Musicienne amatrice, le matin j'aime bien démarrer la journée en musique. Ce matin, c'était la musique des valses de Strauss que j'ai écoutée tout en déjeunant. M'est venue alors une discussion que j'ai eu avec une amie à propos de l'interdiction d'un concert de rap dans ma ville. Je signale que la municipalité est gérée par une équipe adhérant à des idées que je ne partage pas tout en les respectant. L'idée sous-jacente serait que le rap est violent. Mon amie pense d'ailleurs que c'est le signe d'une société décadente. Je n'aime pas particulièrement le rap, mais il me semble que c'est un moyen d'expression de la jeunesse comme pouvait l'être le rock à mon époque. Quel est votre avis sur la question ? Faut-il censurer le rap pour éviter que la société régresse ? Vos avis m'interessent, qu'ils soient simplement personnel, d'ordre artistique ou philosophique. Merci par avance !
Juliette
Un miroir
Je ne suis pas adepte du Rap mais je ne vois pas en quoi cela ferait régresser une société. Pour cela, il faudrait que tout le monde écoute du Rap, ce qui n'est pas le cas. La musique, les livres, le cinéma, la danse... sont les témoins de la société. Ils sont les miroirs d'une époque. Nous sommes dans une société régressive alors, oui, cette musique la reflète.
Jean
Mes fils " râpaient "
Mes fils ont eu leur période " râpage ". Je crois que ça leur a permis, comme toute médiation artistique, d'exprimer l'agressivité qui ne pouvait pas se dire en direct. Depuis, ils ont plus de 20 ans, ils sont largement passé à autre chose. Je n'aime pas particulièrement cette musique et j'ai même fait à une époque une allergie. Mais c'est surtout qu'elle me faisait peur. Et quand on a peur, c'est pas très bon signe ! Je sais que du rap est né le slam, plus poètique et moins violent. Il serait intéressant de voir comment et où s'est développé cette forme d'expression. Je crois que les balbutiements sont déjà dans le rythm and blues et des morceaux comme " sex machine " de James Brown dans les années 1970 annonçaient déjà la couleur de cette façon de scander des mots non chantés sur une musique entêtée...
nanou-69
Le rap peut être éducatif
Mon école se trouve dans un quartier défavorisé; il y a une association qui s'occupe des jeunes désoeuvrés. Dernièrement les éducateurs ont proposé de leur faire enregistrer des morceaux de rap sur des paroles qu'ils devront écrire. Du coup, ça a permis qu'ils engagent des discussions et qu'ils s'appliquent à être régulier. le rap, c'est pas que de la violence et puis il vaut mieux lâcher sa rage en musique que faire des c... en réel.
Cécile
La musique avant tout
C'est sûr que si, en tant qu'adulte, nous avons du mal avec ce type d'expression, pour les jeunes c'est quand même de la musique. A une époque, les radios censuraient le rock au point de casser les disques vynil de Johnny. Maintenant, le rock and roll est presque une musique de vieux (rires !)... A chacun son temps donc, et , comme le dit Juliette la musique rap n'est qu'un reflet de la société. Le problème ne vient pas du rap en tant que tel. Merci pour vos réponses et joyeux samedi, en musique en ce qui me concerne. A défaut de râper, je " valse " à 3 temps !!!!
Sylvie-0570
Un triste constat 40 ans plus loin...
Il est difficile de parler de décadence liée au rap dans la mesure où notre société bienpensante a tôt fait de mettre le hola dès qu'on essaie de parler d'une dérive.
Je travaille dans le milieu du showbiz et ce qui me gêne dans ce genre musical, c'est ce que certains adeptes, vaguement musiciens, encore plus vaguement chanteurs, en ont fait car s'il s'agit de " bavarder " (To rap) sur une musique aux origines hip-hop, le vocabulaire et les accents sonores gutturaux sont devenus atrocement vulgaires pour la plupart et traduisent une mauvaise intégration d'individus que les politiques toutes confondues ont attirés par démagogie pour mieux les laisser tomber ensuite...
Lucien
Oui, il y a décadence !
Merci Sylvie de dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas et dont je fais partie... La langue française est en grande difficulté et les élus gouvernementaux font semblant de tirer la sonnette d'alarme. Il y a quelques jours, j'ai entendu par trois fois à la télévision des médias utiliser l'expression " Être en capacité de... ".... Cette faute de grammaire est devenue courante, y compris chez les journalistes qui ont oublié qu'ils devraient " avoir la capacité de "... bien s'exprimer !
