Accueillir la douleur

Portrait de Carole Vallone

Ce titre n'est pas une insulte destinée à tous ceux qui souffrent de leur corps. Sûrement pas. D'ailleurs, qui n'a jamais ressenti de migraines quasi invalidantes, de maux de dents épouvantables, de douleurs abdominales violentes, de dorsalgies plus ou moins supportables ? L'être humain est ainsi rappelé à l'ordre par son propre contenant, ce véhicule performant qui peut tomber en panne et le martyriser sans crier gare, les causes des dommages corporels étant nombreuses, avec des conséquences souvent incontrôlables au début des manifestations symptomatiques. Pourtant, pour moins souffrir, il faut accueillir la douleur, la médecine qui a fait des progrès gigantesques en un siècle dans ce registre pouvant parfois n'y pas suffire. Prenons en compte les témoignages de personnes atteintes d'un zona : même le traitement médical adéquat peut donner des résultats insuffisants, pendant des semaines, voire des mois, quant aux " brûlures " éprouvées par le malade... Quoi qu'il en soit, la douleur reste subjective dans la mesure où, en tant que signal, elle a des choses à nous dire. Le corps exprime à sa façon ce qui le blesse psychologiquement en premier lieu. Il a atteint ses limites. Lui aussi. Et il est bien évident que lorsque le soma n'en peut plus malgré les consultations et prescriptions médicales incontournables qui s'imposent toujours dans ces cas-là, il faut une solution d'urgence, solution toute personnelle qui se situe dans un accord/à-corps...

Quand la douleur atteint son paroxysme, un mauvais réflexe consiste à se mettre en position de défense : recroquevillé sur soi-même, souvent en position de foetus pour tenter inconsciemment de retrouver l'état paradisiaque de gestation où la protection maximum était assurée, le mal est à son apogée. En étant attentif, on constate cependant que son intensité fluctue, faiblit un peu, puis reprend plus aiguë, à l'image et à la mémoire des contractions utérines qui ont accompagné notre naissance, apparaissant, puis disparaissant pour réapparaître à nouveau pour que la naissance advienne. Mais, à ce stade de l'agression somatique liée à la maladie, il est donc absolument nécessaire d'adopter une attitude inverse de celle du repli physique sur soi. Certes, la douleur va revenir à son plus haut degré d'intensité et on la redoute... Admettons alors tout de suite de principe qu'elle est un message sensoriel intime et que, de fait, elle est légitime pour soi. Elle arrive tel un bourreau ? Il faut la laisser se déployer. N'est-elle pas chez elle ? Attendue comme une conseillère possible, accueillie comme matrice évolutive, elle prend sa place et investit maintenant tous les réseaux neuropathiques. Mais avec l'attention et le respect qu'on lui porte (ce n'est pas du masochisme), elle semble soudain et curieusement moins agressive car elle " délivre " et laisse un message à décrypter par l'intéressé. Elle devient intéressante. Elle prévient qu'il faut opérer un changement dans son existence. Quand elle aura complètement fini son travail, c'est-à-dire quand le psychisme aura compris et admis, elle s'en ira...

Commentaires

Portrait de Jean

Je trouve votre blog fabuleux, Carole, et en parfaite adéquation avec ce que transmet Arnaud Desjardins, auteur de " L'audace de vivre " et de " En relisant les Evangiles ". Il explique exactement ce que vous dites en considérant nos douleurs physiques telles des amies ou du moins si elles sont nos ennemies, il nous recommande de les aimer donc de les accueillir. Aucun masochisme, là aussi, dans la mesure ou nos douleurs existent sans qu'on les recherche. Elles ont effectivement des choses à nous dire. Difficile cependant d'appliquer la méthode en toute occasion. Commencer déjà par les petites douleurs ou " doux leurres " comme disent les psy. Merci pour ce lien que vous m'avez permis de faire ainsi que le désir que vous avez réveillé en moi de reprendre ces lectures pour essayer d'avancer avec mes propres souffrances physiques et psychiques.

