Il y a quelques jours j'ai entendu un véritable " sermon " d'un soi-disant guide religieux. J'ai été effarée par toutes les critiques -avec textes religieux à l'appui - qu'il proférait contre certaines disciplines, y compris la psychanalyse et ses maîtres tels que Freud et Jung. Outre le côté caricatural du personnage jusque dans ses invectives, je trouve que l'on est - à mon sens - à l'opposé d'une authentique spiritualité telle que la véhicule - entre autres - Mâ Ananda Moyî, que certains foromers connaissent bien. En écoutant ce monsieur, je me dis qu'heureusement que l'inquisition n'existe plus, sinon il y aurait de grands bûchers élevés dans lesquels brûleraient beaucoup de gens.
Ma question est donc la suivante : faites-vous une différence vous aussi entre religiosité (à la limite du dangereux) et spiritualité authentique ? J'aimerais bien avoir votre avis sur ce sujet. Si oui, comment discernez-vous cette différence ?
M.Christine
tous humains
La question est complexe car on peut aussi trouver des personnes sincères et authentiques dans les religions, et des personnes à fort ego spirituel en dehors des religions .
Le problème des religions, c'est qu'elles ont des dogmes souvent rigides, et il y a des personnes, pensant bien faire, qui s'y accrochent et deviennent intolérantes . Elles ont basé tout leur édifice moral sur ces dogmes, mais parfois la réalité de la vie, les phénomènes de société leur posent des cas de conscience, des conflits intérieurs : obéïr à ma morale ou écouter mon coeur ?
D'autres préfèrent vivre et développer leur spiritualité en dehors de toute religion . Ils sont libres de règles et peuvent jouir de leur relation intime avec Dieu sans intermédiaire . Mais ne nous leurrons pas, il y a aussi beaucoup de pièges dans les nombreux "maîtres" qui foisonnent actuellement et qui peuvent influencer les personnes en leur faisant miroiter un nirvana bien "mérité" . Il n'y pas de punition divine, il n'y pas d'enfer mais il peut y avoir quand même orientation, voire manipulation, si on n'y prend pas garde .
Ma conclusion est que l'être humain reste un humain, avec ses forces et ses faiblesses, ses qualités et ses défauts, ses vraies croyances et ses fausses croyances, quel que soit le type de spiritualité qu'il choisisse .
Jean
Une relation intime !
Je crois que la relation à Dieu est de l'ordre de l'intime dans la mesure où elle est unique pour chacun. Je distingue la religiosité de la spiritualité dans ce discernement propre à chacun. Le dogme me paraît une sorte de cadre, de rail, mais il ne doit pas être prosélyte. Il devient dangereux quand il devient intolérant et voit le diable hors de la doctrine qu'il proclame. " En dehors de l'Eglise point de salut " était l'affirmation par le passé. Cette injonction a été à l'origine de bien des exactions. Je pense aux peuples colonisés d'Amérique, par exemple. Lorsque la religion se confond avec la politique, la religiosité fait immanquablement des dégâts. Ainsi, la séparation de l'Eglise et de l'Etat est une avancée considérable à mon sens. Le problème c'est que la laïcité (avec son aspect pervers : le laïcisme), est parfois devenue aussi une sorte de religion prônant l'athéisme. Complexe tout cela car le retour du religieux a aussi ses dérives. L'actualité de ces derniers mois en est la preuve. Encore une fois, lorsque la religion s'instaure comme détenant La Vérité, elle devient religiosité dangereuse... et folle.
Isabelle
L'essence de la vie...
Depuis les débuts de l'Humanité, l'Homme a toujours eu cette nécessité, de se "sentir" guidé, protégé... Il y en a tant de "traces" parlantes, au fil de toutes civilisations... Les religions en attestent bien entendu... Mais elles sont à mon sens, éminemment protectrices tant qu'elles sont respectueuses de LA VIE en tout premier lieu. La religiosité est une transformation dangereuse, puisqu'elle induit incontournablement une intolérance, donc un intégrisme, quelle que soit la religion d'ailleurs... La spiritualité, pour ma compréhension, est à l'inverse de la religiosité... Elle témoigne de l'accueil, de l'ouverture qu'un individu souhaite avec sincérité (malgré toutes ses errances...) développer au fil de sa vie... pour grandir et avancer en sagesse. La spiritualité est le témoignage, de ce que l'être humain est sur le chemin d'un accord intérieur et extérieur, autrement dit, une prise en compte essentielle tant de l'inconscient individuel que collectif... L'un ne pouvant fonctionner sans l'autre, et ce quel que soit le nom que l'on accorde à Plus Grand indéniablement...
