Je suis psychothérapeute intégrative, catholique de confession, croyante et pratiquante.
Je suis professionnellement depuis un mois une patiente qui m'a été adressée par son médecin généraliste.
Cette femme a une destinée difficile, marquée entre autres par le décès de sa fille dans un accident de voiture. C'est cette maman qui conduisait. Elle a raté un virage qu'elle a pris trop rapidement.
Cette patiente, croyante mais avec une foi du charbonnier, me surprend: elle ne montre pas de culpabilité apparente et c'est ce qui inquiète son médecin, d'autant qu'elle prétend que cet accident est la volonté de Dieu. Tout comme lui, je redoute qu'elle soit borderline et, professionnellement, je suis plutôt axée sur un affect de mauvaise mère qui aurait engendré le mauvais contrôle d'elle-même.
Je ne sens pas trop cette notion de responsabilité entière attribuée au Seigneur mais peut-être adhérez-vous vous aussi à cette hypothèse qui peut malheureusement nous faire prendre aussi le risque facile d'une "auto-déresponsabilisation" dans chaque acte discutable que nous posons?
En ce qui concerne cette patiente, j'aimerais qu'elle arrive à voir sa part de responsabilité dans son erreur de conduite mais, visiblement, elle n'est pas prête pour l'instant... En même temps, ai-je le droit d'aller à l'encontre de sa croyance? J'avoue que ce problème m'est bien complexe car je ne veux surtout pas être dans le jugement...
Régis
Epineux
Bonjour Psycot,
Le cas de votre patiente est bien épineux et je n'ai aucune prétention thérapeutique qui pourrait vous éclairer par rapport à votre profession. Je ne peux que réagir en tant que croyant essayant d'avancer sur le chemin. Il est possible que cette patiente, adressée à vous par son médecin, tente d'anesthésier sa culpabilité avec la foi du charbonnier. D'un autre côté - et dans l'Absolu - elle n'a pas tort si on adhère au fait que tout est écrit. Pourrait-elle supporter psychologiquement le poids de son entière culpabilité ? Certes, le Chrétien adhère au fait que le Christ a pris sur Lui tous nos péchés. Mais cela ne nous dédouane en aucune manière de notre responsabilité car nous devons au préalable assumer notre statut de pécheur et demander sincèrement pardon. Peut-être est-ce là que réside la difficulté ? Mais ce n'est qu'une hypothèse de non spécialiste ?
Allain
Affect de mauvaise mère
Affect de mauvaise mère sûrement mais dénier sa responsabilité dans une problématique aussi grave est inquiétant. Je comprends le médecin et vous-même...
Je suis psychanalyste chrétien et, selon ma foi, Dieu nous met en situation mais comme l'implicite Régis, le Seigneur attend de nous des réactions liées aux grandes valeurs humaines, comme effectivement le pardon, histoire juste de "s'amender"...
Bon courage Chère consœur...
Sofia M
Votre question témoigne de votre angoisse professionnelle
La question que vous soulevez est particulièrement difficile dans la mesure où tout dépend de la façon de l'aborder.
Vue sous l'angle psy, cette patiente relève à mon avis d'une prise en charge davantage psychiatrique que psychothérapeutique et il est surprenant que le médecin vous l'ait adressée...
Vue sous l'angle spirituel, la foi du charbonnier est une foi qui repose sur une acceptation totale du chemin de vie dont les obstacles sont nécessaires et, donc, le fait de Dieu. Mais, ce qui me gêne en tant que terrienne ancrée dans la matière - et même si je suis croyante - dans ce que vous relatez, c'est l'absence totale de culpabilité et de remise en question de cette dame...
Je me demande si votre post ne traduit pas inconsciemment votre souhait de la confier à un psy médical ?
Réponse Psy
Je ne prendrais pas ce risque...
Je suis entièrement d'accord avec l'interrogation que soulève Sofia M.
En ce qui me concerne, je pense qu'il serait plus raisonnable que vous adressiez cette patiente soit à un psychiatre, soit à un psychanalyste de formation médicale si cette approche vous semble plus " souple ", car elle est en train de s'enfoncer dans un déni total de la réalité, ce qui signifie que son inconscient a régressé de manière très importante sous l'effet de sa responsabilité dans cet accident dramatique.
