Quelle est la différence entre l'action juste et l'agitation ?

Portrait de Gilbert

A la page 260 de " L'enseignement de Ma Ananda Moyî ", j'ai lu " Il est tout naturel que l'Homme soit agité de temps à autre. Néanmoins, essayez de dépasser rapidement le stade de l'agitation. Le temps passe vite. ".

Je suis de plus en plus fasciné par la réflexion que peut apporter cet ouvrage. Je me dis que l'on ne peut pas se passer de l'action. Mais, comme dit Marc Traverson dans " La Zen attitude ", il faut se méfier de ce qu'il appelle " le bougisme ", le fait de s'agiter pour échapper au temps. Je me demande comment faire la différence entre l'agitation futile et l'action juste. Si vous avez des pistes, elles sont les bienvenues !

Portrait de Sofia M

Cette question est très difficile bien entendu car nous sommes tous différents les uns des autres et nous avons toutes et tous une destinée particulière qui nous est propre.

Pour autant, je pense que l'agitation n'est jamais productive. J'ai une collègue de travail comme ça : elle bouge tout le temps, se déplace avec des dossiers sous le bras, dans les mains mais, au final, ce n'est pas une bonne employée. Elle manque d'idées, d'efficacité... En somme, elle remue de l'air pour pas grand-chose !

À l'inverse, l'action juste - même si elle nous bouscule et nous fait aller vite tous azimuts - est toujours suivie de résultats tangibles très positifs et évolutifs en permanence...

Portrait de Jean

Je suis originaire du midi et dans cette région, les anciens emploient le terme " brasseger " qui signifie " brasser du vent ". En clair, cette forme d'activisme correspond tout à fait à ce dont vous témoignez, Sofia. On connait tous de ces personnes qui courent dans tous les sens pour un résultat faible. Il s'agit en fait d'apparence. Vous avez aussi raison de dire qu'une action juste peut être rapide. Devant un danger réel, par exemple, mieux vaut se bouger que d'attendre que les tuiles nous tombent sur la tête (rires !).

Portrait de cricri

Tout ceci me fait penser à Marthe et Marie, les deux sœurs qui reçoivent Jésus.

Marie écoute religieusement Ses paroles. Tandis que Marthe s'agite dans la cuisine...

Bien des foromers connaissent l'intervention du Christ à la suite de l'étonnement de Marthe quant au comportement passif de Marie, et Jésus qui donne donc raison à la sagesse de Marie... Des Psys y verraient sûrement un scénario œdipien pétri de jalousie entre les deux sœurs... En ce qui me concerne, je me permets d'envisager cette scène différemment, comme l'obligation qu'a tout être humain de savoir se " re-poser " par moments, c'est-à-dire écouter son dialogue intérieur pour ne pas perturber son entourage par des projections et autres pollutions. Je reste bien sûr ici au plan humain mais il serait intéressant - comme toujours - que d'autres foromers viennent donner leur analyse, y compris religieuse...

Portrait de Cécile

Pardonnez-moi ce titre mais l'épisode de Marthe et Marie me fait penser à cela. Parfois, nous agissons par habitude mais sans conscience véritable. Des actes habituels qui peuvent tourner à la névrose obsessionnelle, comme dirait peut-être les psys. Au niveau religieux, je pense aux rituels fait par tradition et qui n'ont, au fil des habitudes plus aucun sens. Je suis croyante mais pas pratiquante... Mais je l'ai été ! Il fallait " faire " sa communion, puis " faire " sa confirmation, " faire ses pâques "... Faire le ramadan, pour certains musulmans est je pense de cet ordre là. Mais on le retrouve, je crois, dans toutes les religions. Je crois que l'agitation, au quotidien, c'est agir sans véritable conscience. Parce que " ça se fait " ! Je crois que Marie n'est pas une fénéante mais elle a besoin de se " ressourcer " à sa vérité pour pouvoir poser des actes imprégnés d'amour et non simplement mécaniques... Cela me fait penser aussi à un enseignant sérieux et travailleur mais qui servirait exactement le même enseignement pendant des années sans s'arrêter pour s'interroger sur sa réelle efficacité. Ne pas se " re-poser " est effectivement une sorte d'évitement à l'interrogation salvatrice. J'aime bien aussi cette notion de projection que vous évoquez. Finalement Marthe projette sur Marie mais ne tient pas compte d'elle ni de Jésus d'ailleurs, ce qui est plus embêtant !

