Je connaissais un peu le parcours du philosophe Alexandre Jollien pour l'avoir vu dans quelques émissions télévisées. L'homme, dont je respecte le très grand courage au regard de son lourd handicap de naissance, ne m'a pas réellement convaincu quant à son mode d'emploi existentiel. Je n'avais donc pas envie de lire ses bouquins. Mais venant régulièrement sur ces forums, j'ai constaté que des forumers assidus de ce site en parlaient de manière dithyrambique. Non pas que je sois influençable, mais certains de leurs propos au sujet de Jollien m'ont donné envie de le lire. Avant de partir en vacances, j'ai acheté le célèbre "Vivre sans pourquoi" et je l'ai terminé hier...
Récit personnel:
Les premières pages ne me sont pas apparues exceptionnelles ni sur un plan de la littérature mais je sais que ce n'est pas le but de cette publication, ni quant au fond. Donc, selon moi, ni fond, ni forme. Une phrase si que j'ai surlignée: "Guérir de l'envie de guérir". J'ai donc poursuivi ma lecture et je me suis attaché à cet homme dont j'avoue ne pas très bien comprendre son séjour en Corée du Sud même s'il fait allusion à ses raisons mais de là à y trimballer femme et enfants, encore que ça ne me regarde pas. En y réfléchissant, ça regarde un peu le lecteur tout de même puisque l'auteur se justifie de cette décision pour le moins singulière. Au fil des pages, pas la moindre pépite, de ces pépites qu'on trouve de temps en temps sur le chemin et qui vous font grandir d'un bond... J'essayais de m'accrocher sans trop d'efforts d'ailleurs aux tout petits chapitres qui s'enchaînaient non pas parce que Jollien parle tout au long du livre d'une forme de lâcher-prise à adopter pour moins souffrir mais parce qu'en toute modestie et depuis longtemps déjà, j'ai intégré le principe de cette leçon de vie, difficile à appliquer quoi qu'il en soit selon les circonstances et ses propres réactions devant des douleurs insupportables... Mais sans trop me mouiller, je crois pouvoir affirmer que tout un chacun a entendu parler du bienfondé du lâcher-prise dans la société d'aujourd'hui, posture largement expliquée depuis plusieurs décennies dans des ouvrages de vulgarisation de développement personnel et jusque dans une presse plutôt féminine basique... Attendant donc toujours l'astuce révolutionnaire de Jollien, j'ai avancé dans son livre que je trouvais toujours d'une "pauvreté" intellectuelle déconcertante mais sensible au fait que, comme lui, cette alliance christique et bouddhique qu'il assume envers et contre tout m'accompagne également dans une sérénité que je qualifierai d'ouverte... Et puis c'est de la sorte que je suis arrivé à la dernière ligne du livre, n'y ayant trouvé aucune ouverture spirituelle! J'ai gardé le livre en question à la main pendant au moins une demi-heure, complètement déconcerté par autant de vide. Certes, le philosophe parle des creux et des vides de l'existence mais a-t-on besoin d'une telle "littérature" pour faire ce constat de l'impermanence de notre passage sur terre? Ce qui me gêne le plus, peut-être, parmi ce qui m'a gêné ou manqué (du pareil au même d'un point de vue philosophique), c'est l'apologie tous azimuts de cet écrit et j'espère que ce n'est pas le handicap de cet homme, qui paraît rarement baisser les bras, qui a "séduit" les médias... Malheureusement, cette hypothèse reste une possibilité...
Décidément, n'étant pas à l'aise avec la proposition de ce vivre sans pourquoi, ni comment, deux options se sont présentées à moi: ou bien ma conclusion est liée à ma déformation professionnelle en tant que psychanalyste actuel et psychiatre dans une autre vie (... très peu de temps et à l'étranger), ou bien je suis complètement passé à côté du koān du siècle. Ceci étant, j'ai fait une retraite au Bhoutan en 1997 après ne pas avoir supporté l'univers psychiatrique tel qu'il est envisagé et géré en règle générale, d'où mon heureuse reconversion freudienne, et j'en suis revenu très dubitatif. Tant pis pour moi si vous estimez que ce sont mes projections qui s'agitent mais j'ai trouvé que les deux guru auxquels j'avais eu droit utilisaient le koān là où ils n'avaient pas de réponse! Vous pouvez vous douter que j'ai planché sur mon ressentiment, allant jusqu'à essayer de me convaincre à la manière de Jacques Lacan que le vide koanique me permettrait d'y coller ma réponse mais pour raison garder, il m'apparaît plutôt logique et sain de ne pas essayer d'approuver en mode systématiquement positif ce que le quotidien nous inflige pour des causes que nous ignorons dans ce bas monde. Ne voulant pas terminer sur une note négative, je voudrais juste souligner que je suis très heureux que Monsieur Jollien puisse vivre de ses publications quelles qu'elles soient et que j'admets de me planter totalement dans l'approche de sa transmission. D'où le but de ma "prose" de ce matin qui me permettra, je l'espère, de découvrir et de comprendre ce que vous avez retiré de "Vivre sans pourquoi", que l'on trouve maintenant en poche...
