Comment vivre avec l'intolérable?

Portrait de Clovis

J'ai fait des progrès au fil du temps mais, psychologiquement, il m'arrive encore de friser la dépression. C'est un peu le cas à nouveau depuis quelque temps. J'ai malgré tout une vraie raison à avoir des humeurs cycliques: j'ai été abandonné à la naissance. Même si j'ai été adopté ensuite par des gens merveilleux, il n'en demeure pas moins que je ressens toujours par moments comme intolérable que ma maman m'ait abandonné. Je passe alors de la colère aux larmes, pour sombrer ensuite dans une véritable apathie. Je suis homosexuel et marié et je sais que mon mari vit très mal mes états. C'est un homme au cœur immense et j'aimerais régler ce problème, d'autant + qu'il est insoluble dans les faits. Merci de m'y aider si vous le pouvez.

Portrait de Isabelle

Lorsque le traumatisme devient invalidant, ce qui semble tout de même votre cas... Envisager sérieusement une psychanalyse peut être un véritable secours (je parle d'expérience). Vous ne changerez rien à votre histoire, vous l'avez bien compris. Cependant, au fil du travail, vous apprendrez à inverser un schéma, qui deviendra protecteur pour vous, et votre entourage... Les pulsions de vies seront en avant et non pas l'inverse. Ses humeurs cycliques dont vous parlez... Vous pourriez déjà tenter de réfléchir à ce qui peut être "déclencheur". Dans mon histoire, je sais que certaines dates dans le courant de l'année, me renvoient à des vécus difficiles. Le fait d'en "tenir compte" me permet souvent de m'en "détacher" plus rapidement...

Portrait de Christine-zen

Comme vous l'induisez, puisque vous ne pouvez rien changer au passé, lâchez prise en essayant de voir ce que votre destinée particulière a pu vous apporter de positif. Si vous vous appliquez à le faire, vous serez surpris non seulement de ce que vous allez mettre à plat de favorable mais de facto votre moral va être boosté.

Portrait de Partage Spi

L’existence est vouée à la notion de dualité : l’inspiration et l’expiration, le oui et le non, le jour et la nuit, la vie et la mort, la santé et la maladie, l’union et la séparation, l’amour et la haine, le positif et le négatif… Cette première constatation constitue un point de départ réflexif intéressant car idéaliser de manière excessive ou, à l’inverse, dramatiser à outrance une situation relèvent de comportements erronés. La vie est en constant mouvement et ne saurait faire abstraction de ces couples d’opposés se succédant inlassablement. Ainsi, chaque fois qu’une souffrance, une difficulté, un empêchement se présentent, se dire qu’ils n’ont rien de définitif et d’absolu permet de ne pas y rester pathologiquement fixé.

Portrait de zen03

Ce que chacun considère comme inacceptable varie d’un individu à l’autre. Ainsi, les propos d’un interlocuteur peuvent être jugés de la sorte selon une certaine décence liée à l’éducation, à la culture. Un licenciement peut être perçu comme abusif ou non, une trahison générer un sentiment de révolte ou, au contraire, de libération. Il est évident que les éventuelles réactions d’opposition qui en découlent n’ont rien de répréhensibles. Toutefois, l’erreur consisterait à rester focalisé sur une attitude négative sans possibilité d’ouverture. Toute plainte légitime devrait aboutir à un détachement salvateur et des passages à l’acte à la suite d’un effet miroir. Se sentir agressé verbalement convoque, par exemple, un changement quant à la sphère relationnelle : est peut-être venu le moment d’envisager de ne plus alimenter certaines fréquentations. Une mise au chômage oblige à reconsidérer ses habitudes professionnelles. Une rupture mal vécue interroge sur la nécessité de se prendre en charge… Etc, etc. Vous pouvez tout à fait adapter cette méthode à votre histoire et votre malaise récurrent s'estompera.