Gilbert
La voie vers la sagesse
Entièrement en accord avec Isabelle. Elle emploie fort justement, à mon sens, le mot " sagesse ". Or les religions qui ont développé une religiosité discutables n'ont pas toujours fait montre de cette sagesse. Les " croisades " et autres " jihad " mal compris ont projeté à l'extérieur leurs propres dragons intérieurs. La spiritualité vivante ne peut faire l'impasse d'un travail introspectif qui peut nous transformer de l'intérieur pour laisser jaillir en nous la source de vie divine...
Cécile
La joie !
Je crois que la spiritualité engendre une joie contagieuse. La religiosité, si je m'en réfère à certaines grenouilles de bénitier que j'ai connues (excusez l'expression) engendre le jugement, la condamnation ou un côté béni-oui-oui sans enthousiasme... Voilà mon rapide point de vue avant de retourner au travail... avec plaisir ! Bonne après-midi à tous !-)
Lakshmi
Plus d'humanité !
Merci pour vos réponses, elles m'ont fait du bien. C'est lorsque la religion s'éloigne de l'humanité qu'elle oublie la spiritualité. Ce qui n'est pas le cas sur ces forums et j'en suis heureuse. Passez une excellente journée !
Lakshmi
Charles
Une différence essentielle
J'ai longtemps fait la confusion. Il y avait pour moi l'idée que la religion condamnait à l'enfer ou récompensait par le paradis en fonction d'un comportement bien défini. Dieu d'un côté, le diable de l'autre avec ses flammes. Je saisis avec vos coms que ce n'est pas si simpliste que cela. Et heureusement parce que ça me faisait un peu peur.... Le fanatisme m'a toujours effrayé, qu'il soit politique ou religieux. C'est peut-être pour cela que je me suis un peu réfugié dans la musique... Elle est au moins sans frontière, elle !
Merci à tous
Gilbert
Les raisons du succès du Bouddhisme en Occident !
Je pense que c'est à cause de certaines dérives d'une religion dogmatique que les gens ont déserté les Eglises. Paradoxalement, le Bouddhisme tend à réconcilier l'Homme avec une spiritualité sans véritable dogme. Le Dalaï Lama ne fait pas vraiment de prosélytisme et encourage chacun à approfondir sa propre tradition à la lumière de l'enseignement du Bouddha. Une troisième voie peut-être ? En tous cas, je suis persuadé que Bouddhisme et Christianisme ne sont pas incompatibles, pas plus qu'avec L'Islam et le Judaïsme d'ailleurs, à mon sens... En se gardant bien sûr de tout syncrétisme (confusion), l'Humanité a besoin de ponts ! Le Bouddhisme, qui est aussi une philosophie du quotidien, en est un à mon avis.
Isabelle
Cultures orientalistes
Mes connaissances par rapport au Bouddhisme sont très superficielles, cependant je suis assez d'accord avec ce que dit Gilbert... Il me semble que si l'être humain se tourne plus largement aujourd'hui vers les philosophies et/ou religions orientalistes, symbolisant en particulier "la voie du milieu", c'est aussi parce que l'être humain recherche cet équilibre spirituel "vital" développant la tolérance à l'image d'un Gandhi, qui peut aussi permettre des liens avec le Christ et donc tout autant notre culture judéo-chrétienne... Pour avoir lu un peu C.G. Jung, il me semble, que ce sont des "schémas humains" qu'il a approfondis et largement expliqués...
Gilbert. R. Psy...
Homo religiosus
Vous avez raison, Isabelle. Carl Gustav Jung s'est beaucoup intéressé à cette question. Pour lui, il existe un homo réligiosus de la même manière que l'homo sapiens. L'homo réligiosus, il le définit ainsi :
La religion est ainsi que l’exprime le mot latin religere, une prise de conscience attentive une observation consciencieuse d’une puissance qui domine l’homme indépendamment de sa volonté et qui agit en nous et que l’homo sapiens a toujours projeté en des dieux, des démons, quels que soient les noms qu’il leur a donnés. Puissances qu’il a éprouvées assez dangereuses ou assez bienveillantes pour en tenir compte, pour les aimer et les adorer lorsqu’elles donnent un sens à sa vie."
