Stop au couple bourreau/victime !

Portrait de Chantal Calatayud

Se laisser dominer est la plus grande des souffrances. En outre, la domination sévit sous toutes les formes relationnelles que ce soit, en sachant qu'on crée tout seul ce mécanisme funeste...

Dans ce rapport transférentiel fréquent qui s'établit, il se révèle pourtant curieusement difficile à identifier qui est le bourreau et qui est la victime. C'est ainsi que Pauline a toujours dit amen (" amène ", linguistiquement parlant) à son mari dont la situation sociale lui permet de ne pas travailler. Elle a forgé, peu à peu, une identité singulière : elle ne fait rien car elle ne sait rien faire ! Son époux assume tout, jusqu'au moindre courrier administratif. Les comptes bancaires, n'en parlons pas ! Elle l'appelle dix fois par jour au bureau : le chien semble aller mal, le disjoncteur a sauté, la machine à laver fait un drôle de bruit, l'eau de la piscine va sûrement tourner, des coups de fils anonymes pleuvent sur la ligne fixe de la maison... Et le mari de trouver des réponses, voire des solutions, quand il ne se précipite pas parce la " pauvre " ne se sent pas bien... Freud parle ici de " bénéfices " mais à ce petit jeu-là, on finit systématiquement par perdre. Effectivement, la " victime " devient le profil psychologique qu'elle a véhiculé pour conserver une place privilégiée. Toutefois, il n'y a pas que le couple affectif qui donne à constater cet état pathologique, comme sur le lieu professionnel où on peut observer ce schéma. C'est toujours le même employé qui se dit perdu, pas à la hauteur du dossier qu'il a à traiter... Cette victime a son bourreau à disposition : c'est toujours le même collaborateur qui vient à son secours et qui finit par effectuer les tâches.

Ces tandems névrotiques doivent cesser, les résultats obtenus de force par ces profils pathologiques, fabriqués de toute pièce, s'avérant catastrophiques. Ils conduisent à l'impuissance et aux somatisations graves la plupart du temps :
. Chez la victime, puisqu'elle accroît ses déficiences fantasmatiques qui deviennent malheureusement réelles. C'est le cas de Muriel qui répétait sempiternellement à Lionel, son conjoint, qu'elle ne tenait pas debout tant une fatigue quotidienne la laissait " à plat " ; depuis son accident de voiture, elle est paralysée.
. Chez le bourreau, puisqu'il n'en peut plus de jouer au sauveur et qu'il cherche, inconsciemment, à en finir avec un quotidien exaspérant et épuisant. C'est le cas de Lionel, le mari de Muriel, qui conduisait la voiture lors de l'accident dans lequel elle a perdu l'usage de ses membres inférieurs et qui, par culpabilité, s'est enfoncé dans une dépression sévère.
** Résultat : deux malades qui vivent ensemble mais ne peuvent plus rien l'un pour l'autre.

Alors, on en sort comment de ce scénario infernal ?

En faisant, sans exception, ce que l'on est en capacité de faire ! Ainsi les " Passe-moi le sel " sont-ils à bannir : on se lève et on va chercher la salière ! Entre autres. D'autant que si, un jour, nos jambes nous faisaient défaut, comme dans l'exemple dramatique de Muriel, on regretterait le temps où nous ne les avons pas suffisamment utilisées. Quant à nos possibilités intellectuelles, le raisonnement salvateur doit être identique : les exercer, les apprécier, les entretenir, leur lancer des défis, les faire progresser, les améliorer, sont des attitudes saines qui vérifient la qualité de nos ressources et qui nous font avancer toujours davantage. D'autant qu'il ne s'agit pas " d'oublier " qu'aucun être humain n'est jamais à l'abri de la terrible maladie d'Alzheimer... N'oublions pas non plus que " si on n'est jamais si bien servi que par soi-même ", l'écrivain français Gilbert Cesbron a précisé qu'on est surtout jamais si bien asservi que par soi-même...

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Commentaires

Portrait de Jean

Cela fait du bien de temps en temps un petit psycho-choc comme le vôtre, Chantal, pour ne pas oublier toutes les choses que l'on peut faire sans étayage. Et il y en a beaucoup !

Portrait de Virginie Roques

Effectivement , deux malades , deux êtres qui souffrent sans plus parvenir à communiquer entrent dans une relation malsaine d'ou il est difficile de savoir qui est bourreau et qui est victime . Je crois que le distinguo est loin d'être aussi franc qu'il n'y paraît . Aprés la mort de notre fils ( première fois que j'écris notre et non mon ), mon mari m'ayant abandonnée à mon chagrin avec mon fils aîné à charge affective , nos rapports ont profondément été bouleversés . Le  "fautif "s'est empêtré dans la culpabilité , devenant incapable de rester composant du couple, choisissant le déni et la fuite tandis que je devenais extrêmement vulnérable et dépendante dans ma peur de perdre  " mes hommes " . Je lui en ai terriblement voulu. Lui s'est complu dans une posture de victime quasi permanente. Un an aprés , nous avons perdu notre fille et j'ai subi. J'ai baissé les bras : être forte pour tous ,  me relever pour tous sans être jamais considérée comme une mère amputée d'une partie de sa maternité . J'ai perdu l'envie du couple , me consacrant seulement à sauver mon âiné qui souffrait . Mon mari a commencé à me reprocher de n'être pas capable de donner la vie , à me culpabiliser sur ces décés et les fausses couches qui suivirent . Pour se dédouaner de sa culpabilité il est devenu bourreau : il m'a humiliée, délaisséé, allant jusqu'à faire payer à mon fils ( né d'une précédente relation ) d'être lui toujour en vie . J'ai vécu ainsi 6 ans avant d'annoncer à mon époux , à bout de souffrances et de patience aprés avoir proposé une thérapie de couple et familiale refusées maintes fois , que je partais .  Voyant qu'il ne menait plus la danse , il m'a abandonnée sept jours aprés avec mon fils . Il ne s'est jamais présenté aux audiences de divorce et je suis libre depuis seulement un mois et demi mais je travaille aujourd'hui pour ne plus jamais retomber dans ce schéma de couple dont je peine à guérir ..sans parler de mon fils âiné complétement détruit . Ne jamais oublier les victimes collatérales de ces relations malsaines...

Portrait de Modérateur

Merci Virginie pour votre témoignage. Vous démontrez que, malgré tout, il ne faut jamais baisser les bras...