Le " non " du père

Portrait de Chantal Calatayud

En France, 40 % de pères de famille séparés de leur conjointe ne s'acquittent pas de la pension alimentaire... Pourtant, la somme mensuelle à verser est bien faible pour la moyenne d'entre eux : 188 euros !

Comment ces hommes peuvent-ils se défiler alors qu'il s'agit non seulement de contribuer à nourrir leur enfant mais aussi à le vêtir ? Comment semblent-ils ignorer qu'une pension alimentaire versée comme il se doit participe à la construction du narcissisme de cet être en devenir d'adulte ? Comment ne savent-ils pas, à notre époque, que la reconnaissance paternelle est une marque d'amour qui contribue à structurer cet être pour toute son existence ? Comment ne comprennent-ils pas que cette forme de déni laissera des traces indélébiles pour la vie chez cette victime de l'immaturité de son géniteur ? Comment font-ils pour ne pas s'interroger sur les conséquences psychologiques graves qui pourront se manifester dès l'adolescence ? Effectivement, sur fond de mésestime de soi, l'ado - par mauvaise identification - aura beaucoup plus de risques de transgresser les registres de la loi. Une façon terrible et autodestructrice d'attirer l'attention sur lui. Et dire qu'il suffisait de si peu de choses au départ - quelques euros mensuels donc - pour que le fils ou la fille de ces pères irresponsables ne soit pas détruit(e) par des racines coupées brutalement et totalement d'une source humanisante indispensable...

C'est ainsi que la défaillance paternelle et son cortège de résistances égoïstes fabrique de futurs éclopés de la société. Amputés de cette jambe filiale essentielle, ils auront beaucoup moins de possibilités d'extérioriser leurs belles potentialités qui, souvent, resteront enkystées malgré leur intelligence, ce que constatent entre autres les enseignants. Certains viendront, un peu plus tard, grossir le nombre des chômeurs et des délinquants car n'omettons pas que la fonction du père est avant tout socialisante.

Bien sûr, des pères, qui n'ont jamais versé le moindre centime pour que leur enfant grandisse le mieux possible, pourraient démonter mon raisonnement en attestant que leur héritier a merveilleusement réussi... Ils ne le feront d'ailleurs pas s'ils ont un minimum de fierté... Espérons du reste qu'ils n'aient pas l'outrecuidance de penser se déculpabiliser avec ce type de rationalisation facile. Car, si l'avenir d'un être humain repose aussi sur des réactions inconscientes personnelles, comme aime d'ailleurs le rappeler Pema Chödrön, moniale bouddhiste, enseignante et auteur, insistant sur l'évidence que " notre névrose et notre sagesse sont faites du même matériau ", n'oublions jamais qu'un enfant laissé-pour-"compte" par son père, gardera toujours au fond de lui cette blessure qu'il portera comme une lourde croix jusqu'à son dernier souffle.

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