En ce qui me concerne, je ne pense pas qu'une psychothérapie, même intégrative, permette un travail psychologique suffisant puisque la méthode ne prend en compte essentiellement que le moi et l'inconscient, dans un contexte aussi sérieux, peut tout à fait continuer à activer les pulsions de mort... Il existe véritablement un risque dans ce type de prise en charge quand Thanatos s'est emparée des commandes psychiques. Ce risque concerne votre responsabilité de thérapeute dans la mesure où vous êtes consultée pour protéger cette patiente d'elle-même.
Allain
Vous avez le mérite, le
Vous avez le mérite, le courage, la lucidité et la réactivité appropriés au questionnement de notre amie Psycot qui a senti toutefois le danger... C'est bien de lui avoir souligné.
Luce Psy
Une grande prudence professionnelle s'impose
Je n'ai pas osé intervenir dans ce sens. Je le regrette mais cette prise en charge psychothérapeutique me semble tout à fait risquée, tels que les faits nous sont rapportés.
Psycot
Vous avez réveillé le sens de ma question
Quelque chose me travaille depuis le début de cette prise en charge.
Je vais appeler son médecin pour qu'il adresse cette patiente à un psychiatre.
Pour ne pas la choquer, je vais réfléchir à la façon de lui présenter cette décision. J'ai un peu de temps car je la revoie vendredi prochain.
Merci d'avoir fait apparaître la raison de mon malaise.
Psycot.
Orlan
" Les voies du Seigneur sont impénétrables "
Je n'ai pas les moyens " psys " pour répondre à votre question mais, indépendamment des conseils de pros qui vous ont été donnés, j'ai envie d'intervenir quant à cet aspect divin.
Dans l'Ancien testament et dans " Exode ", il est écrit : " Celui qui frappera un homme mortellement sera puni de mort. S'il ne lui a point dressé d'embûches, et que Dieu l'ait fait tomber sous sa main, je t'établirai un lieu où il pourra se réfugier. Mais si quelqu'un agit méchamment contre son prochain, en employant la ruse pour le tuer, tu l'arracheras même de mon autel, pour le faire mourir. "...
On peut alors comprendre la foi de cette maman qui considère que n'ayant pas voulu faire de mal à sa fille, il s'agit bien dans ce drame terrestre de la volonté de Dieu pour des raisons qu'elle ignore... Il n'y a donc pas fatalement une psychose qui se développerait en elle.
yamina.174
Cette discussion est dans la catégorie " Psycho "
La différence à établir me semble-t-il se situe dans le fait que Psycot l'ait lancée dans " Psycho " et qu'elle l'ait conduite sous le registre professionnel...
Il est bien évident que, pour le croyant, Dieu est dans Tout mais ce raisonnement demande un travail réflexif extrêmement poussé, qui exige un équilibre pulsionnel majeur. Lorsque ce n'est pas le cas, on peut assister à l'émergence de la folie, comme - malheureusement - on le constate dans le monde entier actuellement...
Dans le cas de la patiente de Psycot, que cette consultante soit croyante ne doit pas aveugler la thérapeute. La foi est un élement qui peut être pris en compte à certains moments de la thérapie mais qui ne doit, en aucun cas, être le fil conducteur. Ce que sait très bien l'inconscient de la consultante qui cherche à égarer Psycot. Il y a donc bien un état régressif avéré chez la patiente, état qui doit demander impérativement une prise en charge médicale.
Allain
En Psychanalyse chrétienne,
En Psychanalyse chrétienne, le thérapeute doit se montrer extrêmement vigilant, ce qui va dans l'esprit de ce qu'évoque Yamina car, dans ce type de prise en charge via le transfert, un grand nombre d'analysants présentent la particularité de faire endosser à Dieu leurs méfaits. Il faut par conséquent et à chaque séance faire preuve d'une écoute très aiguisée pour ne pas passer à côté d'un profil borderline ou psychotique.
