Mon conjoint décide de tout

Portrait de cricri

Depuis qu'il est à la retraite, mon mari décide de tout mais, surtout, le plus embêtant pour moi c'est que ça s'aggrave...

J'ai bien sûr compris que son métier de prof de philo doit lui manquer mais il devient de plus en plus insupportable. J'ai essayé de lui faire comprendre habilement que je n'étais pas son élève mais rien n'y fait. Je ne veux pas le blesser non plus.

Avez-vous des conseils à me donner ?

Portrait de Hugo Natoli Psychanalyste

Bonjour Cricri,

Je vais essayer de vous faire une réponse, qui sera plus spirituelle que psychanalytique, bien que vous ayez posté votre question dans psycho et coaching.

Votre mari cherche visiblement à instaurer une certaine domination depuis la retraite , chose dont vous êtes tout à fait consciente. Lorsque  nous n'avons plus rien à prouver dans l'existence, toute expérience de vie peut être appréhendée comme une leçon de plus en lacher-prise / acceptation. Courber l'échine en quelque sorte mais en toute conscience.

Une transformation profonde de plus vous est certainement offerte. Vos posts sur ces forums montrent dejà une belle acceptation qui vous permet d'aller encore plus loin...

Portrait de Gilbert

J'aime bien ce que dit Hugo Natoli. Pour avoir, je pense, assez bien négocier  le passage à la retraite, j'ai eu des périodes un peu similaires. De surcroît, nous sommes en période de rentrée et il est possible qu'inconsciemment ce soit plus difficile pour lui de ne plus avoir d'élèves à qui transmettre. Il est sûr que vous devez vous prendre un mauvais transfert. Mais comme il a été prof de philo, il ne doit pas être dupe. Le tout est de ne pas entrer dans ce jeu... Je crois que l'acceptation est la seule solution en effet. Retraite va avec vieillissement et la vieillesse n'est pas toujours facile à négocier.

Portrait de M.Christine

Je n'avais jamais imaginé à quel point le passage à la retraite pouvait être déboussolant avant de le vivre . Et je le remarque aussi pour des personnes autour de moi . Les premiers temps, c'est un repos apprécié, mais cela peut devenir une sensation de vide, surtout pour ceux qui se sont beaucoup investis dans leur métier .

Nos traits de caractère, de nos humeurs, nos défauts, trouvent un exutoire au travail . Quand le travail disparaît, on se retrouve face à soi-même et plus souvent avec sa famille . Alors, tout ce qu'on avait transféré dans le travail se trouve redirigé vers les proches .

Personnellement, je me suis lancée dans une occupation qui me convient, mais cela ne s'est pas fait du jour au lendemain . J'en parlais récemment avec une amie retraitée, nous étions d'accord sur ce fait troublant : quand on travaille dur, on rêve de la retraite comme d'une grande libération . On se réjouit de penser qu'on pourra enfin faire tout ce qu'on aime . Et quand la retraite arrive, on n'a plus envie de rien !!! De plus, il y a une sorte de destructuration du temps . On vivait au rythme des horaires imposés, mais on les acceptait de bonne grâce parce qu'on se sentait utile à la société . Là, on n'a plus d'horaires, on doit réorganiser soi-même son temps, et pour cela il faut une sacrée auto-discipline, surtout quand on n'a pas d'impératif particulier . Et retrouver une utilité, une raison d'être à sa vie sur terre . Mais cette période de flottement n'est qu'un cap à passer, et j'espère qu'il n'est pas obligatoire pour tout le monde, ni pour votre mari, cricri .

En conclusion, il lui faut trouver une nouvelle occupation qui le motive et lui plaise . Personnellement, ancienne enseignante, je ne veux plus entendre parler de leçons ni d'apprentissages . J'ai trouvé une activité qui a à voir avec mes premières amours, mes premiers jeux d'enfance, ça ne trompe pas (même si je jouais beaucoup à la maîtresse aussi !) . Il est toujours bon de revisiter son enfance et voir ce qui nous passionnait à l'époque . C'est un signe !