Lakshmi
Ne pas en faire un gourou
Les médias ont effectivement tendance à mettre un auteur sur un piédestal. C'est le cas, en ce moment, du trio Christophe André, Matthieu Ricard et le maintenant célèbre Alexandre Jollien dont j'ai lu le livre et que j'ai écouté ici où là. Le problème reste l'idéalisation et je trouve votre réflexion très intéressante. Pour ma part, je suis surtout sensibilisée à la tradition spirituelle indienne et je préfère l'enseignement de Mâ Ananda Moyî, beaucoup plus riche effectivement quant à son contenu. Pour autant, je trouve le témoignage de Jollien intéressant. Le piège serait d'en faire un gourou médiatique. Et la tentation est grande. Le trio auquel je fais allusion plus haut semble gagner effectivement beaucoup d'argent. Une partie de cet argent est certainement redistribué à des oeuvres caritatives. Quant à moi, je prends ce qui me parle dans mon propre cheminement, comme pour confirmer ce que je pense avoir humblement un peu réaliser " grâce " à mon parcours de vie. " Guérir de l'envie de guérir " ? Peut-être mais avant cela, Jollien a eu envie de guérir sinon il serait resté dans son centre spécialisé. Il me semble qu'il oublie un peu les prémisses du parcours spirituel : le profond désir d'aller mieux. Je suis curieuse de lire les réactions que susciteront votre légitime interrogation.
Bien à vous, Lakshmi
Louis
Un parcours den questionnement, quoi qu'il en soit !
Pour en arriver à ce " koan " livresque (rires), Alexandre Jollien, d'après ce que je sais, s'est posé beaucoup de questions philosophiques. Preuve qu'un parcours réflexif me semble un passage obligé. Quant à moi, l'ésotérisme répond à quelques questions que je me pose sur le sens de notre présence sur cette Terre. Le besoin de comprendre mes souffrances, autant que je puis, anime mon existence. Et je suppose que les personnes qui vont en analyse sont animées de la sorte. Sachant bien sûr qu'àn un moment il faudra bien passer par une certaine forme d'acceptation, mais certainement pas d'emblée au risque de sombrer dans un fatalisme de mauvais aloi.
Lydie
Je n'arrive pas à acheter cet ouvrage...
Certainement pas un exemple en matière livresque... Je tenais cependant à commenter. J'ai vu à plusieurs reprises également qu'Alexandre Jollien est souvent cité dans des discussions. Comme je ne connais absolument pas ces ouvrages je me gardais bien d'intervenir... Pourtant, à force, depuis quelques temps, je me disais que je devrais tout de même lire ce "Vivre sans pourquoi". Sauf... Que je remets sans arrêt cet achat... Alors en lisant ce qu'en dit E.psy84, je me dis qu'il doit bien y avoir une raison pour que je passe pas à la lecture de cet ouvrage au fond. Mais peut-être est-ce moi qui m'arrange aussi...
Oliver
Un peu déçu !
J'ai acheté aussi ce bouquin suite à une discussion sur ce titre. J'avoue que je reste aussi sur ma faim et que je suis un peu déçu. Je m'attendais à mieux.
Gilbert
Un ami me l'a offert il y a deux ans
J'ai lu ce livre il y a deux ans. Un ami me l'avait offert pour mon anniversaire. Je ne l'ai certes pas trouvé transcendantal mais je l'ai lu avec plaisir, d'autant qu'il n'est effectivement pas trop compliqué. J'ai aussi écouté le CD qui va avec. Ce qui m'a touché - Alexandre Jollien était moins médiatisé à l'époque -, c'est le parcours positif de cet homme qui était - explique-t-il - destiné à rester toute sa vie dans une institution pour handicapé. Son parcours a contribué à relativiser mes soucis quotidiens. Et même si je sui loin de le considérer comme un chef-d'oeuvre de spiritualité, il a été et est toujours une petite pierre apportée à mes réflexions existentielles.
