La ligue nationale contre le cancer a permis de soulever cette année ce qui, pour certains, est un véritable scandale : les femmes, atteintes d'un cancer du sein, se retrouvent - mastectomisées ou pas - avec des frais, pouvant être considérés comme incontournables, à leur charge, tels l'achat d'une perruque, de crèmes de soin hydratantes et cicatrisantes, d'un soutien-gorge spécifique...
À première vue, le plus choquant reste que la très grande majorité de ces malades ont cotisé parfois pendant de nombreuses années, continuent à le faire, et que cet argent était et est censé alimenter les caisses de la Sécurité sociale ! En outre, les cotisations assurance maladie d'assurés bien-portants sont destinées a priori (!) à permettre de pallier des sommes insuffisantes pour couvrir des dépenses sanitaires importantes... Ce dysfonctionnement étatique a donc de quoi mettre en colère, et à juste titre, l'ensemble de la population française.
Un second regard sur cette ineptie (apparente ?) est très différent et beaucoup moins complaisant : il s'agit de celui de la psychanalyse. Effectivement, Sigmund Freud a largement postulé du fait que nous n'étions pas atteints d'une pathologie, quelle qu'elle soit, par hasard. C'est d'ailleurs en ce sens qu'il a fini par supprimer la gratuité des cures. Ce scientifique a démontré que pour guérir de nos maux, encore fallait-il un engagement pécuniaire personnel, l'argent représentant - selon ses travaux - la pulsion de mort, touchant ainsi au moi sacrificiel. Pour lui, l'acceptation du réglement financier de chaque séance s'avère indispensable pour qu'une prise de conscience du coût permette l'arrêt de toute forme de masochisme. Ainsi a-t-il parlé de " l'influence correctrice du paiement ".
Depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale, on assiste - reconnaissons-le - à une banalisation de l'acte médical. La " Carte vitale ", mise en place depuis 1998, n'y est pas pour rien de son côté dans la mesure où le savoir du praticien est totalement dévalorisé par voie de conséquence. Le résultat est que les consultations médicales se déroulent souvent dans un climat proche de l'indifférence, durent de moins en moins longtemps et que le patient comprend vite qu'il n'a pas intérêt à s'étendre sur ce qu'il serait cependant essentiel qu'il communique de ses douleurs et autres angoisses... La plupart des médecins prennent beaucoup de vacances annuellement et les urgences affichent des files d'attente invraisemblables, dans des conditions aussi déshumanisées que discutables... Le cercle vicieux est désormais installé et, quant à le désinstaller, il n'apparaît guère raisonnable de l'envisager rapidement ! Je ne voudrais pas afficher un pessimisme affligeant mais, malheureusement, je pense que ce triste constat est facilement vérifiable, comme une sorte de contamination qui s'infiltre pernicieusement dans le lien transférentiel médecin/malade et vice-versa... Mais y a-t-il un remède ?
Personnellement, je ne le crois pas et, paradoxalement, cette idée ne me désespère pas ! Je peux en souffrir basiquement comme tout un chacun, je peux m'interroger mais, à la réflexion, je pense que nous assistons ici, dans ce domaine spécifique et complexe de la prise en charge des déficiences psychiques, organiques et corporelles, à une mutation inévitable de la société. Pour le saisir, il me semble qu'il est absolument nécessaire de resituer la médecine d'aujourd'hui dans un contexte économique global, victime de l'héritage facile des " Trente Glorieuses ". Cette belle époque a modifié les mentalités jusqu'à des exigences démoniaques en matière d'assistanat.
L'Hexagone ne peut plus avancer sur cette cadence, et encore moins évoluer de cette façon-là. Depuis plus d'un siècle, le darwinisme nous demande de nous adapter en souplesse aux changements progressifs de l'humanité qui a pour particularité de revendiquer sa liberté. Profitons alors de la possible mauvaise utilisation de nos impôts pour nous responsabiliser davantage encore, ce qui équivaut à nous engager à être acteur de notre vie et de l'Univers... " La vérité n'a pas d'heure, elle est de tous les temps, précisément lorsqu'elle nous apparaît inopportune ", assurait le docteur Albert Schweitzer...