Portrait de Isabelle

Je viens de donner sens, à des coliques néfrétiques dont j'ai souffert à plusieurs reprises, il y a un certains nombre d'années... Jusqu'à la dernière crise encore plus douloureuse puisque doublée d'une infection reinale... C'était sur un changement de vie personnelle, qui pouvait en soi déjà, attester de la difficulté à franchir... Mais, et c'est ce que je viens de réaliser en vous lisant ce blog... C'est que j'ai toujours dit, que cette douleur physique, était pire que les douleurs d'un accouchement... Pour faire "synthétique"... Ce qui me "renvoie" directement à la naissance des mes propres enfants, et bien entendu à la mienne... Hors, je n'ai plus de "problèmes" de coliques néfrétiques, maintenant que mes garçons sont plus grands... Et la somatisation reinale la plus "douloureuse" s'est produite avant que mon troisième fils ne soit conçu... Et en lien à cet enfant, la situation familiale est bien plus compliquée qu'elle ne l'était pour les deux premiers... Comme si mon corps m'avertissait de certaines difficultés à venir... Tout comme un accouchement va de pair avec une nouvelle vie... et tous les changements que celà implique...

Portrait de Lakshmi

C'est intéressant ce que vous dites, Isabelle. Il se trouve que j'ai eu ce type de douleur lorsque j'étais en plein " travail " sur moi. Et qui plus est, ma mère en a souffert aussi. Depuis, je n'ai plus de coliques " frénétiques ", comme disait Coluche... Enfin pour l'instant ! Mais votre analyse m'a beaucoup plu. Serais-je enfin née à moi m'aime ? Sachant que ce n'est jamais vraiment terminé cette histoire ? 

Portrait de Viviane

En lisant ce blog, je me disais, que c'est justement pour toutes ces raisons développées par Carole Vallone, qu'un accouchement "naturel" (sans péridurale), en dehors de toutes complications, est sans doute bien plus "porteur", tant pour la mère que pour l'enfant d'ailleurs...

Portrait de Gilbert

Je ne pense pas que Dieu soit sadique. Pour conforter la position " courageuse " de Viviane, il est peut-être intéressant de revisiter cette parole de la Genèse, me semble-til ! 

Portrait de Orlan

Je connais cette méthode surprenante de sagesse dont parle Carole Vallone.

Chaque fois que je l'ai appliquée, elle a toujours marché.

Je peux avoir des insomnies pénibles. Quand je vois que je ne parviens pas à m'endormir ou à me réendormir, je me dis : " Cette insomnie est chez elle. Je l'accueille comme j'accueillerais une amie. Qu'elle reste le temps nécessaire ". Et le sommeil revient ! Cela m'est arrivé encore pas plus tard que la semaine dernière. J'ai appliqué cette méthode. Quelques heures plus loin, une journée de travail énorme m'attendait. Je n'étais pas rassuré pour l'affronter, redoutant une grosse fatigue. Eh bien, je me suis levé sans aucune fatigue. Étant croyant, s'est imposée tout de suite à moi l'idée que " Dieu pourvoit à tous nos besoins ". Ce fut ma leçon du jour qui m'a permis de me souvenir que chaque fois que j'accueille avec sincérité ce qui ne me convient pas, je n'ai aucune conséquence négative par la suite...

Portrait de Danièle-Dax

Il,y a un an et demi, j'ai eu un zona. L'horreur. À force de chercher comment être apaisée, j'ai trouvé cette méthode d'accueil qu'utilisent notamment les bouddhistes. Je confirme qu'elle calme et qu'elle contribue à la guérison : même s'il n'est pas question de délaisser les traitements médicaux, elle nous fait prendre conscience effectivement qu'il y a quelque chose à changer dans notre fonctionnement.

Portrait de Michèle

Ce que vous dites, Orlan, me parle. Il m'est arrivé d'être débordée - lorsque j'étais en activité - par des soucis familiaux. Et c'est, paradoxalement, en stoppant mes luttes et mes peurs, c'est-à-dire en les laissant exister, que j'ai pu continuer mon travail avec - objectivement - un manque de sommeil. Je crois que j'étais même plus productive que si j'avais dormi mes huit heures " réglementaires ". Etonnant en effet. Je crois vraiment que lorsqu'on accepte, Dieu prend le relais...

Portrait de Mireille-cogolin

Cette technique me séduit beaucoup. Je vais essayer de l'appliquer avec ma sœur qui me cherche toujours des poux. En vous lisant, j'ai réfléchi à ce que j'allais ME dire quand elle cherchera à me faire de la peine. Voilà mon plan personnel :

- Si ma sœur se comporte comme elle se comporte avec moi, c'est que j'ai besoin de son attitude pour avancer. Je ne rejette donc pas ses propos. Je les accueille commes des messages précieux. Ma sœur est un messager tout aussi précieux "...

Merci pour ce blog et cette magnifique discussion qu'il a permise.