Danièle-Dax
Le rap n'est sûrement pas thérapeutique
Nous avons des voisins charmants. J'ai vu grandir leur fils qui a maintenant 18 ans. C'était un enfant adorable et bien-élevé. Vers l'âge de 14 ans, il a commencé à changer de " look " et à se transformer peu à peu en rappeur. Mais ce n'est pas tant sa casquette de travers et ses vêtements qui m'ont gênée, c'est son accent... abominable... dont je me demande comment il fera pour s'en débarrasser... Il parle par saccades sans articuler... Il baisse facilement la tête quand je le croise. Il semble très mal dans sa peau et je n'ai pas l'impression que c'est le rap qui le soignera...
Ludo_437
On tombe dans le rap parce qu'on est mal dans sa peau !
Chaque grande fresque historique a utilisé des mouvements musicaux pour crier sa révolte. Le rap est le témoin de sociétés régressives. N'oublions pas qu'aujourd'hui certains pays, dont les États-Unis, la France, permettent le bombardement de populations innocentes selon des accords douteux entre partis. Certaines de ses victimes, quand elles arrivent à fuir, croient qu'en venant dans l'Hexagone en particulier, cette terre d'asile les accueuillera et les sauvera. Que nenni ! Et ça fait des décennies que ça dure... Alors le rap appartient à des énergies réactionnaires qui nous " bombardent " à leur tour de sons et de paroles schizophréniques... Mais à qui la faute ?
Gilbert
Un âge de discorde et d'hypocrisie
Les Ecritures hindoux disent que nous vivons l'âge de Kali (une ère de discorde et d'hypocrisie). Sylvie et Lucien, chacun à leur façon en expriment les symptômes, y compris au niveau politique et médiatique. Le problème c'est que certains extrêmismes s'en servent aussi pour revenir à un soi-disant âge d'or en diabolisant le "rap ". Un peu facile à mon sens. Mais bon, pourquoi pas ! Nous verrons bien dans 40 ans, enfin ceux qui sont jeunes en tous cas...
Amélie
Pas évolutif
C'est plutôt insupportable ce genre de "son" à mon oreille... Et lorsque il m'arrive, en voiture, de me trouver à coté d'un véhicule, qui met à fond ce son là, c'est plus fort que moi, je ferme ma fenêtre... tant je me sens "agressée". Et je n'arrive pas à véritablement parler de musique, dans ce cas... peut-être mes oreilles sont-elles "dépassées"... mais pour moi, la musique, c'est avant tout un art permettant une sorte "d'unisson", comme une recueillement... à des "vibrations plus hautes" dans le bon sens... Mais ce que dit le rap, pour le peu que j'en ai entendu, c'est violence et apologie d'être contre la loi... Il n'y a pas de chant à proprement parler, mais vociférations... Et désolée, mais rien à voir avec le rock... A partir de là, je ne vois pas ce que ça peut engendrer de positif et d'évolutif...
Cécile
Au moins, on s'exprime ici !
Je comprends, Amelie, que vous exprimiez votre opposition. Je ne pensais pas que ce sujet allait généré autant de réactions. Mais j'en suis heureuse. Pour ma part, je ne crois pas que ce cri de révolte, certes très agressif, n'évolue pas dans un sens plus porteur. Témoin, le slam, issu quoi qu'on en dise du rap, et qui commence à faire une large part à la poésie. Le lotus ne pousse-t-il pas dans la fange ? Quant au rock, il y a le metal heavy par exemple, que je ne supporte pas tant il est violent. Je lui préfère Chuk berry, le rock des origines (années 60). Lorsqu'il est arrivé en France, les spectateurs cassaient les fauteuils et les rockers étaient considérés comme des voyoux au blousons noirs. Depuis il s'est assagi... Il est devenu présentable. Même nos politiques adorent Johnny !!!! Gageons que le rap suivra le même chemin.
rephil
Le rap ? Sans aprécier
Le rap ? Sans aprécier particulièrement, le mouvement comprend divers styles et tout n'est pas sans intérêt. Une décadence ? Dans les années 60, le rock fut perçut par certaines personnes plus agées comme une décadence.... Cette notion ne serait-elle pas une résistance au changement du type, avant, c'était mieux ? Ne percevons-nous pas le passé, un peu , comme un paradis perdus dans une douce nostalgie ? Nous avons dur parfois, avec nos ados et leurs mouvements d'appartenances, leur façon d'être non conformistes dans un autre..... conformisme
.le Le dialogue n'est pas toujours facile.... Nous avons des déceptions entre ce qu'il nous semble meilleur pour eux et qui, parfois, se lie à nos propres aspirations (parfois ratées ou espérées)...... Quel âge ont vos enfants, chère madame
-le médecin à trois ans et l'architecte a trois mois*biggrin*....et le premier sera peut être artiste et le second poète. Il faudrait peut être dire, en parodiant Kipling,"sois heureux et tu sera un homme mon fils" ......mais tu va me lâcher cet ordinateur et bouger un petit peu, zut ! (oui, rien n'est simple)
Jean
Une question de dialogue !
