Comment faire le deuil de mon enfance malheureuse ?

Portrait de Christine-zen

J'essaie de travailler et d'avancer dans les concepts de Spiritualités vivantes.
Ce qu'on retrouve partout, c'est qu'il faut ne pas ressasser son passé, en faire le deuil en quelque sorte, pour aller bien.
Je comprends intellectuellement cette dimension mais je ne parviens pas à ne pas retourner dans mon passé qui, si j'ai bien compris, éclaire négativement mon présent, voire mon futur.
Comment puis-je arriver à faire le deuil de mon passé et en particulier de mon enfance qui a été très malheureuse ?

Portrait de Jean

A mon sens, le terme de " deuil " est parfois mal compris. C'est comme s'il fallait poser un déni sur le passé. Autre chose est que ce même passé, cette fois assumé, ne soit plus invalidant, ou en tout cas de moins en moins. Certes les psys disent - à juste titre - que nous sommes d'autant plus attaché au passé que celui-ci nous a fait souffrir. Une astuce ( que j'ai appliqué vu que je n'ai pas eu une enfance parfaite même si globalement ce n'était pas la cata) consiste à se rappeler les bons moments. Je pense qu'il y en a toujours. Et il y en a certainement eu puisque vous êtes là ici et maintenant Christine. Ces difficultés, il faudrait - à mon sens - en faire des tremplins. Elle ne vous ont pas été donnée à vivre par hasard. Je crois en Dieu et suis persuadé qu' Il nous envoie des chemins de vie en accord avec nos possibilités de sublimation. Plus qu'un deuil, il est plutôt question d'une sorte de réhabilitation de cette histoire en ne gardant que ses aspects positifs et en refusant que les engrammes négatifs s'actualisent dans le présent. Un travail que l'on peut faire seul mais aussi en se faisant accompagné par un spécialiste si c'est trop difficile. Ce qui a été mon cas, et je ne regrette rien (rires !).

Portrait de Orlan

Personnellement, j'ai eu longtemps une grande difficulté à parvenir à me détacher des souffrances d'un passé éloigné ou plus récent. Je savais pourtant très bien qu'en retournant dans ces époques révolues, je me faisais du mal... Jusqu'au jour où un ami m'a présenté un coach spirituel à qui je me suis confié. Très rapidement, il m'a dit que ne pas souffrir était possible mais à la condition de considérer que ce que nous appelons " le mal " cache ce que nous appelons " le bien " mais qu'en fait, ces deux forces que nous croyons contradictoires, voire opposées, s'annulent.
Étant un besogneux, je suis allé fouiller dans mon enfance ce qui m'avait fait véritablement souffrir. Il ne m'a pas fallu longtemps pour trouver ! J'ai fait la même chose avec mon adolescence, puis avec mon démarrage dans ma vie d'adulte. Là encore, les exemples de tristesse, de honte, de regrets, d'amertume ne manquaient pas ! Toujours aussi laborieux et avec application, j'ai mis en lien ce qui m'avait fait mal, et du mal, pour éclairer le bien généré... Je me suis dit alors (bêtement ???) qu'il m'avait fallu au moins toutes ces douleurs pour me construire et faire de moi un gars pas trop mal psychologiquement ! Aujourd'hui, j'ai compris que tous mes raisonnements d'alors étaient une grande duperie et qu'il devenait nécessaire et urgent que je sorte de ce bourbier confortable et infantile. Une phrase récurrente et insupportable de mon père s'est imposée à moi : quand il me filait une gifle (et souvent excessive et pas méritée), il l'accompagnait d'un tonitruant : " Et celle-là c'est pour ton bien ! ". J'ai compris subitement que je retournais inconsciemment dans le passé pour essayer de dénouer la confusion entre le bien et le mal mais qu'il s'agissait en fait de la responsabilité de mon père, violent, dominateur, homme bourré de névroses qu'il projetait sur moi, bouc émissaire facile. Toutefois, il devenait nécessaire que je sorte de la croyance qu'il m'avait imposée... J'ai cheminé comme j'ai pu grâce à des écrits de Sages et puis un jour, le voile s'est levé : mon passé, mon présent, c'est moi... Mon futur, ce sera encore moi... Peu importe le profil caractériel de mon père, le profil psychologique de ma mère, des membres de ma famille, de ma femme, de mon fils... Tout ce que je perçois, que je reçois, c'est moi... Et mon Moi est un état immuable qui sera ce qu'il a toujours été. Ceci dit, j'ai le choix de décider de vivre le chaos ou de vivre en paix. Il se trouve que j'ai opté pour la paix... D'ailleurs, si je suis honnête avec moi-même, je suis adulte comme j'étais enfant. La seule différence c'est que j'essaie de ne pas semer la tempête autour de moi. Mais, enfant, j'étais déjà comme ça fondamentalement... Les personnes âgées, si elles perdent la tête, le donnent à voir : même si elles ont fait preuve de rondeurs et de séduction dans leur existence, en quittant leur maîtrise d'elle-même, elles redeviennent l'enfant rebelle qu'elles étaient... L'apparence est trompeuse car le Moi, celui qui fait sens sur Terre, reste le même toute la durée de son existence...

