Le musée Guimet à Paris nous fait découvrir une facette méconnue du " Tigre ".
Effectivement, encore surnommé " Père la victoire ", on connaît Georges Clémenceau comme faisant partie des élus politiques comptant parmi les plus importants de son époque. En revanche, ce que l'on sait moins, c'est que cet homme d'État abritait une véritable passion et une soif de connaissances pour la civilisation, les religions et les arts asiatiques. Clémenceau, radical-socialiste, anticlérical, anticolonialiste, antimonarchiste convaincu, s'est battu avec une grande conviction en faveur de la séparation de l'Église et de l'État. Ces caractéristiques peuvent expliquer sa fascination pour Bouddha qui avait choisi délibérément de quitter la facilité et son confort de vie pour aller à la rencontre de l'humanité. Ainsi " Le tombeur du Ministère " (son autre surnom !) aurait-il rassemblé plus de 7000 pièces de collections représentant le monde de la sagesse bouddhiste. Le musée Guimet est parvenu à rassembler 800 de ces objets : peintures, estampes, boîtes à encens japonais (les fameux kôgôs si raffinés), céramiques, masques (Clémenceau adorait le théâtre asiatique), photographies... À ce sujet, il est à noter un détail un peu triste d'un passage de l'existence de Clémenceau : il dut se séparer et vendre aux enchères une grosse partie de sa collection privée (qu'il avait acquise à moindre coût car à la fin du XIXème siècle, les arts asiatiques ne rencontraient que peu de succès) quand il fut mis en cause, avec un acharnement douteux de ses adversaires, dans le scandale de Panama qui lui vaudra son échec électoral.
L'admiration qu'avait Georges Clémenceau pour Bouddha le poussait toujours davantage à passer par des oeuvres artistiques, souvent minimalistes, qui renvoyaient la pensée Zen. Il se disait d'ailleurs bouddhiste et fut l'un des premiers hommes influents sur la scène politique à faire découvrir aux Français l'art sublime et philosophique de l'Extrême-Orient.
En 1920, pendant six mois, Clémenceau parcourut l'Asie pour essayer d'en saisir la philosophie. J'aime cette idée jusquau-boutiste d'un homme au statut de chef de guerre qui cherche et s'acharne à visiter et revisiter la paix, ses fondements, son sens, avec intelligence et humilité, pour s'égarer et égarer les citoyens le moins possible. Cette autoanalyse récurrente peut expliquer en partie ses nombreuses remises en question...
Précisons que cette exposition, " Clémenceau, le Tigre et l'Asie ", qui se tient à Paris* jusqu'au 16 juin, se déplacera ensuite au Musée des arts asiatiques de Nice, puis à L'Historial de la Vendée.
* Musée Guimet
6 Place d'Iéna
75116 Paris
01 56 52 53 00
Commentaires
Gilbert
Fascinant !
J'avoue que ma culture à propos de Clémenceau se limitait jusqu'ici à la série télévisée " Les brigades du Tigre " des années 1970 et au porte-avion du même nom. Je découvre avec votre texte un personnage fascinant. Bouddhisme et politique ne vont a priori pas de pair. Pourtant, cet homme semble avoir intégré cette philosophie comtemplative à une vie d'action. Ce qui m'intéresse au plus haut point. Merci pour cette transmission qui donne envie de se rendre à Paris d'ici le 16 juin !
Isabelle
Georges Clémenceau et Claude Monet
Je ne connais pas très bien, moi non plus, " l'histoire " de Georges Clémenceau... Mais j'ai découvert, en me documentant sur " l'histoire " de Claude Monet, que ces 2 grands hommes ont entretenu une solide amitié durant plusieurs décennies. Peut-être, la base... leur passion commune pour les estampes japonaises. Monet et " Le Tigre " se vouait un véritable respect mutuel... Lorsque Claude Monet réalisa sa dernière " Grande oeuvre ", " Les Nymphéas " , les derniers mois de travail furent très difficiles car il était lourdement invalidé par une cécité totale d'un oeil et partielle du second. Georges Clémenceau, non seulement le soutiendra et l'encouragera jusqu'au bout, mais il sera même pour une part, l'instigateur de cet ultime oeuvre de Monet... Jusqu'au-boutiste, il l'était... Il ne faillira jamais sur son engagement à la reconnaissance de l'oeuvre de son ami Claude Monet. C'est en grande partie à Georges Clémenceau que l'on doit l'exposition permanente des " Nymphéas " à l'Orangerie, cette salle ayant été spécialement aménagée à cet effet... Au grand regret de Georges Clémenceau, l'ouverture ne sera effective que quelques mois après le décès de Claude Monet. Il a été écrit d'ailleurs, que Georges Clémenceau, demandera quelques instants de solitude devant les " Nymphéas ", juste avant l'ouverture au public et qu'il en sortira visiblement fort ému... Alors pourquoi, en passant par Paris, ne pas en profiter pour se rendre aux 2 expositions...
Gilbert
Décidément !
Décidément ! Georges Clémenceau est un homme à connaître. Merci Isabelle pour ces précisions qui me rendent encore plus attachant ce personnage qui n'était, avant cet échange initié par Fanchon, qu'un nom parmi tant d'autres dans les livres poussiéreux de l'Histoire.
Hugo Natoli Psy...
"Jusqu'au-bouddhiste"
Merci pour ce texte et vos précisions qui éclairent le parcours de cet homme sous un jour nouveau et humanisant. Georges Clémenceau " jusqu'au-bouddhiste " serait-il allé au bout de la voie...