J'ai répondu comme j'ai pu, cricri, et je vous souhaite ainsi qu'à votre mari, de trouver  une issue à cette petite "crise d'orientation" .

Portrait de Isabelle

Bien que je ne sois pas encore à cette étape de vie, je pense que c'est sans doute un cap à passer qui doit être particulier. Au sujet de la retraite, je me souviens de ce que mon père a dit le jour officiel de la sienne : "maintenant je suis vieux"... J'ai senti dans cette phrase une vraie souffrance, en ce sens, qu'il disait qu'à partir de ce jour là il n'était plus qu'un vieux monsieur sans raison d'être... Son métier faisait qu'il se sentait vivant alors... Travailler est un moteur qui nous pousse, chacun avec ce qu'il est, à nous "dépasser"... Et je suis d'accord avec ce que dit M. Christine, qu'il est certainement nécessaire pour son propre équilibre, de sans doute "revisiter" ce pour quoi nous sommes fait alors, autrement qu'avec un statut de travailleur pour gagner sa vie... Une autre structuration qui restera en lien avec ce "gagner sa vie" différemment, dans le sens d'évolution, de partage, allant vers une transmission autre... Comme le font d'ailleurs certains foromers ici par exemple... Ce que je viens de dire, j'en ai bien conscience, n'est en rien une réponse... Juste une réflexion...

Portrait de Gilbert

L'ex-enseignant que je suis se retrouve tout à fait dans ce que vous développez, M.Christine. Sutout fuir l'oisiveté et trouver une activité qui nous motive tout en s'imposant soi-même (et c'est le plus difficile) une discipline. Moi, j'ai trouvé le bénévolat (une à 2 fois par semaine) mais pas que ! Et mes journées sont bien remplies et évolutives. Et puis, il y a ce forum auquel je participe chaque jour depuis un an qui me met en contact avec des gens fabuleux, humainement et spirituellement. Et là je crois que j'ai réussi la bonne re-connexion... Je suis sûr que votre mari va trouver la sienne. Et puis avec une femme comme vous, cricri, il a intérêt (rires !).

Portrait de Jean

J'aime bien cette notion de transmission dont parle Isabelle. Je pense que vous avez tout compris, Cricri, et que votre mari a perdu ses repères et en souffre. Votre désir de ne pas le blesser est essentiel et vous honore. Toutefois, c'est à lui seul de passer ce cap et de déclencher une nouvelle créativité sans l'étayage que lui conférait sa fonction. Le tout étant de rester soi sans alimenter le conflit... Je n'ai pas moi non plus de réponse pratique et de conseils à vous donner si ce n'est que - comme vous être croyante - je pense que l'Esprit Saint va vous souffler les bonnes réponses, qui passeront peut-être par un foromer inspiré !

Portrait de Sofia M

Vous dites qu'il décide de tout mais sans donner d'exemples précis.

S'il persiste dans sa domination, une règle psy peut lui faire prendre conscience de ses débordements : c'est celle du respect de l'intériorité et de l'extériorité. Ainsi, que votre mari décide de quelles fleurs il va mettre dans le jardin, de ce qu'il doit y arracher (ou sur le balcon si vous n'avez pas de jardin), du jour le mieux adapté pour lui pour aller faire son sport (s'il en pratique un), à quel artisan il va confier la réparation de la tondeuse, chez quel garagiste il va faire vidanger sa voiture, de remplir la feuille d'impôts, etc, là c'est normal : il reste à sa place car l'homme doit s'occuper de l'extériorité étant dans l'inconscient collectif  le " chasseur ". L'appareil sexuel masculin est d'ailleurs extériorisé. En revanche, tout ce qui touche à l'intérieur de la maison, c'est à vous d'en avoir l'initiative première, quitte à en discuter ensuite avec votre conjoint mais là le piège est grand qu'il s'empare à nouveau progressivement de l'intérieur aussi ! Notons - si besoin était !!! - que les attributs sexuels féminins sont intériorisés... Je veux donc dire par-là que quand votre mari outrepasse son territoire, rappelez-lui précisément l'ensemble de ces frontières qu'il connaît de toute façon en leur principe en tant que prof de philo...