Portrait de Jean

Votre titre, Orlan, me renvoie à un écrit du docteur Singh, sage indien. Dans l'un de ceux-ci, il précise que la naissance, l'enfance, la jeunesse, la vieillesse et la mort que nous expérimentons sont comparables à ces feux de signalisation aux carrefours. Ils sont là pour nous protéger et nous avertir des éventuels dangers. Ce sont des indices qui nous démontrent que ce corps est temporaire. Or, la civilisation de l'Inde védique attache une grande importance à cette naissance humaine, précieuse entre toutes, pour les facultés qui la caractérise. Cette intelligence, précise le docteur Singh, qui lorsqu'elle dépasse les problèmes liés à la matière, découvre la science de l'âme. Cette ouverture sur nous-même telle qu'elle apparaît dans la Bhagavad Gita : " Nous sommes des êtres éternels et si le corps cesse avec la mort, l'âme jamais ne périt. "

Portrait de Gilbert

J'ai été très touché par votre com, Orlan. Du plus loin que je me souvienne, il me semble que j'ai toujours été sensible à ce   " Moi " immuable dont vous parlez, malgré les changements corporel qui vont de l'enfant à l'adulte vieillissant. En ce qui me concerne, il est assimilé à une présence . Et cela, personne ne peut le violer. On dit dans les enseignements spirituels, que l'on peut toucher au corps mais pas à l'âme, cette conscience de soi qui existe depuis les origines. Un grand mystère et une grande chance aussi !

Portrait de Christine-zen

Je viens de beaucoup apprendre de toutes vos interventions.
Finalement, ce " Tout est Moi " me fait comprendre aussi que je ne suis ni bien, ni mal. Je suis un être humain qui s'est incarné avec un psychisme qui a été, qui est et qui sera, c'est-à-dire le même qu'au moment où sa venue sur Terre a été décidée. Mon entourage, quel qu'il soit, est donc conforme à mon être intérieur dans cette vie. Je me dis de plus en plus que les multiples personnes et les situations plurielles que je rencontre sur ma route sont certainement en lien direct avec les êtres que j'ai été dans des vies antérieures. Ce sont des pans de ma vie, des facettes de ce que je renvoyais ou de ce que je pouvais faire. J'aime bien aussi cette notion de Moi immuable dans cette dimension. Il n'est pas là pour que je juge ou que je râle lorsque les événements ne me semblent pas favorables. Il est là pour me dire que ces événements sont une conséquence de ce que j'ai été ou de ce que j'ai fait dans d'autres vies. Je n'ai donc ni à juger, ni à tempêter, étant donné que
c'était dans une autre vie ! Ce qui d'ailleurs peut être valable pour ce que je croise de positif.
Je l'ai bien compris encore tout à l'heure où j'ai eu un problème avec mon lave-linge qui est neuf.
Je n'arrivais pas à le mettre en marche. J'ai réagi positivement en me disant que dans une autre vie, j'ai dû refuser le progrès... Eh bien, chose incroyable, quelques secondes après il s'est mis en marche et le cycle de lavage s'est bien déroulé ! Avant cette compréhension, je me serais énervée en pensant que dès demain j'allais allée voir le vendeur et qu'il allait m'entendre et je suis sûre que ma machine aurait été en panne pour de bon ! Cette façon de penser est en train de révolutionner ma vie. Je sais que le passé de notre vie actuelle n'existe pas en tant que tel. Il n'y a donc pas à chercher à en faire le deuil. Seul le passé des vies antérieures revêt une consistance certaine. Vous pourriez alors être très étonnés de la question que j'ai posée étant donné ce que je viens de vous livrer : en fait, j'ai toujours peur de dérailler et de quitter la réalité terrestre. Je préfère donc avoir l'avis d'autres personnes...

Portrait de Gilbert

Votre exemple conçernant votre lave-linge montre bien que vous ne quittez pas la réalité, Christine, vous faites des liens avec votre quotidien. Dérailler consisterait à fuir la réalité terrestre pour se diriger vers ce que les psys nomment " délire mystique " . Délire étant à entendre avec l'absence de liens justement. Je pense aussi, comme l'explique la " Bhagavad Gita ", que les vies antérieures sont une possibilité. Pourtant nous avons oublié nos vies passées. Le livre sacré dit que seul Dieu s'en souvient. Il n'est d'ailleurs pas utile de nous encombrer de ce passé. C'est même bénéfique ! Notre nouvelle naissance offre justement l'occasion de tirer un trait et de s'attacher à l'instant présent tout en faisant confiance en Dieu, qui sait ce qu'Il fait. Dans ce même ouvrage, l'enseignement qui y est transmis parle de service (Bhakti Yoga). Se mettre au service de soi, des autres et de Dieu... Là réside, selon cet Ecrit millénaire, les voies du bonheur.