Je vous rejoins un peu Rephil et en profite pour vous souhaiter la bienvenue sur ces forums. Je ne me souviens pas avoir lu encore un de vos commentaire sur ce site que je fréquente tous les jours depuis plusieurs mois, tant il m'apporte en terme d'évolution à la fois sur ma vision du monde et ma connaissance de moi-même.
J'ai dit plus haut que mes deux fils avaient râpé. Et j'avoue que je n'étais pas tranquille. j'ai pourtant connu ma période rock d'adolescent mais le rap, c'est autre chose. C'est un autre monde, une autre époque, vous avez raison. Aujourd'hui, leur goûts musicaux sont beaucoup plus éclectiques. Merci pour cette citation de Kipling : dit par Bernard Lavillier, " If " est superbe, c'est aussi quelque part du rap... Lavilliers ne chante pas mais parle... Je rejoins quand même une foromeuse qui dit que l'on rape quand on est mal dans sa peau. Mes ados, je ne suis pas dupe, n'étaient pas très bien aussi... Mais comme moi, je l'étais à leur âge !!!!
Isabelle
Discussions...
Pas fan du tout de rap... comme le dit Amélie, mes oreilles sont peut-être un dépassées... Mais je m'y suis quand même, un peu... très peu... "intéressée", parce que mes deux grands fils, adultes maintenant, ont eu leur période... Ce qui a généré certaines discussions qui n'étaient pas inintéressantes en soi, avec eux... Peut-être aussi, parce que j'ai bien été obligé de constater, que de mon côté, à leur âge, j'écoutais sans gêne aucune, ACDC par exemple... (qu'ils n'ont, bizarrement, pas particulièrement apprécié ni l'un ni l'autre d'ailleurs...), même si mes goûts musicaux étaient très éclectiques, et le sont encore...
Mon troisième fils, jeune ado, est fan de Soprano... Issu du rap, Soprano a fait le choix, semble-t-il, de "vulgariser" avec, un sens du texte autant que de la voix...
Mais là encore, discussion notamment avec mon fils aîné, qui dit qu'il préfère le voir en concert à Marseille, que d'écouter son dernier album...
Cependant, je pense qu'effectivement au-delà d'un effet "génération", ce que véhicule le rap, peut-être très discutable et tout autant démontrer le malaise réel d'une part montante de la population... Le tout étant de ne pas en être dupe peut-être... la tolérance n'étant pas nécessairement aux antipodes de la vigilance...
Thierry
Le son -sang- d'une communauté blessée et humiliée
Le rap semble au premier abord se rapprocher de la culture africaine. En s'exprimant dans la grande tradition noirs des griots d'Afrique occidentale, des prêcheurs d'églises, des field et des street hollers, les rappeurs renouent avec les sermons, les incantations et les cris de désespoirs d'une communauté blessée et humiliée.
Héritiers des bluesmen, vocaliste de gospel et de rythm'n blues réuni, le rap trouve une nouvelle forme moderne "d'urgence verbale" au début des années 70. Le premier disque de rap semble être celui de "the last poets", 3 poètes qui scandent des textes d'appel à la révolte suite aux arrestations par le FBI et aux assassinats des leaders des black Panthers. Le disque sera immédiatement interdit mais grâce à l'arrivée de Gil scott heron, le rap va acquérir ses premières lettres de noblesse.
Gil scott heron maîtrisera l'art du "spoken word" (poésie orale) comme personne et sortira dès 1971 "Pieces Of A Man" qui reste à ce jour une référence dans l'univers du rap, avec plusieurs titres emblématiques : The Revolution Will Not Be Televised, Save The Children et The Prisoner, notamment. Ce poète martèlera ses mots - maux - sur fond de percussions : "il y a 3 siècles, j'étais un esclave, il y a 10 ans j'étais un nègre ; aujourd'hui je suis un homme noir, citoyen de seconde classe ...". Jusqu'à sa mort en 2011, il utilisera sa plume pacifique pour dénoncer les travers d'une société américaine corrompue par le conservatisme politique, le racisme, l'inculture et les méfaits de la drogue ou de l'alcool ("The Bottle"). Il sera considéré comme le père de la protest soul et du rap et par le gouvernement américain comme "le plus dangereux musicien vivant".
