J'ai rêvé que je perdais mon boulot

Portrait de iverlaine

Depuis ce matin je suis trés angoissé : j'ai rêvé - enfin j'ai cauchemardé - que je perdais mon boulot (je suis commercial).

Le directeur me disait que j'étais prétentieux, que je faisais du zèle, que je raflais tous les marchés et qu'à cause de moi, les autres commerciaux n'auraient pas le cadeau qu'il voulait leur faire : il s'agissait d'un énorme livre miraculeux sur le bonheur qu'il me montrait avec son index, tout en vociférant. Il avait donc pris la décision de me licencier pour faute professionnelle.

Je me suis réveillé brutalement, en sueurs et très agité... Depuis je flippe !

Est-ce que vous pourriez analyser mon cauchemar ? Est-ce qu'il est annonciateur réellement de mon licenciement ou d'autre chose ?

Désolé de vous faire travailler la veille d'un long week-end et merci beaucoup...

Iverlaine

Portrait de Claire M. Psychanalyste

Bonsoir Iverlaine,

En pychanalyse, le cauchemar est souvent l'expression plus ou moins censurée d'un conflit inconscient entre des désirs qui butent contre des interdits et provoquent une culpabilité sous forme de besoin de punition, donc d'angoisse. Ils apparaissent souvent quand la personne subit une baisse d'énergie en lien avec ce conflit énergivore. Les contenus des cauchemars comme des rêves d'ailleurs sont exprimés sous forme de symboles souvent universels, mais qui sont « utilisés » d'une manière propre à chaque individu, c'est pourquoi, il est souvent difficile d'en analyser le contenu sans prendre le risque d'une analyse sauvage.

Cependant, puisque vous en faite la demande, je me permets de vous suggérer quelques pistes possibles qui pourraient vous mener à faire des liens personnels, mais à prendre avec réserve.

Tout d'abord, l'index (du directeur) représente traditionnellement le doigt moralisateur qui interdit. Mais il est aussi une partie de la main qui représente le « faire ». Dans votre cauchemar, les éléments en lien avec le « faire » sont plutôt des qualités qui pourraient être considérées comme telles par un directeur, mais elles apparaissent sous forme de « faute » professionnelle.  Comme si une forme de réussite dans le faire vous était interdite.

D'autre part, vous utilisez le terme « rafle » qui peut renvoyer à des faits de la deuxième guerre mondiale : de nombreux juifs dont les activités de commerce marchaient bien ont été victimes de rafles, ce qui a arrêté net non seulement leur réussite professionnelle mais leur vie. Peut être avez vous eu dans votre famille des ancêtres ayant été touchés plus ou moins indirectement par ce genre de drame.

Vous avez déjà parlé sur ces forums il y a quelques mois il me semble d'une volonté d'évoluer professionnellement, ce cauchemar pourrait traduire pour vous une culpabilité vis à vis d'ancêtres dont la réussite professionnelle aurait été stoppée, « interdite » par les circonstances extérieures . C'est pourquoi votre désir d'évolution pourrait, par fidélité à la filiation provoquer une culpabilité inconsciente et surtout injustifiée avec la menace d'être licenciée, telle une exclusion symbolique de la filiation, alors que les autres commerciaux récupèreraient la reconnaissance de la filiation, l'énorme livre miraculeux du bonheur, un bénéfice fantasmatique ?

Si par ailleurs, c'est à dire dans la réalité, vous ne faites pas l'objet de menace de licenciement concrète, cette angoisse n'est sans doute qu'une crainte de punition fantasmatique, et dans ce cas, vous pouvez être rassuré .

J'espère vous avoir apporté quelques éléments de réflexion.

Bien à vous.

Portrait de M.Christine

Très belles explications de Claire .

Je viens rajouter une interrogation :

Ce qui me frappe, c'est que  dans votre rêve, vous semblez usurper une place que vous ne méritez pas . Est-ce que dans votre famillle on vous a fait sentir que vous n'aviez pas votre place, que vous gêniez quelqu'un, que votre présence ou vos talents empêchaient les autres d'être heureux ?

Portrait de Sofia M

En lisant les exégèses de Claire et de M. Christine, on constate une fois de plus combien il est difficile de proposer une interprétation onirique en dehors du contexte d'une séance psychanalytique et de l'histoire actuelle et passée du " rêveur "... Cette réserve émise et personnellement, leurs points de vue respectifs m'ont intéressée mais je me permets d'y ajouter une hypothèse autre...