Mireille

Portrait de Juliette

J'ai fait un travail analytique et j'ai appris à entendre la douleur et à chercher ce qu'elle avait à me dire mais je pense que je ne l'accueillais pas car je faisais tout pour m'en débarrasser. Depuis peu, je pratique le Qi Gong et on nous enseigne à accueillir la douleur, à laisser agir.
Les deux pratiques m'ont permis de ne plus en avoir peur de la douleur et ensuite de l'écouter et de comprendre le message. Quel cadeau !
Merci Carole, vous me permettez d'en prendre conscience.

Portrait de Charles

Il y a une semaine, je me suis inscrit à un cours de yoga. Je pense que c'était le moment. Dans la séance de relaxation, le professeur insistait justement sur le fait de laisser venir les inconforts corporels mais aussi les pensées (même douloureuses) sans les juger ni lutter contre. Je pense que c'est un peu ce que vous décrivez, Juliette, avec le Qi Gong !

Portrait de Juliette

Oui, c'est la même chose Charles !

Portrait de Lila

Oui, accueillir la douleur, qu’elle soit physique ou psychique n’est pas une chose facile, apprendre à ne plus s’en défendre,  à la regarder en face et à écouter ses messages aussi, sans les juger. Mais en effet, quand à bout de force, on baisse les armes pour enfin l’écouter, car on a tout essayé et rien d’autre ne marche,  c’est vrai que l’on peut avoir la « chance » de rentrer en contact avec ses anciennes douleurs, celles  qui ont dû marquer notre inconscient alors que nous n’y comprenions encore rien à rien et qui aujourd’hui nous donnent quelque chose à comprendre.

C’est vrai que votre blog me parle beaucoup : quant à cette période de recroquevillement  sur soi, comme une mise en position fœtale pour lutter contre la douleur que l’on refuse, puis ces douleurs qui affluent et refluent quand même, au rythme du travail, tant que le message n’est pas compris et accepté :  changer, nous laisser aller vers notre  nouvelle vie, coûte que coûte, comme lors d’une naissance, cela me parle aussi. J’ai l’impression d’en avoir fait quelquefois l’expérience lors de périodes de changement particulièrement marquées et difficiles, mais inévitables aussi sans doute. Comme si ces périodes de transformation étaient marquées de l’empreinte indélébile laissée par  leur prototype originel : ma naissance :   « en siège », à ne pas pouvoir accepter l’aide du médecin généraliste accoucheur présent  sous peine de « perdre la tête » au passage, à ne pouvoir faire confiance qu’aux efforts de ma mère pour me « pousser » à sortir , à avoir des douleurs et des raideurs à la nuque et à avoir du mal à trouver "la bonne posture" de ma tête pour me soulager,  et surtout , à ne pouvoir ni crier ni respirer  tant que tout mon corps n’était pas sorti, sous peine de m’étouffer dans le ventre de ma mère.  Puis aussi à ne pas voir la lumière en premier comme la plupart des nouveau nés,  mais au tout dernier moment, quand tout est fini, et pas avant…C'est la délivrance...

Oui, j’ai l’impression que l’on peut avoir l’occasion de vivre cette expérience plusieurs fois dans sa vie, mais peut-être la vit on dans une bien moindre mesure un peu tous les jours aussi, lors de nos petites somatisations quotidiennes, sans vraiment y prêter attention, alors que nous pourrions sans doute déjà comprendre certains éléments auxquels nous ne prenons pas toujours le temps de nous intéresser.

Mes douleurs commencent à m'interresser ! Mais c'est une vigilance et un éveil de tous les instants….A méditer…

Portrait de Cécile

Dans le sens de ce blog, il existe des approches qui font avec la douleur plutôt que de la " cacher " avec des comprimés chimiques (ce qui n'exclut pas leur emploi quand c'est incontournable). Je pense à la sophrologie, par exemple, qui prend en compte son côté psychique. Je crois d'ailleurs que cette technique est issue du yoga.

Portrait de Joseph.Coach

 Je confirme le bien-fondé de cette technique que j'utilise pour moi et que je transmets à mes clients lors des séances. Nos douleurs sont de precieuses messagères  à laisser s'exprimer plutôt que de les éradiquer. Car je suis bien d'accord sur le fait qu'une fois le message compris, le voyant s'éteint de lui-même. Pourquoi notre corps manifesterait quelque chose qui n'a pas de sens , une utilité ?

Merci, Carole Vallone, pour votre audacieuse transmission... 

Portrait de Michèle

Oui, Joseph Coach. Si on a mal, c'est bien qu'il y a un voyant à prendre en considération.