Portrait de Orlan

Je suis tout à fait dans la même énergie que Christine-zen qui donne l'impression d'avoir beaucoup plus cheminé spirituellement que ce que sa question le laissait entendre ! Toutefois, cette question ouvre des horizons de tolérance insoupçonnables...
Je vais me répéter un peu mais je me permets d'insister pour aider modestement ceux qui souffrent de leur passé, voire de leur présent, et qui - par voie de conséquence - sculptent déjà leur avenir à coups de ces pseudo malheurs de l'enfance.
Je raisonne exactement de la même façon que Christine-zen :
. Il y a quelques années, j'ai été cambriolé. Au lieu de m'en prendre à la société, je me suis dit que j'avais devant moi le miroir de ce que j'avais été dans une vie antérieure. Je ne me suis pas jugé puisque mon incarnation actuelle s'en charge tous les jours dans des domaines différents ! Je ne me suis pas jugé non plus parce que dans cette vie, je ne suis,pas un voleur...
. Un autre exemple : lorsque j'étais jeune, j'avais une liaison avec une femme mariée. J'ai décidé de la rupture, mais je vous passe les détails, cette rupture a été très compliquée pour de multiples raisons. D'autant que le mari a appris cette liaison et voulait me faire la peau ! Toujours est-il que j'ai longtemps culpabilisé jusqu'au jour où Bouddhisme aidant, j'ai reçu la compréhension suivante : dans une autre vie, tu as été un mari trompé qui a sûrement attenté aux jours de l'amant... Plus de culpabilité puisque'il s'agissait d'une vie antérieure !
Ma femme refuse ce genre de raisonnement : elle me dit que c'est trop facile et qu'il n'y a qu'à excuser les assassins dans cette vie (pour moi, là se situe d'ailleurs un des axes du pardon inconditionnel). Elle n'arrive pas à saisir que ce raisonnement demande d'avoir beaucoup travaillé sur soi pour l'utiliser à bon escient. Mais pour ne pas me fâcher avec elle, il me suffit de penser que dans une autre vie, je devais manquer de spiritualité... Ce n'est pas méchant pour mon épouse qui, de toute façon, est donc MOI dans une vie passée... Je ne suis pas pour autant l'Abbé Pierre ! Je fais en sorte de me protéger sachant que la prédation peut encore me toucher à n'importe quel moment si elle correspond à mon Moi dans cette vie. Mais il est certain que j'abandonne de plus en plus mes mauvais réflexes de jugement en me rappelant systématiquement que ce jugement est nul et non avenu puisque je rate ma cible en jugeant un interlocuteur dans cette vie, étant donné que cet interlocuteur indélicat (par exemple), c'est une représentation de ce que j'étais dans une existence passée...

Portrait de Nathalie-196

Même si ce que vous expliquez est compliqué pour moi, je sais que ça va beaucoup m'aider pour ma fille rebelle : au lieu de mal la juger, je vais essayer de me dire qu'elle est le miroir de ce que j'étais dans une vie antérieure et que ça ne sert donc à rien que je la juge. Je comprends mieux pourquoi on dit que le jugement nous revient en pleine figure et que la Bible assure qu'on sera jugé avec la même mesure que celle que nous avons utilisée pour juger! Je comprends pourquoi je dis toujours que ma fille est comme j'étais à son âge, sauf que c'était moi dans une autre vie!!!

Portrait de Cécile

Je viens de prendre le temps de lire tous vos commentaires. Cette histoire de vie antérieure que je prenais pour des  " histoires à dormir debout " , commence à m'interroger sérieusement. C'est comme si une compréhension nouvelle se faisait jour. Selon cette conception, rien ne serait donc fondamentalement injuste. La révolte contre autrui n'est donc plus totalement justifiable. Nous créons, au fil de nos incarnations, les conditions de nos existence ici-bas. La vie n'est donc qu'une opportunité de compréhension au fil d'une évolution spirituelle. Et en plus, vos coms font coller la spiritualité chrétienne à cette idée, notamment la notion de jugement. " Juger, c'est donc se juger ", écrit Nathalie. Fabuleuse réflexion que ce " Moi " immuable qui fait l'expérience des actions/réactions dont parle le Bouddhisme en l'appelant karma. Sauf qu'il n'y a rien de déterminé dans cet angle de vue, chacun ayant la possibilité de comprendre et d'agir en conséquence, sans se juger, mais en s'analysant. Merci, merci !!!

Portrait de nanou-69

C'est drôle mais en lisant moi aussi cette discussion, j'éprouve moins de haine pour mon ex, qui pourtant me battait. Et si moi-même, j'avais battu une femme dans une autre vie ? Très apaisant pour moi parce que je ne vais plus véhiculer la même chose à mon fils (parfois violent verbalement !). Son père a été ce qu'il a été mais je viens de réaliser que je suis pas une sainte non plus...