Christine-zen
Une initiation mais pas +
À force d'entendre parler de ce livre de façon très positive, j'ai fini par l'acheter.
Le titre m'avait interpellée mais, comme Oliver, moi aussi je suis restée sur ma faim. En revanche, tout comme E.psy84, j'ai essayé de comprendre pourquoi (!) ce bouquin ne m'avait pas emballée. Je vous livre la réponse qui m'est venue : selon le chemin spirituel que l'on a déjà parcouru, il ne peut pas apporter grand-chose mais en tant qu'initiation, il peut convenir me semble-t-il...
Lydie
Sur Internet ?
Est-ce qu'a votre connaissance Gilbert on peut accéder à un contenu sur Internet (je veux dire comme une interview, une conférence par exemple). Excusez-moi je ne suis pas une grande dégourdie avec cet outil pourtant très pratique...
Gilbert
Oui Lydie
Bien sûr Lydie. Ce philosophe atypique est aujourd'hui très médiatisé et on peut avoir accès à beaucoup de choses en tapant son nom et en cochant la rubrique " vidéo ". Il y a notamment une emission en replay où il est avec son ami Bernard Campan, l'un des humoristes des Inconnus. Une émission que je trouve agréable et intéressante. Mais vous trouverez beaucoup d'autres interviews le concernant. Pas besoin d'acheter ce livre à mon avis. C'est loin d'être une nécessité.
Lydie
Merci pour vos précisions
Je vais donc aller chercher. Vu les précisions qu'apporte Christine-zen sur le fait que ça peut être comme une initiation, je ne vais tout de même pas fermer la porte, sans même l'avoir entrouverte...
Sofia M
" Toute question se fonde sur une réponse "...
Vivre sans Pourquoi ni Comment, compte tenu de mon caractère et de mon cheminement psy et spi, me serait impossible. Le Pourquoi peut mettre en miroir une culpabilité injustifiée ou l'inverse, le Comment peut mettre en exergue le désir d'avancer sans étayage. Ces deux axes sont un des fondements de la psychanalyse et me conviennent très bien. Il est évident qu'il ne faut pas tomber dans la névrose obsessionnelle lorsqu'une situation, tout aussi douloureuse soit-elle, ne peut être modifiée mais le Pourquoi et le Comment peuvent être en marge et accompagner nos incompréhensions pour aller + loin sur notre route existentielle. Pour ma part, je n'ai pas d'enfant et je ne le regrette pas mais je ne le regrette pas parce que je suis passée par le Pourquoi et le Comment : Pourquoi n'ai-je pas rencontré d'homme qui me donne envie d'être mère ? La réponse psychanalytique s'est imposée à moi. Ayant eu deux cas de débilité au sens médical du terme dans ma famille, j'ai toujours eu peur d'avoir un enfant débile. Comment me construire sans être mère ? Ma réponse spirituelle : En travaillant dans les sciences humaines, mon job... Le Pourquoi d'un état douloureux est à mon sens indispensable mais ne doit pas être accusateur pour les autres et doit recentrer sur soi, tout comme le Comment ne doit pas prendre en otage ses proches ou la société... Fort heureusement, certaines personnes donnent l'impression de ne pas s'interroger mais, quand on les observe devant des situations pénibles, instinctivement elles passent par le binôme Pourquoi-Comment qui les libère in fine et leur permet de récupérer une énergie suffisante pour continuer leur route. Elles souffrent, peuvent être déçues par leur destinée mais elles grandissent tout de même. Autrement formulé, je ne crois pas que la vie soit possible sans interrogations. E.psy84, je pense, fait allusion à cette fonction réflexive humaine en faisant un clin d'œil à Lacan qui aimait rappeler que " toute question se fonde sur une réponse "... Un koān de + ? À méditer !