Portrait de Gilbert

Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de donner votre point de vue sur ce passage de l' " Enseignement de Mâ Ananda Moyî ". Ce sont des posts qui me font avancer vraiment. J'ai beaucoup aimé le lien biblique de Marthe et Marie. Comme quoi, le Christianisme et les Evangiles contiennent des trésors d'enseignement desquels je passe souvent à côté, par habitude justement. Pas besoin de s'agiter pour aller chercher très loin ce qui est parfois à porter de main. Merci à vous et très bonne soirée !

Portrait de nanou-69

La question est trop compliqué pour moi. Alors je n'ai fait que lire ! Par contre j'avais un a priori sur la Bible mais j'ai bien envie de connaître cette histoire de Marthe et Marie; c'est vari qu'avec mon caractère d'agité, je me reconnais plus dans Marthe...

Portrait de Gilbert

Au sujet de l'action juste, une émission bouddhiste m'a donné un éclairage. L'invité disait que chaque acte a ses conséquences. L'action juste serait celle posée en prenant en compte des conséquences qu'elle peut engendrer. C'est un peu la notion de karma (terme qui signifie action). Dans l'agitation, il semblerait que n'existe pas cette prise de conscience des conséquences...

Portrait de Isabelle M.

Et si l'exemple de Marthe et Marie symbolisait la dualité féminine en particulier, mais Humaine aussi ? Qu'il appartient à chacun d'entre nous d'équilibrer, de mettre en "ordre", pour tendre vers l'unicité de l'Etre. D'autant que si je ne dis pas de bêtise, il me semble me souvenir que Marthe et Marie seront ensuite témoins et messagères de la Résurrection de Jésus devenu Christ... Au fond, Marie "passive", l'est-elle en réalité puisqu'elle accepte cette nécessité "d'être enseignée" pour sans doute ensuite "se mettre en action" ? Parce qu'en fait, rien n'induit qu'ensuite elle "reste passive" c'est-à-dire sans faire... Marthe est dans "l'action" avec cette "préoccupation" de "bien faire"... Mais lorsqu'elle dit à Jésus qu'elle ne comprend pas l'attitude de sa soeur et que Jésus lui répond que Marie est dans le juste... N'est-ce pas pour nous permettre d'intégrer que pour "être à la place qui appartient à chacun", il y a un ordre à respecter, voire peut-être à "modifier" dans notre façon d'être... Ce que je crois, la psychanalyse permet d'intégrer également... Et comment tendre vers une écoute intérieure, et donc tout autant laisser notre âme s'exprimer, si nous commençons par le "faire". En écoutant l'Enseignement du Maître, Marie fait preuve de sagesse puisqu'alors il y a bien cette notion d'ordre premier "écouter" pour "faire" et donc tendre vers le "réaliser". Bien sûr on peut tout à fait se dire que Marthe elle, n'en n'est plus là, qu'elle est déjà dans l'étape suivante du "faire"... Mais alors, elle ne s'adresserait pas de cette façon à Jésus, et n'aurait pas en retour la réponse qui lui est faite... D'ailleurs, cette état d'écoute intérieure et donc de recueillement et de prière aussi, on le retrouve dans la plupart des communautés religieuses au sens le plus large. Toutes mettent en pratique, tôt le matin, ce premier "faire passif" avant que d'être dans "l'action" dans la journée, et d'ailleurs, la journée active se termine aussi par la réflexion et la prière. Tout comme, si on élargit au ryhtme d'une vie, il y a nécessairement des "phases" de remises en questions, cette incontournable nécessité de prendre un temps "d'écoute intérieure" comme pour plus de recueillement et "ajuster la mise en action" délivrée d'un incertain sentiment d'injustice... Une question de ryhtme qu'il nous faut "réajuster" pour avancer encore vers la réalisation qu'elle qu'en soit la forme... Autrement dit, Marthe et Marie sont miroirs de ce que signifie forme et fond pour tout être humain autant que pour l'Humanité... En tout cas, c'est ce que j'en comprends à aujourd'hui...

Portrait de Gilbert

J'ai lu avec attention votre post, Isabelle. J'ai particulièrement aimé cette notion de rythme entre la passivité et l'action. Se remplir pour donner. Se laisser inspirer pour expirer dans le sens d'inspirer l'autre, de transmettre. Egalement cette notion de prière dont Gandhi (loin d'être inactif) disait qu'elle est " La clé du matin et le verrou du soir ", ce qui est une synthèse de ce que vous développez. Décidément Mâ Ananda Moyî nous offre de magnifiques échanges. Encore merci à tous les foromeurs !