Un livre intéressant sur le sujet : " Psychologie et religion ". Dans cet ouvrage, Jung ne tente pas de convaincre qui que ce soit. Il part de rêves de certains de ses patients et découvre une dimension ontologique, spirituelle. Au-delà des religions, il montre que l'inconscient a besoin de se connecter aux archétypes et leur donner sens. Selon lui, il en va de sa santé profonde...
Isabelle
Carl-Gustav Jung
C'est ce qui permet aussi à l'Homme en tant qu'individu de "faire avec", "accepter sa part d'ombre", sinon tout être humain serait définitivement "voué" à la folie... Ce qu'explique aussi parfaitement bien, C.G. Jung, y compris et avant tout, pour l'avoir "expérimenté" lui-même... Explicité de sa part dans l'ouvrage autobiographique "Ma vie" si je me souviens bien...
Lakshmi
Un livre autobiographique à lire !
Je ne suis pas une spécialiste de la psy mais j'ai lu cette autobiographie très intéressante. Jung explique qu'il est issu d'une tradition protestante. Son père possède une foi plus conventionnelle que profonde. Il bat en brêche, quant à lui, la religiosité et expérimente à l'aide d'une autoanalyse solitaire une véritable spiritualité. Il forgera ensuite le concept d'individuation qui consiste réharmoniser en soi les couples d'opposés. Il parle d'ailleurs du Soi, qu'il différencie du moi, enfin je crois !
Valérie
Coïncidence ?
Une amie de longue date, m'a offert ce livre "Ma vie" de Carl Gustav Jung, il y a quelques jours seulement ! En vous lisant, je viens de réaliser, qu'il est temps que j'ouvre cet ouvrage ! Me connaissant bien, mon amie, je le sais, n'a sûrement pas choisi ce livre par hasard... Ce que vos posts me confirment, pour ce que j'en ai saisi ici... Je passe par les forums, pour me donner l'envie !
Lila
Inconscients connectés ?
Je sens qu'il est temps pour moi aussi d'ouvrir ce livre qui est posé sur ma table de chevet depuis environ 2 ans, mais bien qu'étant une grande amatrice de lecture, pas moyen d'arriver à dépasser la première page, je ne sais pas (encore ?) trop pourquoi. Et aujourd'hui, (un bonne levée de résistance peut-être, euh sûrement!), j'ai ouvert ce livre « au hasard » , c'est à dire sans commencer par le début (comme on doit faire à l'école !) et j'ai été attirée par la phrase : « Lorsqu'il y va du vécu intérieur, lorsque pointe ce qu'il y a de plus personnel dans un être, la plupart sont saisis de panique et beaucoup s'enfuient. » Cela m'a bien parlé. Ce « plus personnel » m'a fait penser à notre part d'ombre, notre « grain de folie » personnel, notre « enfant intérieur », celui qui cherche toujours à se relier aux plus grands aussi, aux « archétypes », à l'inconscient collectif ? et qu'il faut à un moment ou à un autre trouver le courage d'écouter .Cela m'a enfin décidée à me plonger activement dans ce livre. Vos commentaires m'ont bien guidée aussi et m'on vraiment donné envie de le lire.
Cécile
La photo de couverture
J'ai aussi ce livre que je n'ai pas lu en entier... Je l'ai plutôt survolé (rires !). J'ai une édition avec sa photo sur la couverture. Je trouve que cet homme dégage une certaine sagesse et il me rassure... Et vous me donnez envie de m' y replonger !!!
Gilbert. R. Psy...
Pour se mettre en appétit !
Au cas où vous ne l'auriez pas déjà vue, je vous donne le lien de la dernière interview de Carl Gustav Jung par un journaliste de la BBC. Pour se mettre en appétit de lecture... Peut-être ?
https://www.youtube.com/watch?v=HIZj6hgnaAA
Jean
Un homme qui a cherché à relier !
J'ai lu aussi ce bouquin. Il est véritablement passionnant. Cet éminent chercheur a tissé des liens entre le protestantisme, le catholiscisme, le yoga. Il a beaucoup voyagé pour expérimenté par lui-même. Il a voyagé à l'extérieur, découvrant de multiples cultures, mais surtout dans son intériorité. S'il y a des hommes qui se sont abstenu de juger mais ont " analysé ", je pense qu'il en est un digne représentant. Ce n'est pas pour rien qu'il a été le disciple préféré de Sigmund Freud...