Jean-Marc
Un apport intéressant
Intéressant la nuance qu'apporte Orlan. Je n'ai pas de compétences psy non plus mais cette citation biblique m'interpelle. Il est évident que cette maman ne voulait pas de ce drame. La psychose serait, si j'ai bien compris, une sorte de délire mystique. Je pense aux terroristes qui eux sont en pleine folie et vont à l'encontre des textes sacrés... Mais peut-être suis-je hors sujet ? De toute manière, il me paraît important qu'un avis psy médical sécurise les choses pour Psycot.
Coeur Serein
La psychothérapie est un processus qui change la vision de soi
Bonjour,
Au début , quand le thérapeute rencontre le patient tous les deux ont des buts différents qui sont souvent en contradiction dans le sens que tous les deux chérissent des faux concepts de soi et donc cela amène des perceptions différentes.d
Votre patiente espère apprendre à obtenir ce qu'elle veut sans changer son concept d'elle-même de manière très significative :' Je n'ai pas à me sentir coupable puisque c'est la volonté de Dieu et je ne puis rien y faire .'
De votre côté , vous voulez changer le concept qu'a la patiente d'elle-même d'une façon que vous croyez réelle:'j'aimerais qu'elle arrive à voir sa part de responsabilité dans son erreur de conduite mais, visiblement, elle n'est pas prête pour l'instant...'
La tâche de la thérapie consiste à réconcilier ces différences et donc il est à souhaiter que tous les deux vous apprenez à abandonner vos objectifs originaux.
N'oubliez pas qu'en tant que psychothérapeute , vous êtes une leader dans le sens que vous marchez légèrement devant votre patiente et donc vous aidez votre patiente à éviter des pièges du chemin en les voyant en premier. Et si vous comptez sur votre propre expérience et /ou votre analyse intellectuelle du passé de votre patiente , vous pouvez trébucher et entraîner votre patiente.
C'est pourquoi la guérison est limitée par les limites du psychothérapeute , comme elle est limitée par celles du patient. Le but du processus consiste donc à transcender ces limites. Aucune des deux ne peut le faire toute seule.
Mais lorsque vous vous unissez les deux ensemble, le potentiel pour transcender toutes les limites vous sera donné.
Il est donc extrêmement important pour une psychothérapeute chrétienne de prier l'Esprit Saint avant toute rencontre avec sa patiente. Et donc écouter la 'petite voix intérieure ' qui vous aide à comprendre votre patiente sinon l'égo va interférer et faire échouer la thérapie.
Bien à vous
yamina.174
Un distinguo fondamental à connaître
Un psychothérapeute et un psychanalyste qui se respectent et en charge de patients ne sont plus gênés dans leur travail par leurs affects étant donné qu'ils ont fait un travail sur eux approfondi et qu'ils ont obligation de faire leur auto-analyse au quotidien. La seule part de leur personnalité qu'ils peuvent utiliser ce sont leurs expériences de vie sublimées qui leur permettent dans l'échange du transfert de renforcer les pulsions de vie du consultant.
Dans l'interrogation sur fond de malaise que soulève Psychot, il ne s'agit pas d'une confusion qu'elle fait par projections interposées. En fait, elle sent inconsciemment que le déni de la réalité de cette patiente indique les limites d'une psychothérapie quelle qu'elle soit : cette patiente ayant régressé d'évidence relève d'un accompagnement psychologique médical.
Solange
Une précision très importante
Le distinguo que fait Yamina.174 m'éclaire considérablement sur la discussion lançée par Psycot. Bien que n'étant pas une spécialiste, je trouve qu'il est très important de faire passer ce type d'information pro.
Sofia M
Le problème de l'incompétence
Le psychanalyste J. B. Pontalis refusait la vulgarisation de l'expression (traduite) de Sigmund Freud : " La neutralité bienveillante ". Cette expression, souvent galvaudée de nos jours, est erronée lorsqu'elle se veut aseptisée par des thérapeutes qui, connaissant approximativement le transfert, refusent la pratique du contre-transfert : cette pratique utilise des termes spécifiques à l'histoire du patient qui lui sont renvoyés au nom de l'ambivalence qu'ils abritent et que le professionnel a détectée. En fait, c'est ce que précise Sofia. J'en profite pour rappeler qu'un psychanalyste n'est donc pas " muet " et utilise dans le renvoi du transfert un vocabulaire qui n'est pas le fruit du hasard mais qui est constitué de la sensibilité - et non des émotions affectées - du psy. En outre, un psychothérapeute non-médecin doit savoir identifier impérativement s'il a en face de lui un(e) patient(e) qui traduit un déséquilibre psychologique afin de ne pas le ou la garder comme patient(e) puisque cette prise en charge dépasserait ses attributions. C'est également le cas pour les psychanalystes non-médecins. Malheureusement, certains de ces professionnels ne détectent ni le danger ni leurs limites... Vous me direz qu'il y a des incompétents dans tous les domaines professionnels mais, lorsqu'il est question de l'état mental défaillant d'un patient, il est tout de même très grave de ne pas être au fait de son métier.
