Avant de décolérer, il semblerait plus logique de préférer apprendre à ne plus se mettre en colère.
Plus logique en apparence car il est impossible de ne pas se sentir en colère et de ne pas l'extérioriser d'une façon ou d'une autre. Certes, on peut parler de " colère rentrée " ou de " colère sourde " mais, dans ces cas-là, intériorisée, elle gronde à l'intérieur de soi et, accumulée, elle finit par engendrer des dégâts somatiques. D'ailleurs, ceux d'entre nous qui donnent l'impression de ne jamais se mettre en colère poussent à bout leur entourage personnel ou professionnel, se nourrissant de leurs réactions colériques. Toutefois, ce phénomène de bouc émissaire a heureusement ses failles car l'arroseur " planqué ", déguisé, muet, finit toujours par être arrosé ! C'est ce que la psychanalyse nomme " retournement de la pulsion en son contraire " ou encore " retournement de la pulsion sur la personne propre ". Tout ceci pour signifier que la colère est humaine et décrite comme normale dans les travaux de Sigmund Freud. À ce sujet, repensons à la colère de Jésus-Christ quand il a chassé les marchands du temple, leur rappelant que ce lieu sacré n'avait pas pour vocation d'être " une maison de commerce "...
La colère appartient au registre des émotions, comme la joie, la tristesse, la peur, etc. Toute émotion a son corollaire inversé. Ainsi, l'agressivité, une fois sublimée, se transforme-t-elle en combativité. Il ne s'agit donc pas de faire le procès naïf de la colère mais soulignons tout de même qu'il n'est pas question non plus de la confondre avec la violence. Certes, la colère est liée à Thanatos (la pulsion de mort) mais elle fonctionne avec des limites protectrices :
. Si un enfant de trois ans, échappant rapidement à la surveillance de ses parents, a poussé une chaise devant une fenêtre pour chercher à monter sur le siège, avec le projet de se pencher par-dessus la rambarde pour explorer l'univers, le rappeler à l'ordre en haussant sévèrement la voix suffira.
Dans l'existence, la colère juste et justifiable a réellement sa raison d'être. Pour autant, il s'avère incontournable de sortir de cet état une fois son angoisse, sa peur ou sa déception exprimée. Sinon, ne pas décolérer devient toxique. Mais comment décolère-t-on ?
En se souvenant de l'histoire du corollaire inversé. Si la combativité est la sublimation de l'agressivité, la paix est tout simplement la sublimation de la colère. Pour décolérer, il convient - de fait - de mettre en place immédiatement après sa réaction projective, tout aussi légitime soit-elle, de quoi calmer la blessure psychologique qui maintient l'exaspération. C'est-à-dire qu'il est indispensable de décider de faire quelque chose que nous aimons, même au travail :
. Après une colère professionnelle, ce serait une erreur que de traiter tout de suite un dossier difficile : il faut, au contraire, s'accorder le droit de s'occuper d'une tâche qui nous séduit.
. Après une colère personnelle, il est nécessaire de penser à soi, de se choyer. S'apaiser avec des citations de sagesse marche très bien (pour moi) mais ce peut être méditer quelques minutes pour décompresser et s'alléger de ses autopollutions, écouter de la musique, aller dans le jardin (même public), se l'approprier, respirer les senteurs (il y en a à toutes les saisons), toucher un arbre pour se charger d'une bonne énergie, écouter les chant des oiseaux et le murmure de la nature comme disait Carl Gustav Jung... Françoise Dolto confiait que quand elle n'en pouvait plus, elle faisait le tour de son pâté de maison ! À chacun sa recette. On l'a compris : le but consiste simplement à avoir recours à une manière calme de remettre quoi qu'il en soit les pendules à l'heure pour se sentir exister de nouveau.