Je déteste mon chef de service mais c'est mon moteur

Portrait de Horia

Mon chef de service n'a guère de sympathie pour moi. 

Ce matin encore, comme j'étais en retard, j'ai eu droit à toutes les menaces imaginables ! Je le déteste mais sauf que je viens de réaliser qu'il est mon moteur ! Peut-être allez-vous penser que je ne tourne pas très rond mais après ses réflexions toutes plus lourdes les unes que les autres, je décuple d'énergie au travail et j'abats un boulot pas possible...

Est-ce que vous trouvez que je suis anormale ? Et j'aimerais savoir en plus (si c'est possible...) pourquoi je fonctionne comme ça ?

Merci et bon après-midi,

Horia

Portrait de Michèle

Bonjour Horia,

En tous cas, vous réagissez très bien. D'autant que vous étiez quand même en retard et ce n'est pas dans les fonctions de chef de service de jouer la séduction. Dans l'édition, où j'ai travaillé, nous avions une " peau de vache " comme nous l'apellions. N'empêche que ça bossait ! Il a été remplacé par une femme sympa mais qui planait à trois milles et ça devenait n'importe quoi au point que nous avons presque regretté notre ancien chef ! Ceci dit, peut-être avez-vous besoin d'une sorte de " fessée " psychique pour avancer, liée à votre histoire. Ayant remarqué il y a peu la qualité d'interprétation psychanalytique de certains foromers, des pros je suppose, je pense qu'il viendront vous donner des explications que je suis bien incapable de trouver. Si je me souviens de mes études (lointaines), il me semble que Freud parle du besoin de punition... Mais là je m'avance, ce doit être plus subtil que cela.

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Un chef de service est là pour faire en sorte que le travail avance dans de bonnes conditions. Il n'est pas là pour se faire des amis, ce n'est pas le lieu. Il a le devoir et l'obligation de poser des limites, comme un père le ferait avec ses enfants : un non pas forcément agréable mais juste et protecteur. 
Votre chef, Horia, n'est pas en séduction, et vous rappelle les règles lorsque vous les transgressez. Le fait que vous sentiez qu'il est un moteur, pour vous, est positif : une bonne identification.

Portrait de Orlan

Comme l'induit Cécile G., il'semblerait qu'inconsciemment votre chef de service prenne la place du père fantasmatique, un " père-sévère " (Persévère !)...

Portrait de Lakshmi

Je n'avais pas entendu ce " Père sévère " en " Persévère ". Du coup, vous me donnez l'occasion de réhabiliter  un prof de français de lycée particulièrement sévère mais qui, in fine, m'a appris la rigueur que je retrouve aujoour d'hui dans mes différentes lectures. Il m'a appris aussi à m'exprimer par écrit du mieux possible. Comme quoi, votre patron a effectivement de qualités dont vous vous souviendrez lorsqu'il ne sera plus là ! 

Portrait de Sofia M

Je suis tout à fait d'accord avec l'analyse linguistique d'Orlan.

Dans ce transfert avec votre chef de service, votre psychisme retrouve des attributs - fantasmés ou réels - de votre père... Ainsi existe-t-il avec votre boss un mélange paradoxal de haine et d'amour infantiles. C'est ce que la psychanalyse appelle une relation objectale qui, en outre, est constituée d'interdits, de limites, d'une part le père étant celui qui impose la différence et qui peut asséner des " non " retentissants, celui qui donne également des ordres, et qui est de surcroît le digne représentant du respect de l'interdit de l'inceste.

En fait, votre question est très intéressante Horia parce qu'elle permet de rappeler que nos aversions, nos détestations, sont systématiquement transférentielles et qu'elles peuvent masquer leurs corollaires inversés bien refoulés car beaucoup plus... affectueux ! Une histoire d'affects quoi qu'il en soit... Comme toujours...

Portrait de Lakshmi

Votre post a l'avantage d'être clair. C'est vrai que ce prof, c'était un père transférentiel. J'en prends aujourd'hui conscience !

Portrait de yamina.174

D'accord moi aussi avec l'analyse d'Orlan. Tout comme celle de Sofia. Ce qui valide leurs interprétations, c'est aussi ce terme de " moteur " qu'utilise Horia. Dans moteur et de façon linguistique, on entend : Mots et Heurts. La sévérité paternelle est ici sous-jacente et crainte par Horia qui en a gardé des traces pour avancer... 

Portrait de Ludo_437

Une discussion explicite comme je les aime !!!

J'émets une hypothèse : si Horia s'est livrée dans ce post, n'est-elle pas finalement en train de changer et ne va-t-elle pas prendre conscience sous peu qu'on peut avancer dans le travail sans la menace d'un chef de service dominateur ?

Portrait de yamina.174

Selon moi, c'est plus que probable car, comme le disait Jacques Lacan, toute question s'étaye et est véhiculée par une réponse ! Je crois d'ailleurs que les retards d'Horia sont de fait en train de se régler, déjà dans son inconscient...

Portrait de Gilbert

Si j'ai bien compris, Horia n'aura plus besoin de se mettre dans des situations de retard où le père est obligé de sévir. Puisqu'elle a identifié le transfert. Pas mal !

Portrait de Charles

J'avoue que je suis scotché par la formule du titre de Yamina. J'aime déjà - en tant que musicien - les sons, la musique des mots... Je crois que je vais être beaucoup plus attentif à leurs différents sens. Des outils de compréhension fabuleux...

Portrait de Horia

Je ne vous cacherai pas que j'ai eu du mal tout d'abord à comprendre certains commentaires puis à les digérer ! Mais, venant à peu près tous les jours sur ces forums qui sont une mine d'or pour moi, je me suis accrochée et j'ai fini par admettre le raisonnement psy : effectivement, mon père m'a donné une éducation rigide, particulièrement sévère, et enfant j'en avais une peur bleue. C'est sûr qu'il a été un moteur pour moi et les études qu'il m'a permis de faire et de suivre, ainsi que la bonne situation professionnelle que j'ai acquise, je la lui dois en grande partie...

J'ai compris une fois devenue très adulte qu'il avait souffert d'être allé très peu à l'école et qu'au fond il ne voulait surtout pas qu'il en soit de même pour ses enfants. Ce qui rejoint cette notion de haine et d'amour confusionnels auxquels vous faites allusion... D'ailleurs, pour ne pas l'inquiéter ni lui faire de peine, je fais tout mon possible pour lui cacher l'adolescence très difficile de mon fils...

Portrait de Jean

J'aime bien le positionnement d'Horia qui dit qu'il est important de s'accrocher et d'essayer de saisir, au-delà des résistances, les interprétations de nos professionnels sur ce site. J'espère pouvoir marcher sur ses traces, pour, justement,ne pas décrocher à la moindre incompréhension de ma part ! Merci Horia !