L'instinct maternel ?

Portrait de cerise-du-26

Croyez-vous en l'instinct maternel ?

Portrait de Danièle-Dax

Je ne pense pas que l'instinct maternel existe car, sinon, il n'y aurait pas d'abandons d'enfants et Dieu sait s'il y en a... Une amie gynécologue me racontait qu'elle suivait un couple pour une première grossesse, 40 ans et profs tous les deux. À l'époque, les examens à la recherche d'une éventuelle trisomie ne se pratiquaient pas. Un bébé trisomique est né que ce couple, pourtant intelligent et ayant une bonne situation chacun, a abandonné... Or, l'instinct maternel est censé être protecteur pour l'enfant. Dans le cas de ce nouveau-né trisomique, il avait pourtant sûrement bien besoin des bras de sa maman... Cette histoire m'a bouleversée et j'y repense de temps en temps des décennies après...

Portrait de cricri

Dans les années 80, Elisabeh Badinter avait publié un livre remarquable dans lequel elle démontrait que l'instinct maternel n'existe pas : " L'amour en plus ". Elle passait par le processus des abandons d'enfants, notamment au 18ème siècle en France (je cite de mémoire) où des dames nanties et infidèles, " engrossées " par quelque amant, ne trouvaient pas d'autre choix que de se rendre dans des campagnes où vivaient des nourrices très pauvres. Elles assuraient ne leur laisser leur bébé que quelques semaines, le temps de leurs " relevailles ", contre une somme d'argent plutôt confortable, mais la plupart " oubliaient " de venir rechercher leur enfant...

Portrait de Amélie

Mon titre peut sembler un peu bizarre... C'est que la conception même de mon premier enfant, s'est faites "un peu malgré moi"... (j'en ai déjà parler ici) dans la mesure ou je n'ai jamais su qui en était le père, et que ça n'était pas "volontairement voulu" de ma part (les psy diraient sans doute... en tout cas au conscient...). Ce qui est juste d'ailleurs, puisque j'ai fait le choix par contre de garder cet enfant, et de l'élever seule ensuite pendant les premières années de sa vie... J'étais très jeune, mais je me souviens bien de cette "sorte de certitude en moi" que je "devenais mère" et pas que "j'étais mère"... Mais si je me permet ce petit témoignage, c'est que le post de Danièle-Dax était parlant pour moi... A plus d'un titre d'ailleurs... Je crois que j'ai pu devenir mère aussi justement parce que mes parents ont été des parents attentifs, ouverts, qui m'ont aussi encourager face à mon choix...que je n'ai jamais regretté... Je crois que cet aspect "protecteur" face à plus petit que soi, on le développe ou pas... Quand à l'abandon, pour moi ça n'était pas envisageable... Mais je ne suis que moi...

Portrait de cerise-du-26

J'ai vu qu'on pouvait toujours se procurer le livre d'Elisabeth Badinter que je ne connaissais pas et que je vais acheter parce que j'ai envie d'avancer dans cette interrogation quant à la mère qui pourrait donc être plus ou moins maman et aimante spontanément et instinctivement... Cet aspect me semble faire partie des pans essentiels de l'existence... Je croyais d'ailleurs qu'il intéresserait plus de foromers et que des psys et/ou des psychogénéalogistes viendraient participer pour alimenter le débat... D'autant plus que le post de Daniele-Dax a lancé la piste de l'abandon et qu'on sait, notamment avec les travaux de Freud, combien les filiations peuvent être perturbées ou abîmées par l'abandon d'un enfant, aussi caché que soit cet abandon, car - de toute façon - il ressurgit dans la descendance un jour ou l'autre, sous une forme ou une autre...

Quoi qu'il en soit, je remercie Daniele-Dax, Cricri et Amélie pour leurs posts qui m'ont apporté de quoi continuer et avancer dans ma réflexion...

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

Désolée de n'être pas venue plus tôt, loin de moi l'idée d'abandonner les foromeurs !

Je pense que tout le monde est d'accord avec l'idée que l'abandon de l'enfant prouve la non-existence de l'instinct maternel. Par contre , il est intéressant de comprendre ce qui se joue à la naissance et pourquoi certaines mères abandonnent et d'autres pas.  

Quand l'enfant arrive au monde, il se sépare de la mère et cette séparation entraîne chez l'enfant une angoisse de dissociation, c'est le traumatisme de la naissance, traumatisme psychique ainsi appelé par Otto Rank.  Cette séparation peut être très mal vécue aussi par la mère, car elle réactive sa propre angoisse de dissociation. Et qui dit séparation dit abandon. Plus la problématique abandonnique de la mère est importante plus le risque d'abandon réel augmente. Cela va conditionner, aussi, le comportement plus ou moins aimant de la maman comme le dit Cerise.

Lorsqu'il y a abandon d'un enfant, la lignée s'inscrit dans une névrose familiale d'abandon : on le retrouve dans les générations suivantes avec des enfants morts, des couples sans enfants ...

La névrose d'abandon, c'est l'angoisse permanente d'être abandonné. Les abandonniques vérifient en permanence qu'ils sont aimables et aimés. Ils sont en demande de sécurité très forte. Ils mettent en place des ruptures fréquentes, sur le plan affectif et social. Ils vont préférer abandonner avant d'être abandonné, laisser avant d'être laissé. Ils sont sur de la " gloutonnerie " affective.

La névrose d'abandon va exacerber un complexe d'infériorité - abandonnés parce qu'ils ne valent rien - entraînant une mésestime de soi, une névrose d'échec. Pour une mère abandonnique, la question est : " Suis-je capable d'élever cet enfant ? "  

Régler son abandonnisme pour une femme, c'est s'autoriser de passer du statut de mère à maman. Mais pour cela il faut apprendre à s'aimer, à défaut de l'avoir été. C'est à dire reconstruire un moi fort au travers d'une renarcissisation. Résoudre son abandonnisme consiste à ne plus avoir besoin de l'autre pour s'aimer.

Merci Cerise pour ce sujet.