Je suis enseignante et ma question peut paraître stupide. Mais tant pis, je vous la pose quand même...
Il est bien évident que devenir adulte, c'est apprendre à se dire " Non " et à dire " Non ". Mais comment être juste vis-à-vis de membres de sa famille, d'amis, de collègues ? Ce qui me fait réfléchir sérieusement à cette question, c'est qu'un " Non " peut entraîner un conflit... Est-il approprié alors ?
Je ne suis pas à l'aise avec ce sujet... Alors, si vous pouviez m'aider à y voir clair...
Isabelle M.
Un " non " protecteur...
J’ai un exemple familial actuel très précis à ce sujet… Mon petit-fils aura 3 ans à la fin du mois, et mon fils et ma belle-fille souhaitent lui offrir un quad électrique (ce n’est pas un jouet, c’est un vrai quad pour enfant, bien sûr). Avec toutes les protections nécessaires plus le quad en tant que tel, cela représente une somme assez importante. Ils ont donc demandé à tous ceux qui le voulaient, de participer à ce cadeau sous forme d’une enveloppe commune ou chacun donne ce qu’il souhaite.
La première fois qu’ils m’en ont parlés il y a plus de 2 mois, j’ai dit que je n’étais pas trop d’accord, et que j’allais réfléchir… Ce à quoi mon fils m’a d’ailleurs répondu, qu’il se doutait un peu de ma réponse et que d’ailleurs son autre grand-mère n’était pas d’accord non plus… Quelques semaines se sont écoulées et mon fils m’en a reparlé… En disant qu’entre temps, ils avaient bien expliqué à l’autre mamie, toute la sécurité quant à l’utilisation du quad, et que finalement elle participait à l’achat… J’ai alors répondu que pour ma part j’avais pris ma décision, et que pour moi c’était non… Et j’ai rappelé à mon fils, comment lui-même « s’amusait » à 5 ans à me faire peur avec son vélo…
Il est possible qu’en définitive, je sois en projection, de par mon histoire, et la mort de mon jeune frère dans un accident de la route… Mais je suis restée sur mes positions cependant… parce que personnellement je suis très mal à l’aise avec l’achat de ce quad… Et peu m’importe que les parents de mon petit-fils le comprennent véritablement ou pas d’ailleurs… C’est comme ça que je le ressens, et je préfère « me faire confiance » à ce sujet, plutôt que de passer outre, sur quelque chose que « je ne sens pas »… Autrement dit, je ne suis pas en accord si je dis oui... je crois qu’ils ont d’ailleurs « acceptés » à leur façon et sans conflit… Je suis peut-être un peu « trouillarde »… possible, et même si c’est le cas… J’assume… et je préfère passer pour la « ringarde de service »… parce que pour moi, " dire non " sur ce propos précisément, reste un " non " protecteur.
D’ailleurs en définitive, nous sommes d’accord pour que j’offre un panier de basket pour jouer dans le jardin…
Lili
Touver le "oui" derriere le "non" ?
A mon sens, poser un "non" renvoie toujours a ses propres limites et cela peut s'avérer douloureux pour soi ou pour la personne concernée par ce non: famille, amis, collègues, et donc peut donc entraîner un conflit ou du moins une discussion plus ou moins animée dans le meilleurs des cas puisque nos limites peuvent alors se heurter à celles de l'autre. Cependant, quand je n'y vois plus trop clair, j'essaie de me dire qu'un non cache toujours un "oui", c'est à dire que si je me dis non ou si je dis non à quelqu'un, il y a toujours un oui pour autre chose à la place. Ce qui me permet parfois de comprendre pour moi même et par conséquent d'expliquer à l'autre les motivations de "mon" "non".En fonction de l' interlocuteur , de la valeur que j' attache a notre lien et de sa demande, il m'arrive d'ajuster, c'est à dire d'assouplir ces limites ou de négocier en fonction de ce que je pense moi même pouvoir supporter à l'instant t. Mais il m'arrive aussi de ne pas transiger quand le oui est essentiel pour moi et mon propre équilibre, d'avoir un positionnement ferme . Ensuite, il "ne reste plus" qu'à accepter le positionnement de l'autre, et c'est laborieux aussi .....
Cécile. G.. Psy...