Portrait de Lotus

La notion d’évolution, initiée par les travaux de Charles Darwin, reste un concept qui permet de saisir que rien n’est statique. Depuis la nuit des temps, l’être vivant fait preuve d’une formidable adaptabilité, délaissant une apparence pour en revêtir une autre. Ce qui est vrai au niveau physiologique l’est encore plus au niveau psychique. Le petit d’Homme évolue tout au long de son existence vers plus d’autonomie, lâchant peu à peu l’étayage parental. À force de traverser les situations que la vie dispose sur son chemin, l’adulte, quant à lui, a la possibilité d’aller vers plus de Sagesse. Certes, ses facultés physiques déclinent inexorablement (le bouddhisme ici fait état de l’impermanence de toute manifestation matérielle), mais la conscience, elle, est en expansion. À condition toutefois d’accepter les lois de la vie. Or, il faut bien avouer que la tentation du jeunisme à outrance ne permet pas toujours une telle maturation psychologique puisqu’elle s’oppose à ce que Sigmund Freud a nommé le principe de réalité. D’où un conflit permanent entre ce qui est et une idéalisation fantasmatique. L’inéluctabilité de la mort reste le point d’achoppement. C’est pourtant en acceptant cette limite ultime que la vie prend tout son sens. Arnaud Desjardins dans « L’audace de vivre », d’avancer avec beaucoup d’à propos : Pourquoi les êtres humains ont-ils si peur de mourir ? Peut-être parce qu’ils n’ont pas vraiment vécu… 

 

Portrait de Partage Psy

Dans son ouvrage « Le centre de l’être », le psychothérapeute spirituel Karlfried Graf Dürckheim parle d’un Être essentiel. Il s’agit, selon lui, d’un centre de connaissance auquel chacun peut avoir accès. À condition de développer une certaine réceptivité. Réceptivité qui consiste à accueillir sereinement la peine comme la joie. Pas question toutefois de sombrer dans un quelconque délire mystique, cas auquel la réalité serait déniée. L’acceptation ne doit pas être synonyme de fuite. Dürckheim préconise un travail méthodique sur l’inconscient, adhérant ainsi aux travaux de Carl Gustav Jung portant sur la nécessité d’apprivoiser nos angoisses. Quant au Zazen (assise en silence) et aux pratiques méditatives issues du Yoga, les exercices qu’ils proposent ont pour objectif de favoriser l’émergence d’une sérénité qui est déjà là. Les croyants l’appellent Dieu mais il n’est pas nécessaire d’adhérer intellectuellement à un dogme pour en faire l’expérience. Pour Jean-Yves Leloup, prêtre orthodoxe auteur des « Écrits sur l’Hésychasme », publié dans la collection Spiritualités vivantes chez Albin Michel : Le corps doit être spiritualisé, devenir « un corps spirituel » selon l’expression de Saint Paul… Autrement dit, quelle que soit la méthode choisie, celle-ci vise à une transformation prenant toujours en compte le soma, le moi existentiel, afin qu’il puisse être relié à la source ultime de toute chose.

Portrait de Vincent

Pour ma part, j'ai découvert le concept d'équanimité qu'introduit Partage Psy il y a quelques mois. Dès que j'ai lu de quoi il s'agissait, je me suis senti apaisé alors que je traversais une période particulièrement difficile. Le fait de ne pas mettre d'affects ni positifs ni négatifs dans mes difficultés est une révélation chaque fois que je l'applique. Je pense moi aussi Clovis que cette réflexion quant à vos réactions pourrait constituer une aide merveilleuse. En revanche, il n'est pas aisé d'y parvenir immédiatement. Aussi, si cette approche de vous-même vous tente, surtout ne vous découragez pas. Vous n'aurez pas à regretter votre persevérance...

Portrait de Christine-zen

Finalement et compte tenu de l'évolution passionnante de cette discussion, il semblerait peut-être que le moment est venu pour vous d'entrer dans l'exploration de principes bouddhistes ou de les approfondir car, et en particulier l'intégration de l'impermanence et de l'équanimité, elle est la base du lâcher-prise. Cette forme de thérapie spirituelle donne d'excellents résultats... Je parle par expérience !

Portrait de Clovis

Je prends notre des concepts notamment d'impermanence et d'équanimité qui, je ne sais pas (encore) pourquoi font résonance en moi.

Merci beaucoup pour toute l'attention que vous avez bien voulu accorder à mon désarroi et 1000 mercis pour votre aide.

Clovis