avais pu l'imaginer jusqu'ici. Je vois bien que je ne suis pas la seule à traverser des drames, même s'ils ne sont différents qu'en apparence, parce qu'un drame reste un drame pour celui ou celle qui le vit et ce, quel que soit sa nature et sa forme... Effectivement, quand on vit une épreuve, on a tendance au final à se résoudre à se dire que ça aurait pu être pire (pour soi bien entendu...). En relisant vos posts très humains et particulièrement sincères, je vais quand même dans le sens de me dire que mon petit Enzo continue à " travailler " mais dans une dimension où il est sûrement plus protégé. Et puis c'est vrai que si je suis honnête avec moi-même, je sais que je n'aurais jamais eu la force suffisante pour supporter un enfant délinquant par exemple... En tant que croyante, je crois de toute façon que se dresse sur notre route ce dont nous avons besoin pour nous humaniser et ne pas juger. Chacun réagit comme il le peut sur son parcours semé d'embûches...