Un compromis bienveillant
Comme vous le dites, Lilou, il y a deux nons, illustrés par la métaphore paternelle de Jacques Lacan "Les noms du Père " : un symbolique protecteur sur une bonne loi avec, un non, NON, quant à soi et un non, NOM, quant aux autres.
Comme le précise Isabelle.M, le non, justement posé, vient s'opposer aux pulsions de mort, il est donc protecteur pour soi et pour les autres. Mais, même bien posé le non ne suffit pas.
Selon le profil psychique que vous avez en face de vous, la réaction ne sera pas la même. Le non juste représente une bonne loi (l'analité, le père), donc face à un profil très immature (très oral) le non sera source de conflit parce que son seuil de tolérance est faible, il ne supporte pas la frustration, le non.
Il convient donc, avec ce genre de profil, pour limiter le conflit et sa souffrance, de dire oui en première instance sur une partie de la proposition puis, seulement après, non sur ce qui vraiment, pour vous, n'est pas négociable. Une sorte de compromis bienveillant en adaptant et assouplissant son non en fonction de son interlocuteur. C'est ce que vous propose aussi Lili.
Gilbert
Une question de limite
J'ai aimé tous vos commentaires. Le " non " relève effectivement d'une notion de limite : limite par rapport à soi et aux autres. Je pense qu'il est dangereux de dire " oui " lorsqu'on pense " non ". Un " oui " de séduction, pour faire plaisir, pour ne pas fâcher, n'est jamais un vrai oui. Il est sous-tendu par une angoisse, celle de ne pas être aimable, aimé. Dire non n'expose pourtant pas nécessairement au conflit à partir du moment où il n'est pas accusateur. Il m'arrive de refuser certains repas de famille car je pense avoir des priorités autres. Ce sont mes limites et mon choix de vie. Ma famille le sait désormais et il n'y a aucune animosité à ce sujet. Autrefois, je me serais " obligé " d'y répondre favorablement par devoir filial. Résultats : mauvaise humeur, malaise... voire recherche de conflit. Aujourd'hui, lorsque je suis invité et que j'accepte, c'est un vrai " oui " et cela se passe toujours bien. " Que votre oui soit oui, que votre non soit non... " Je crois que c'est dans les Ecritures.
Sofia M
Le " non " juste est responsable
L'exemple du quad que rapporte Isabelle M est excellent. Je trouve qu'il résume parfaitement le juste positionnement du " non ". Quand des parents sollicitent financièrement leurs proches pour faire un cadeau potentiellement dangereux, ce qui est le cas avéré avec les quads pour enfants, ce devrait être un " non " catégorique, car la responsabilité morale de l'entourage est engagée et serait concernée en cas de problème. Bonjour la culpabilité a posteriori ! Ce qu'a fort bien saisi Isabelle. En ce qui concerne les adultes, le principe est exactement le même et pour les mêmes raisons : nous n'avons pas à engager notre responsabilité quant à une suggestion, quelle qu'elle soit, que nous ne " sentons " pas... D'ailleurs et curieusement, souvent, lorsque nous disons " non ", l'interlocuteur ne fait pas ce qu'il avait envisagé tant qu'il voulait nous embarquer dans son funeste projet !
En ce qui concerne le " non " quant à soi, il est bien évident qu'il touche aussi aux limites objectives à ne pas dépasser. C'est ainsi que nous évitons, autant que faire se peut, les ennuis... De ceux qui nous perturberaient ou nous rendraient malheureux très longtemps et qui seraient non évolutifs et difficilement analysables dans la mesure où ils toucheraient une transgression de nature infantile...
Lilou.G
Logique et pratique...
Votre logique de raisonnement va beaucoup m'aider. Le contenu de vos commentaires est très pratique et je pense facile à garder à l'esprit et à appliquer...
Je vous adresse des mercis sincères et je vous souhaite un excellent W.E.
linda
Dire non
Comme Gilbert a dit «Il est dangereux de dire oui,quand on pense non»
Une dame,avec qui je travaillais,me disait qu'elle devait prendre plus de repos,elle ne dormait pas assez,elle rendait service à l'un et l'autre,elle avait bon coeur,toutefois,à trop vouloir ne pas déplaire en disant...Non...elle mettait parfois sa santé à l'épreuve.
Justement,elle est allée au bout de ses forces,mais,même si ce fut très difficile pour elle,c'est ainsi qu'elle a appris à dire non...elle a commencé à se respecter plus,et de voir ses limites