Régis
J'aime beaucoup ce koan de plus :-)
Merci Sofia M pour cette réflexion que vous m'offrez. Il est clair que si j'étais vraiment capable de vivre sans pourquoi - Mais est-ce possible ? - je ne pourrais pas profiter de ces discussions tenant compte d'un principe de réalité à savoir pour moi que les choses ne nous sont pas envoyées par hasard. Même si je crois que Lacan dit aussi - je crois - que le Réel est de l'ordre de l'impossible. Merci également à E.psy84 pour cette discussion ainsi qu' à nos amis foromers.
Jean
Un titre qui contredit l'enseignement bouddhiste
Je ne voudrais pas être polémique mais le moine Thich Nath Hanth, lors d'une conférence enregistrée en 2014 explique clairement que (je le cite) " Pour pouvoir aimer, il faut comprendre " et encore " Sans la compréhension il n'y a pas d'amour " et puis " Aimer c'est comprendre ". Pour ce sage, on est loin de devoir " vivre sans pourquoi ". Comme quoi, parfois il vaut mieux s'adresser à Dieu qu'à ses saints. Ce qui n'enlève rien à la qualité de la transmission d'Alexandre Jollien. Mais attention de ne pas en faire une idole médiatique.
Ari
Lapalissade...
Personnellement, je ne pourrais pas vivre sans me questionner mais je comprends aussi qu'Alexandre Jollien, compte tenu de la gravité de son handicap, soit épuisé à force de questionnements qui ne peuvent pas fatalement amener de réponses au terrien qu'il est... Chaque destinée est unique, chaque individu aussi... Mais pour certains des lecteurs de ce philosophe, il est évident que ses écrits ont pu les apaiser. D'ailleurs ses livres n'auraient pas autant de succès si ce n'était pas le cas. Il cherche la voie de l'acceptation quoi qu'il nous arrive et en ce sens, il trace la route de beaucoup de ses prochains.
Younes
Alexandre Jollien donne de l'espérance
Je suis allé voir sur Internet ce philosophe et c'est vrai qu'il rayonne. Aussi, je suis en accord avec le post d'Ari. Une sacrée acceptation qui donne de l'espérance.
Lucien
Un témoignage utile à disposition
Alexandre Jollien, de par son courage devant ce qu'il a à supporter chaque jour, peut nous encourager à relativiser sur nos maux quels qu'ils soient. On peut puiser de la force grâce à son témoignage. Et, même si nous sommes déjà sur un chemin spirituel, philosophique, il y a toujours des moments où nous nous sentons découragés. Ce genre de publication peut alors nous " remonter la mécanique "...
Lydie
La méditation
J'ai pris le temps d'aller chercher sur Internet. J'ai écouté une émission dont il était l'invité sur une grande chaîne de radio. J'avoue que le personnage est porteur d'une espérance. On sent une sorte de joie en lui. Il dit que pratiquer la méditation c'est une grande aide pour lui. Je me suis dit que peut-être juste pour celà, il fallait que je l'écoute... Comme s'il me fallait vérifier que je vais dans le bon sens pour moi-même.
Domino
Ne pas se plaindre, faire confiance et rester digne...
Notre seconde fille est trisomique et, bien que croyante, bien qu'ayant accepté cette épreuve que Dieu m'a envoyée, bien qu'ayant longtemps cherché le sens de cette différence sur ma route, sur celle de mon mari et de nos autres enfants, ayant "obtenu" "mes" réponses, j'ai toujours eu besoin d'essayer de comprendre la nature spirituelle du handicap dans la mesure où tout handicap génère bien des souffrances qu'on le veuille ou non. Le parcours d'Alexandre Jollien, et bien que je ne le connaisse pas, a été comme une main tendue vers notre famille. Ses écrits me font chaud au cœur car cet homme essaie de supporter l'insupportable sans victimisation. J'ai entendu, à l'opposé, un avocat expliquant que sa cliente, qui a perdu sa mère dans l'attentat de Nice, trouvait indécent que le gouvernement ne lui donne "que" 37500 euro pour la dédommager de son traumatisme, d'autant qu'en tant que maman célibataire c'est sa mère qui lui gardait ses enfants! Cette femme devrait lire Alexandre Jollien.
Jean-Marc
Une possibilité d'ouverture
Je connais un peu ce philosophe et je sais qu'il ouvre, par son exemple, des portes salvatrice à des gens qui seraient sur le point d'abandonner et de désespérer. Très touché par le partage de Domino, j'adhère à ce qu'il dit.