Transmettre la psychanalyse à des non-initiés ?

Portrait de Gilbert

J'ai eu une discussion avec mes amis psys. Il était question de la transmission de la psychanalyse. Ils me disent que la psychanalyse doit-être accessible sans qu'elle soit trahie. L'exercice semble très difficile mais pourtant je suis d'accord avec cette démarche. J'ai lu, par exemple, des blogs tenus pas des psychanalystes, qui m'ont profondément ennuyé. J'avais l'impression - moi non psy - que je ne pouvais rien en faire. J'ai découvert, avec Signes et sens, des articles que j'ai pu comprendre et m'approprier. J'en ai parlé à certains  " puristes " plutôt intellos et universitaires qui ont eu une perception assez dédaigneuse de la chose, trouvant que c'était trop simplist . Certes - et cela a été évoqué - Françoise Dolto est allée peut-être un peu loin mais elle a eu le mérite d'essayer. Quel est votre avis sur ce sujet, psys ou pas psys (surtout pas psy d'ailleurs !) ?

Portrait de Luce Psy

Je réponds bien que je sois psychanalyste!

Je ne comprends pas très bien votre question.

Soit on désire faire de la psychanalyse sa profession et il existe alors des connaissances incontournables à acquérir indépendamment d'une psychanalyse personnelle, soit les écrits reprenant la théorie freudienne n'ont pas pour vocation de séduire qui que ce soit. On ne vient pas à la psychanalyse par hasard... De toutes les manières, sans l'accompagnement d'un didacticien, il est impossible de comprendre les fondements psychanalytiques.

Portrait de Gilbert

Vous avez raison, Luce Psy, mon interrogation n'est pas très claire. Il est évident que la psychanalyse nécessite de très longues études et qu'elle n'a pas pour vocation de séduire. Je m'interrogeais seulement sur le côté hermétique de certains écrits qui peut faire croire qu'elle est réservée à une élite intellectuelle. En tous cas, merci de m'avoir répondu. Et pardonnez ma maladresse de néophyte.

Portrait de nanou-69

C'est surtout en prenant connaissance de témoignages positifs en ce qui concerne la psychanalyse que j'ai décidé de contacter une spécialiste. Et je ne le regrette pas. Comme dit Luce Psy, on ne consulte pas par hasard. Je n'ai pas l'intention de devenir psychanalyste mais des articles abordables sur le sujet m'ont quand même (je pense) aider à oser la démarche.

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Je suis psychanalyste aussi et j'ai envie de vous répondre que ce métier demande de longues études approfondies guidées effectivement par des didactitiens. La lecture d'articles spécialisés et d'ouvrages des maîtres est certes nécessaire mais non suffisante. Comme le dit Nanou, la psychanalyse relève d'une expérience et il en est de même de la didactique. Cependant, il est vrai que pour le néophyte, certaines parutions peuvent paraître hermétiques alors que certains auteurs tentent de rendre certains concepts analytiques accessibles. Mais pour pouvoir simplifier, il est important de partir d'une complexité (le complexe justement)  et d'avoir beaucoup travaillé en amont.

Portrait de Claire M.Psychanalyste

Je me permets également de vous répondre en tant que psychanalyste parce que votre interrogation m’interpelle. Je pense qu'il faut en effet faire la différence entre s'interesser à la psychanalyse par "pure curiosité" (?) et lire des articles à ce propos, souhaiter faire soi-même une analyse ou pratiquer cette profession, même si parfois, tout est lié. La transmission n'aura pas alors le même sens.

D’une part, je pense que la psychanalyse a eu besoin d’être vulgarisée à une certaine époque et il est vrai que Françoise Dolto a sans doute grâce à sa médiatisation beaucoup contribué à la diffusion de certaines idées auprès du grand public, notamment celles en lien avec l’éducation des enfants même si la vulgarisation de grandes idées présente toujours le risque de les trahir .