Par la suite, ce sera les procédés électroniques qui apporteront un nouveau souffle à ce style musical : les bruitages, le scratch mixing, le punch phrasing viendront faire sauter les aiguilles de toutes les platines des DJ et des MC - Master of Ceremony - de la planète. Tout y passera, des jungles pub aux discours du révérend Martin Luther King ou de Malcolm X ; détournements et transgressions musicales assuré ! Les rappers rivalisent d'ingéniosité pour transmettent leurs messages : grandmaster flash ("The message"), les rapper's delight ("SugarHill gang") ou autre Public Enemy feront les beaux jours de la mythique émission Soul Train.
A partir des années 90, la production musicale prendra la direction de thèmes de la violence des gangs, des armes à feu et une certaine forme de cynisme assez radical...
C'est à partir de cette période que j'ai un peu décroché pour rejoindre les fans de jazz, funk et de blues...
Il en faut pour tout le monde
Et comme l'a si bien écrit Friedrich Nietzsche : "sans musique, la vie serait une erreur". Alors bonne continuation musicale à vous !
Quelques sites internet à visiter sur le sujet :
- http://www.gilscottheron.fr/
- https://www.youtube.com/watch?v=shiUC37DUzw&list=PLDQ45hujDIQ0j3SzicWA1hrYroFnSgdSl&index=1
- http://jaimelerap.over-blog.com/article-i-le-rap-est-un-genre-musical-revolutionnaire-46487763.html
- http://cloud.lib.wfu.edu/wiki/langagesociete/index.php/L%27influence_du_rap_sur_la_culture_des_jeunes_francais
Cécile
De quoi véritablement se faire une idée !
Merci infiniment, Thierry, d'avoir pris le temps de construire ce post fort documenté. Je vais prendre le temps de parfaire ma culture musicale grâce à vous. Je crois d'ailleurs que je vais faire appel à vous plus souvent, dans la mesure de vos disponibilités bien sûr. Vous apportez du concret, de l'histoire et ça me plaît !
Encore merci !
Cécile
Thierry
Des cas dance soucis étale
Merci pour votre retour positif sur mon post d'hier soir. Je suis heureux que ces éléments puissent vous apporter des informations supplémentaire sur le rap.
J'ai beaucoup aimé la conversation avec votre amie qui vous a fait vous questionner sur ce sujet... Le rap signe de la décadence sociétale et de violence. Je reprendrai plutôt l'expression de Gilbert. R. Psy qui parle de « malaise ».
Si on se replonge dans le contexte social des années 70, 80 aux États-Unis, sous l'ère Reagan, les inégalités pour la communauté noire se sont accrues : baisse significative des crédits sociaux, des aides à la santé et au logement, progression du chômage, de la violence, etc :
- 35 % des noirs vivent sous le seuil de pauvreté contre 5% de blancs
- le taux de chômage dans la communauté noire atteint 15 % là où il n'est que de 6 % dans la communauté blanche
- Le meurtrier noir d'un blanc risque 10 fois plus souvent la peine de mort que si la victime est noire
- la communauté noire représente 12 % de la population du pays mais représente plus de 45 % de la population carcérale.
Donc pour répondre aux propos de votre amie, il y une certaine "décadence sociale" et de la violence dans les paroles des rapper. Néanmoins, je pense qu'elles ne sont que le reflet de ce que vit la communauté noire, qui utilise le rap pour nous faire partager leurs maux. Ces mots, nous ne voulons pas les entendre ou l'on préfère les trouver inaudible. La manifestation de la souffrance d'autrui (physique, psychologique, sociale et spirituelle) est toujours difficile à accepter car elle nous met face a notre propre douleur.
Peut-être que le principal message de la musique rap se trouve ici, dans cet appel à l'aide musicale pour une société multiethnique plus équitable et plus respectueuse. Une société responsable, qui permettrait à tous les membresde la famille humaine de conserver sa dignité.
Merci Cécile
Cécile
Un société responsable, oui bien sûr !
Je reprends votre expression, Thierry, " une société responsable ". Nous sommes bien d'accord ! Et cela concerne chacun de ses membres, à commencer par moi ! D'où l'intérêt de nos partages. Je vous souhaite une excellente journée !-)
Gilbert. R. Psy...
Une urgence verbale !
Je ne connaissais pas véritablement cette anamnèse conçernant le rap, mais j'ai noté l'expression " urgence verbale ". Quelle qu'en soit la forme et les jugements, il s'agit d'entendre le malaise s'exprimant plutôt que de le rejeter en vrac. Merci Thierry !
Cécile
Un rythme martelé, saccadé et artificiel !
Je pensais à la notion de rythme dans le rap. Il est martelé, répétitif, entêtant. Presque guerrier ! C'est un rythme saccadé, dit artificiel par certains spécialistes du bien-être. Il serait générateur de stress !