Le 19 mai 1994 disparaissait Jackie Kennedy d'un cancer du système lymphatique.
Quelques mois après la mort de son mari JFK, elle avait donné une série d'entretiens à son ami et historien Arthur Schlesinger. Ces bandes sonores témoignent aujourd'hui d'une version très fantaisiste et subjective du passage du couple à La Maison Blanche, confidences dont la plupart n'apporte rien de sérieux sur un plan historique mais dont le contenu se révèle très narcissique de la part de l'intéressée qui s'accorde une place extrêmement importante sur la scène politique mondiale auprès du Président ! En outre, sa perception des Grands de ce monde - qu'elle avait rencontrés au titre de " femme de " - est plutôt caustique et même contradictoire tant elle les avait encensés lorsqu'elle était Première Dame des États-Unis... En font les frais, entre autres, Indira Ghandi qu'elle décrit " amère, arriviste, affreuse ", Martin Luther King qu'elle dit " bidon ", le Général de Gaulle qui - selon ses propos - aurait été " méchant "... Quant aux Français qu'elle dépeint " égoïstes ", elle avoue les détester...
Pour l'anecdote, on peut se demander ce qui a bien pu prendre sa fille Caroline à vouloir autoriser l'écoute de ces paroles discutables, plus tôt d'ailleurs que ce que sa mère l'avait désiré, car celle que la presse avait méprisée et baptisée Jackie O., après son second mariage avec Onassis, n'en sort vraiment pas grandie ?
Alors, de deux choses l'une pour qui a entendu ces enregistrements : soit on considère a posteriori que Jackie Kennedy était une personne détestable et imbue d'elle-même, soit on repense à la tragédie de Dallas. Me semble plus juste de considérer le drame du 22 novembre 1963 pour envisager que cette jeune femme, qui n'avait que 34 ans au moment des faits, ait pu développer un syndrome consécutif au choc abominable qu'elle a reçu.
Les images horribles, tout le monde les connaît : JFK qui, bien que se méfiant de Johnson, son successeur dans les heures qui suivront, arbore son sourire légendaire (malgré des douleurs physiques qui l'obligeaient à avoir recours depuis des années à des drogues par prescription médicale interposée, dont la cocaïne - ce que l'on sait aujourd'hui de façon formelle -) avec, à ses côtés dans la décapotable, son épouse tout aussi souriante. Soudain, des coups de feu attribués rapidement à Lee Oswald, a priori bouc émissaire idéal. John Kennedy s'écroule sur l'épaule de Jackie dont le tailleur rose se retrouve maculé de sang... Puis le décès de l'homme qu'elle aime et qu'elle aimera toujours.
Comment ne pas perdre la tête à son tour ?
Ce destin atroce se sédimente quoi qu'il en soit dans un contexte déjà difficile pour Jackie Kennedy. De fait peut-on évoquer une possibilité de syndrome, un syndrome étant constitué de différents symptômes et signes cliniques.
Dans l'histoire de cette jeune femme ambitieuse et complexée par son enfance, apparaissent des " fausses couches ", au sens propre comme au sens figuré, qui se répètent :
. Fausses couches liées à ses maternités difficiles
. " Fausses couches " de son mari pathologiquement infidèle
. " Fausses couches " sociales dues aux origines nébuleuses de la fortune du patriarche Joseph Patrick Kennedy.
Ce " millefeuille " pathétique aura surtout eu pour conséquences déplorables que Jackie Kennedy tente inconsciemment, une fois son conjoint disparu, de refaire l'histoire à sa façon : son rôle qu'elle estimait " prépondérant " dans les fonctions politiques du clan Kennedy, les frasques amoureuses de son époux dont elle a raconté qu'elle ne souffrait pas, son mariage avec le célèbre armateur grec que JFK ne supportait pas... Pour la psychanalyse, il s'agit d'un processus dit d'annulation rétroactive, c'est-à-dire une façon inconsciente de gommer des souvenirs douloureux et particulièrement insupportables. Une question de survie psychologique puérile mais qui, malheureusement, conduit systématiquement au désastre : Jackie Kennedy avait accordé ces huit heures d'entretiens à Schlesinger en 1964, elle s'est éteinte à 64 ans...
Commentaires
Oliver
Mieux que mes livres d'Histoire !
Je suis trop jeune pour avoir été interpellé par cette histoire de " Dallas ". J'ai surtout lu dans la presse, il y a quelques temps, la reprise de la saga télévisée que mes parents ont connu.... Il ne doit pas y avoir de hasard. En tous les cas j'ai été passionné par votre leçon d'Histoire mais surtout par le côté psychologique de cette famille Kennedy. 1963, c'est la date de naissance de mon oncle et 1994, l'année de ma naissance... Certainement des choses à acomprendre en ce qui concerne ma propre famille pour que j'ai eu envie de poster un commentaire ! Merci.