Je pense aussi qu’on ne peut être initié à cette discipline véritablement par des lectures seules quelles qu’elles soient, c’est à dire intellectuelles ou pas (la notion "d’intellectuel"  reste subjective à mon sens, et peut varier d'un individu à l'autre). Les lectures de grands psychanalystes sont certes une condition "sine qua non" pour accéder à une « compréhension  profonde » de la psychanalyse. Mais parfois, les résistances les plus importantes peuvent se manifester face à des idées toutes simples, du style : «  l’inconscient de toute personne n’est guère plus mûr que celui d’un enfant de 5 ans. » Ca n’est pas forcément très intellectuel comme idée, mais comprendre et surtout accepter cette idée pour  soi n’est pas forcément si simple…

Sans cette acceptation, et sans l’acceptation d’une certaine forme de mystère que représente l’inconscient, le sien et  celui des autres, la psychanalyse, discipline quelque peu ésotérique, ne peut réellement être comprise. Et cette acceptation ne peut passer à mon avis que par l’expérience sur soi-même, c'est-à-dire en passant par sa propre psychanalyse, dans cette sorte de « laboratoire expérimental» que représente le cadre de la cure analytique.

Quant à la transmission de la psychanalyse pour celui que se destine à en faire sa profession, elle doit à mon sens prendre en compte l’état de cet inconscient immature , y compris au sein d'un groupe, représentant symbolique de la famille, dans lequel se rejouent les transferts vécus dans l’enfance. Ce groupe, que l'on retrouve dans les différents lieux de formation de psychanalystes,  dans lequel le didacticien aura valeur de substitut symbolique du nom du père, veillant au respect de l’ordre et de la loi, notamment lors des multiples tentatives de transgression que tout inconscient aura tendance à rechercher : régression, domination, réduction, etc. Cette parole du didacticien « faisant acte » de transmission, c'est à dire qu'il ne suffit pas de parler et d'expliquer la distance, les limites et la castration dans l'abstraction mais encore faut-aussi les poser symboliquement à l'inconscient du futur analyste, afin que celui-ci puisse ensuite s'individuer en tant que tel, c'est-à-dire à la fois se reconnaître et s'inscrire dans sa « filiation psychanalytique » tout en s'autorisant à exprimer sa différence par rapport à celle -ci dans sa pratique, différence qui sera la seule garante de sa créativité en tant que psychanalyste.

Et il me semble que cette transmission-là ne peut s'expérimenter à la seule lecture d'un livre ou un article, qu'il soit simple ou complexe, mais peut-être que d'autres psychanalystes sont d'un autre avis.

J'espère vous avoir apporté des informations accessibles et ne pas vous avoir trop ennuyé malgré tout !

Portrait de Gilbert

Tout ce que vous avez dit est tout à fait compréhensible et vous ne m'avez pas du tout ennuyé, bien au contraire. Je vous ai lu avec beaucoup de plaisir et vous avez surtout éclairé ma lanterne. Merci.

Portrait de Jean

Vous parlez de non-initiés, Gilbert. Or, à mon sens, le terme d'intitié, renvoyant à initiation n'est pas anodin. J'ai fait un travail sur moi en spiritualité et j'ai pu m'entretenir avec des psychanalystes qui s'intéressaient à cette quête. Ils m'ont rappelé que la psychanalyse s'inscrivait dans les grandes traditions orales. C'est pour cela, disent-ils, qu'il est impossible de la transmettre sur les bancs d'une fac.  Le rôle du didactitien est essentiel dans la mesure où le tranfert est non seulement  étudié mais vécu. Ce qui peut s'apparenter à une sorte d'initiation dans le sens presque spirituel du terme. Il me semble que les psychanalystes peuvent et " doivent " (selon Dolto) publier mais aucun écrit ne pourra remplacer l'expérience sur soi du mode opératoire de la psychanalyse.

Portrait de Gilbert

Merci Jean, pour votre réponse. Je ne suis pas psy mais il me semble aussi que la psychanalyse rejoint la spiritualité quant à un travail authentique sur soi...