Lakshmi
Pas simple
En lisant tous vos commentaires, on se rend bien compte de l'extrême difficulté du métier de la relation d'aide. La vigilance est donc de mise à tous les niveaux pour ne pas faire n'importe quoi.
Gilbert
Psy et spi
La frontière entre psy et spi ne semble pas si facile que cela à définir. Une discussion très intéressante.
Isabelle
Témoignage
A titre personnel et plus particulièrement familial, cette discussion me fait mieux comprendre certains schémas. Je m'explique. Ma mère a été orpheline de mère à l'âge de 2 ans. Mariée très tôt (16 ans et demi), elle est devenue mère très tôt également (18 ans lors de ma naissance, 19 pour celle de ma soeur et 23 ans à la naissance de mon frère). Mais bien avant l'arrivée de mon frère, ma mère étant mineure émancipée de par son mariage, conduisait son propre véhicule, une Dauphine à l'époque. Lorsque j'avais 3 ans et ma soeur 2 ans donc, ma mère a eu un grave accident de voiture. Il pleuvait, et la voiture a glissé dans un virage. Le choc fut violent, et ma soeur a été projetée hors du siège auto et s'est retrouvée coincée sous le siège avant côté passager. Ma mère a été touché au niveau des côtes et des poumons, je suis sortie indemne de cet accident. Ma soeur a eu une sérieuse fracture du crane, avec coma durant 3 jours, dont elle s'est finalement sortie, son jeune âge et l'ossature encore très souple du crane, ont probablement largement contribué à sa guérison. Quelques mois plus tard, ma mère faisait une dépression nerveuse sévère, avec prise en charge psychiatrique, cure de sommeil etc. Mon frère fut conçu alors que ma mère était encore suivie par le psychiatre, et curieusement, alors que mon père ne souhaitait pas vraiment l'arrivée d'un autre enfant, c'est le psychiatre qui avait dit, que c'était sûrement la meilleure façon pour ma mère de guérir de sa dépression... Ce fut le cas effectivement... Mais... Mon jeune frère est décédé à l'âge de 11 ans, d'un accident de la route, j'avais moi-même 16 ans et demi, et je suis arrivée "par hasard" sur le lieu de l'accident, le corps de mon frère étant encore sur la chaussée, simplement recouvert par un drap de bain... Curieusement, il y a quelques jours, je "repensais" à une de mes séances analytiques, où était "traduit" que j'aurais pû ne jamais avoir d'enfant... D'ailleurs il m'a fallu patienter 18 mois avant que d'être enceinte de l'aîné de mes garçons... Hors je suis intimement persuadée et j'en ai parlé ici à plusieurs reprises... que ce sont mes enfants, qui m'ont "poussée" à grandir y compris avec ma démarche d'analyse... Merci à Psycot pour son interrogation professionnelle.
Ari
Votre témoignage poignant est très parlant
Merci à vous aussi Isabelle pour cette restitution tragique des compulsions de répétition familiales mais, telle que vous la relatez, la sorte de " réparation " préconisée par le psychiatre était un peu " légère ", déniant (eh oui !) l'évidence du rôle funeste dans votre histoire du contenant-contenu accidenté (l'utérus, de son côté, devant renvoyer systématiquement le thérapeute à l'idée d'un contenant-contenu) : cette absence de liens par ce professionnel a été dommageable analysée au plan humain. En revanche, sous l'angle spirituel, elle peut avoir une résonance intéressante qu'il vous appartient d'analyser...