Il y a en effet, dans le matériel que vous livrez, un rapport (hiérarchique étant donné le contexte que vous décrivez) très fort dans le sens du lien dominant-dominé. Cette scène vous fait occuper la place du dominé et, de fait, un problème de rivalité avec un homme.

En ce qui me concerne et compte tenu de ce que je sais du principe de l'analyse du rêve, il faut se méfier des images manifestes. Il est nécessaire, à l'inverse et par prudence, d'essayer de rejoindre le contenu latent méthodiquement. Par voie de conséquence, j'ai été tentée d'aller voir ce qui pouvait se cacher non pas du côté professionnel mais plutôt du côté du registre affectif, sentimental... Une piste m'est alors apparue raisonnable : le livre du bonheur ! Cette indication précise, me semble-t-il, fait quitter le social au profit du domaine amoureux car si un employeur " doigt " offrir un ouvrage à son équipe, celui-ci traitera de réussite, de performances, de challenge...

Si je continue dans la direction du cœur, l'index peut donner une superbe indication. Ce doigt se situe en le pouce et le majeur : " pouce " peut permettre d'entendre " pousse " (jeunesse) mais encore " pousse(r) ", mais aussi, en langage enfantin, " stop ", soit une hésitation, une oscillation entre envies et interdits. Cependant et c'est très positif, le terme " majeur " explicite une possibilité d'envol légitime. Le contexte semble œdipien. Il s'agirait donc d'un problème sentimental que vous aimeriez résoudre (la personne qui vous attire est-elle libre ?), ou d'un désir amoureux que vous ne vous autorisez pas (encore) par crainte d'un refus... Toutefois, ce qui me fait opter non pas pour une amoureuse déjà en couple, c'est - et j'y reviens donc - le " majeur " donnant une légitimité à votre désir, et donc - par déduction - pour une " retenue " qui s'étaye sur une angoisse que vos sentiments ne soient pas partagés. D'où le " licenciement "... 

Je pense pouvoir dire que vous ne serez pas éconduit et que la personne convoitée partage vos sentiments en raison de l'expression que vous avez utilisée : " je perdais mon boulot ". Ce qui signifie : perdre votre travail, soit : ne plus travailler, donc ne plus vous fatiguer, ne pas mettre d'énergie dans un doute injustifié... C'est véritablement ce qu'induit votre inconscient. En outre, si on se réfère à Nietzsche en reprenant l'idée du bonheur, pour lui le bonheur est " le sentiment que la puissance croît, qu'une résistance est en voie d'être surmontée "... Une résistance surmontée : vous n'avez donc plus d'inquiétude à avoir ! Je vais être un peu triviale : vous ne prendrez pas de râteau !!!

Il s'agit-là de mon modeste regard sur votre rêve mais dont l'exégèse m'a passionnée, me faisant fouiller dans mes études psy... Un grand merci donc...

Portrait de iverlaine

J'étais tellement mal que je me suis octroyé une petite escapade chez un copain dans l'Ardèche. Ça m'a fait du bien car il m'a un peu sorti du trou dans lequel je m'étais mis a priori tout seul car, c'est juste en rentrant que j'ai découvert vos commentaires que je m'étais interdit d'aller consulter pendant ce week-end prolongé...

Je suis on pourrait dire quasiment complètement rassuré... Effectivement, je me suis épris " grave " d'une femme mais qui est de 8 ans plus âgée que moi et c'est ça qui m'a bloqué jusque-là alors qu'après plusieurs rencontres et sorties ensemble, elle m'a avoué ses sentiments amoureux pour moi... Par contre, je ne lui ai pas dit les vraies raisons de mon hésitation. Je lui ai juste raconté que je sortais d'une rupture difficile... Il'est sûr que l'interprétation de Sofia me fait envisager les choses autrement... Inutile de vous préciser combien le fait que je n'ai pas de risque de perdre mon job m'a rassuré... C'est vrai qu'au réveil de mon cauchemar, même si je me suis senti très mal, je ne voyais absolument pas pourquoi je perdrais mon travail vu les chiffres que je fais et la confiance du boss qu'il m'accorde... Peut-être que vos divergences de point de vue me font pencher du côté qui m'arrange mais, après tout, je verrai bien !

Je voudrais quoi qu'il en soit vous remercier chaleureusement d'avoir bien voulu m'aider à y voir clair...

Bonne après-midi,

Iverlaine