Danièle-Dax
Une destinée entre ombre et lumière...
J'étais très jeune quand ce drame est survenu mais je me souviens que mes parents étaient attristés...
Pour revenir plus précisément à l'approche psychanalytique de Chantal Calatayud, elle m'a fait saisir combien un drame de cette ampleur peut abîmer psychologiquement une épouse présente au moment d'une telle tragédie... Même si les télévisions ont passé énormément de documentaires de cette atroce journée, je pense que les images que nous avons pu voir ne sont rien par rapport à la réalité qu'a dû subir Madame Kennedy et que l'extrême violence n'a pu que lui laisser des traces psychologiques indélébiles...
Jean
J'étais au CE 2
J'étais au CE2 quand ce drame est arrivé. Je me souviens que même notre maître d'école nous en avait parlé. Ils nous avait conseillé de regarder les funérailles à la TV. Mes parents ne l'avaient pas et c'est chez un voisin que j'ai assisté à la retransmission des obsèques !
cricri
La psychanalyse pour ne pas juger...
Je viens de découvrir ce blog qui m'a beaucoup intéressée.
Une fois de plus et combien même certains encore de nos jours décrient les explications psychanalytiques dans les réactions humaines, ces explications didactiques permettent entre autres de ne pas juger...
Louis
Je suis bien d'accord avec vous !
On comprend très bien avec le blog de Chantal Calatayud qu'analyser n'a rien à voir avec juger. Il existe de façon dommageable une grande confusion de la part de certains. Certains qui feraient bien de faire preuve de plus d'ouverture intellectuelle. Je n'ai pas fait de psychanalyse mais j'adhère tout à fait à ces explications qui sont cohérentes et surtout accessible au non-initié que je suis.
Orlan
Une explication qui suggère l'acceptation de ses comportements
Avec l'interprétation de ce drame abominable, on comprend mieux pourquoi Jackie Kennedy a perdu un peu la tête parfois...
Michèle
C'est sûr !
On n'est surtout plus enclin à porter des jugements hâtifs.
Mireille-cogolin
Une recherche de protection probable
Je ne peux qu'être d'accord avec les commentaires précédents. En revanche et pour avoir vu plusieurs émissions à la TV sur l'assassinat du Président Kennedy, j'ai cru comprendre que sa veuve avait craint d'être récupérée par le clan Kennedy, ainsi que ses enfants, ce qui l'aurait poussée vers Monsieur Onassis, homme mondialement puissant à l'époque...
Lilou.G
Auparavant, il y a eu les bras très protecteurs de Robert...
Je comprends ce que rappelle Mireille mais avant Onassis, elle avait eu cette liaison, a priori avérée, avec son beau-frère Robert Kennedy, alors qu'il était marié, assassiné à son tour le 5 juin 1968 (je viens de le vérifier...). À partir de là, elle se dirige vers l'armateur grec (!!!) qui la convoîtait, et elle l'épouse le 20 octobre 1968 (j'ai vérifié également) !!! Les dates parlent d'elles-mêmes, même si cette destinée n'enlève rien à l'énorme traumatisme que cette jeune femme a subi...
Orlan
Les 2 frères avaient les mêmes goûts féminins !
Je ne savais pas pour Robert...
Il semblerait donc que les 2 frères aient été attirés par le même genre de femmes...
En même temps, vu l'âge qu'ils avaient à leur décès, ils ont sûrement bien fait d'en profiter...
Gabrielle
Passionnant
Comme Oliver, cette histoire ne m'est pas contemporaine mais elle est passionnante avec cet éclairage psy.
Amélie
Un autre visage
Tout simplement passionnant de voir une histoire humaine sous cet angle ! Un non-jugement que beaucoup aujourd'hui devraient s'appliquer à cultiver ! J'étais bien trop petite, lors de ces évènements... Mais en lisant ce blog de Chantal Calatayud, je crois que je "comprends" un petit peu, cette "réserve instinctive", quant à cette première dame, qui ne m'a jamais semblée fort sympathique... Comme si "elle me montrait" quelque chose qui m'effraie peut-être "inconsciemment" ? J'ai une question que je me pose toutjours aujourd'hui... Comment réagirais-je face à l'horreur d'un "vécu de guerre" ? Au fond, je crois que ce blog, me rend presque "sympathique" cette femme... Une belle leçon d'humilité quant à mon jugement bien facile...