Privilège ou rétorsion ?

Portrait de Chantal Calatayud

Au tout petit enfant il est appris que s'il fait du mal, il se fera mal a posteriori. Il semblerait qu'en règle générale, il intègre assez vite cette loi de réciprocité dans la mesure où, durant les premières années de son existence, très dépendant de ses parents, il redoute de perdre leur amour et de connaître éventuellement la trajectoire difficile du Petit Poucet ! Il peut même asséner cette vérité à ses copains ! En grandissant, il prend de l'assurance en réalisant qu'il pourrait se débrouiller seul le cas échéant ou qu'il trouverait de toute façon des solutions... La mise en garde des responsables de son éducation se dilue. Il transgresse, brave les interdits, ne s'en sort pas si mal et commence à imaginer que les adultes lui ont faire peur pour... rien ! L'adolescent oublie, au conscient, les recommandations séculaires et protectrices quant aux rétorsions, véhiculées en lien avec ses attitudes jugées antisociales par son entourage, y compris au sein de sa propre famille.

Ce refoulement des conseils éducatifs s'explique par le fait que l'inconscient, pétri d'un monde onirique riche, se sent systématiquement vainqueur des épreuves les plus démoniaques, victoires récurrentes dans ce monde nocturne et qui tiennent la plus élémentaire morale à distance. Mais le rêve n'est pas la réalité ! Toutefois, une illusion tout aussi " inconsciente " a la vie dure : la confusion entre rétorsion et cadeau face aux aléas du quotidien... Pour sortir de cette confusion, prenons deux exemples en apparence identiques :

. Sylvain vient d'apprendre de son amie qu'elle a pris la décision de le quitter car elle a rencontré un nouvel amour... L'homme est effondré mais voilà 5 ans qu'ils sont ensemble et 5 ans qu'il trompe sa compagne qui, pourtant, ne le savait pas : il s'agit d'une rétorsion pour Sylvain.

. Frédéric vient d'apprendre lui aussi que son amie a choisi d'aller vivre avec un collègue de travail. Frédéric s'est toujours comporté avec respect dans son couple. Cette séparation est une opportunité pour lui, tout aussi douloureuse soit-elle sur le moment : elle va lui permettre de s'interroger pour rebondir.

À l'inverse, le drame de la rétorsion c'est qu'elle constitue une véritable punition car elle ne permet aucune interrogation. Le système est bloqué de l'intérieur par le surmoi, censeur sévère qui n'autorise pas la moindre auto-analyse pour avancer. Surviennent alors des compulsions de répétition affligeantes qui rendent tout aussi aveugle...

. Myriam a toujours rencontré des problèmes avec son voisinage au fil de ses multiples déménagements qu'elle provoque et rationalise. Dès qu'elle pose ses valises dans un nouvel appartement, elle se plaint du bruit du voisin du dessus, du chien de l'habitation d'à côté, etc, etc... Jusqu'au jour où elle a trouvé les pneus de sa voiture crevés sur le parking de sa résidence. Elle n'a rien fait de cet épisode qui, selon elle, lui a donné une fois de plus raison : cet immeuble est décidément malfamé ! Un de plus...

. Virginie est une jeune femme souriante, malgré la disparition tragique de son jeune mari dans un accident de la route. Serviable, discrète, elle comprend que certains occupants de son immeuble puissent faire un peu de bruit de temps en temps à l'occasion de la venue d'amis. Elle comprend aussi qu'un chien aboie quelquefois... En prenant son véhicule pour aller travailler, elle découvre que son rétroviseur a été accroché et détérioré par un conducteur peu scrupuleux qui n'a pas laissé ses coordonnées. Elle constate l'indélicatesse mais pas question de se lancer dans une rage moralisatrice inutile qui la viderait de l'énergie vitale dont elle a bien besoin. Virginie réfléchit à ce qui vient de lui arriver... Elle en déduit qu'elle doit avancer malgré son veuvage et ne plus regarder en arrière (le rétroviseur) de façon pathologique : elle ne pourra jamais faire revenir à la vie son mari. Ils se sont aimés. Lui n'est plus mais elle n'a que 32 ans et ne doit pas s'interdire l'amour naissant avec Antoine. Désagréable en apparence, l'incident du dégât matériel lui a offert cette prise de conscience libératrice, d'autant qu'il met en évidence un invariant avec la disparition de son époux : la voiture...

La différence fondamentale entre rétorsion et sublimation repose sur la nécessité quotidienne de solliciter ce qu'il existe de plus noble en nous pour pouvoir bénéficier des bienfaits de la résilience. Cette attitude requiert essentiellement d'établir l'opposition entre vengeance par rapport à autrui et revanche par rapport à soi. Il est regrettable qu'une ex-fausse-Première Dame n'ait jamais été informée de l'importance de saisir cette nuance. Sa " mission à remplir " se situait juste à ce croisement psychologique qui lui proposait d'opter soit pour la désolation, soit pour la voie... royale ! N'oublions pas, comme le rapporte déjà Saint Paul vers l'An 49 de notre ère dans son épître aux Galates, que " ce qu'un Homme aura semé, il le récoltera aussi "... Et dire qu'il est pourtant si simple de n'indiquer à nos pensées qu'un sens constructif et positif en nous focalisant sur le Bien plutôt que sur le mal. Ainsi, le négatif battra en retraite et tout relationnel se manifestera tellement plus favorable à notre évolution...

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