Il'est bien entendu que ce que je viens d'énoncer est le processus de base. Aujourd'hui, le plus souvent les femmes travaillent et la complémentarité du couple peut fonctionner avec un mari qui pourra étendre le linge et la femme aller acheter le journal ou passer prendre la commande de peinture... Il y a également les mamans et les papas célibataires qui font de leur mieux mais, même dans ces cas particuliers, la dominante du genre doit être apparente dans les comportements quotidiens...

Portrait de clémentine-78

Vous venez de me faire comprendre quelque chose Sofia M. Ça peut paraître une anecdote mais c'est une histoire qui me choquait quand j'étais enfant...

J'avais ma meilleure copine dont le père était médecin. La maman ne travaillait pas. C'est lui, le père, qui allait acheter les habits de sa fille sans sa femme et sans sa fille et qui les ramenait à la maison ! Un jour, j'en ai parlé à ma mère qui m'a dit que j'étais jalouse car mes parents n'avaient pas les moyens de m'offrir d'aussi beaux vêtements. Ça m'a vexée quand elle m'a fait cette remontrance car, au fond de moi, je savais que ce n'était pas de la jalousie de ma part. Mes parents faisaient ce qu'ils pouvaient et c'était très bien comme ça... En fait, je viens de saisir que cette situation était anormale. Je trouvais même que cette relation père-fille avait quelque chose de malsain de la part de son père. Le destin de cette copine a été tragique : elle est décédée à 15 ans dans un accident de voiture... Et c'est sa mère qui conduisait... Peut-être les psys verront-ils dans cette histoire une inversion du schéma structural parental ? Je crois me souvenir (j'ai fait des études - restées inachevées - en Psycho) que c'est l'expression consacrée mais je dis peut-être une bêtise...

Portrait de yamina.174

Vous avez tout à fait raison Clémentine : on parle de rôle maternel et de fonction paternelle. Cette différence est essentielle, bien qu'elle s'inscrive également dans un lien de complémentarité. L'un ne va pas sans l'autre...

En ce qui concerne votre copine décédée tragiquement et à la lecture de vos données, sans faire d'analyse sauvage on peut dire effectivement que sa mère et son père n'étaient a priori pas inscrits dans le respect des genres mais, pour qu'il y ait un drame de cette ampleur, d'autres facteurs négatifs pluriels inconscients doivent malheureusement intervenir, ne serait-ce que dans le transgénérationnel... 

Portrait de Cécile

Cette distinction entre l'intérieur et l'extérieur est pleine d'enseignement. Il est donc très important, en couple ou pas, que chaque sujet respecte la dominante de son genre... Et c'est valable pour moi, même si je vis seule. A retenir ! Merci Sofia.

Portrait de Gilbert

Ces précisions m'ont permis de bien cerner cette notion de complémentarité dans les respect du rôle de la mère et de la fonction du père, soit intériorité et extériorité. D'où la difficulté des parents obligés - selon leur chemin de vie - d'élever seul leur enfant. L'exemple de clémentine-78 à propos de l'inversion du schéma parental parle à lui tout seul. Quant à Sofia, elle vient vous donner, en s'appuyant sur une règle psy, des conseils très intéressants applicables au quotidien  avec votre mari. Effectivement, sa culture philosophique fera, à mon sens, le reste...

Portrait de cricri

En utilisant les notions d'intériorité - la femme - et d'extériorité - l'homme -, je pense qu'il pourra comprendre que j'ai besoin d'exister dans le respect de mes spécificités. Mon mari est très intelligent et, si je m'adresse à lui en souplesse, j'arrive à lui faire passer des messages légitimes... Je suis donc confiante !

Merci de vos précieux conseils.

Cricri