Surmonter sa timidité

Portrait de Chantal Calatayud

Dès notre plus jeune âge, nous sommes soumis à ce qui se dit et à ce qui ne se dit pas ou à ce qui se fait et à ce qui ne se fait pas. C'est normal dans la mesure où appelé à vivre dans la société, le petit d'Homme doit très tôt se conformer aux codes symboliques. Mais le voilà stigmatisé à jamais, d'autant que si sa famille lui a " donné ", voire asséné une éducation bien à elle, transmission filiale oblige, à l'extérieur les limites peuvent en être éloignées ou - à l'inverse - sacrément renforcées. Et la timidité de pointer son nez car ce sentiment d'insécurité s'étaye ainsi sur une sorte de confusion psychique entre le " dedans " et le " dehors ", entre une parole quelque part endogamique et des paroles exogamiques... Mais, quoi qu'il en soit, la timidité présente l'énorme inconvénient d'un manque d'assurance qui limite et perturbe toutes les relations, amenuisant de facto l'audace et donc les réalisations pourtant potentiellement possibles... Toutefois, la timidité se surmonte et même se dépasse. À condition de faire siennes certaines évidences :
. Avoir pleinement conscience que la perfection n'existe pas.
. S'entraîner à s'apprécier tel que l'on est aujourd'hui.
. Arrêter d'idéaliser ses proches.
. Perdre le mauvais réflexe de se comparer.
. Réaliser que les erreurs sont enseignements.
. Savoir que ne pas transmettre représente un acte de rétention autopunitif.
. Comprendre que ne pas exprimer ses idées revient à se priver de celles des autres.
. Accepter qu'on ne puisse pas plaire à tout le monde.
. Intégrer que le moindre regard extérieur est subjectif et projectif.
. Saisir que chacun abrite des qualités complémentaires utiles à autrui.
. Considérer que vivre nécessite d'être conscient de ses capacités pour amener sa pierre à l'édifice de l'humanité.
. Se forger la certitude que les êtres humains rencontrent un jour, sans exception, les affres de la timidité.
. Apprendre à accueillir son entourage de sorte qu'il exprime ses propres convictions et... émotions.
. Prendre l'habitude quotidienne de ne plus baisser les yeux devant tout interlocuteur.
. Avoir la sagesse de discuter de sujets bien intégrés.
. Développer la certitude (raisonnable) que ses avis sont fondés, pertinents et légitimes.
. Imaginer le rejet de ses argumentations par une assemblée.
. Admettre les critiques comme étant des agents d'évolution précieux.
. S'appliquer à innover en l'absence d'un public dans un premier temps.
. S'endormir en se voyant à sa place en tout lieu...

... Et puis aussi travailler avec enthousiasme, comme le suggérait Alain, le philosophe : " L'action guérit cette sorte d'humeur que nous appelons, selon les cas, impatience, timidité ou peur "...

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Commentaires

Portrait de Cécile

Ma timidité, que je pense avoir un peu surmontée, s'ancrait surtout dans la peur des critiques. La moindre remarque négative me paralysait littéralement. Aujourd'hui, je les admets de plus en plus " comme étant agents d'évolution précieux ". Votre texte est un encouragement à continuer à travailler sur moi... avec enthousiasme !

Portrait de Isabelle

J'ai encore du pain sur la planche ! Mais j'essaie de m'améliorer... J'aime beaucoup la conclusion avec la citation d'Alain le philosophe... Elle est très parlante et en plus, Alain c'était le prénom de mon père...

Portrait de Ludo_437

J'ai été un enfant extrêmement timide. Ado ça ne s'arrangeait pas. Je rougissais pour un oui, pour un non. C'est ce qui s'est passé dans un repas de famille auquel étaient conviés mes grands-parents maternels. Mon grand-père, ancien militaire, n'était pas souple. Ça l'a énervé de me voir rougir une fois de plus devant tout le monde. Il s'en est pris à moi en me disant que je n'étais quand même pas le nombril du monde ! Je n'ai pas compris tout de suite ce qu'il avait voulu me dire. Je suis resté tellement mal pendant des mois en repensant à ce repas et à cette remontrance que ça a fini par faire son chemin... En fait, la timidité cache un narcissisme beaucoup plus important que ce que ce sentiment le donne à voir. Quand on est timide, on a l'impression que le monde entier va nous regarder ou nous regarde... Mon grand-père m'a débarrassé de ce que je considère aujourd'hui être un énorme défaut. N'en déplaise aux timides dont j'ai fait partie encore une fois ! Sans sa réflexion très dure, très sévère, je ne me serais jamais lancé dans des études de droit et je n'aurais jamais pu imaginer devenir un jour avocat... Je suis heureux d'avoir pu lui dire avant son décès. J'ai vu qu'il avait été heureux de ma reconnaissance...

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Je confirme, Ludo, que la timidité cache un grand narcissisme, narcissisme paradoxalement invalidant. Je dis toujours alentour que ma psychanalyse m'a appris à parler. Elle m'a appris à parler parce qu'elle m'a fait comprendre que je n'étais pas seul au monde ! Pas seul au monde dans les deux acceptions de l'expression : le sentiment douloureux de solitude s'est estompé et en même temps la conscience que l'altérité existe qu'il fallait bien que j'en tienne compte et que je développe l'humilité... Aujourd'hui, je suis devenu un psychanalyste qui écoute, bien sûr, ses patients... mais qui leur parle aussi !-)

Portrait de Orlan

Je suis sorti de ma timidité quand j'ai accepté de me tromper sans éprouver de honte. Mais c'est grâce à une partie de Scrabble que j'ai commencé à intérioriser le fait que l'erreur est humaine... C'était une partie avec des amis plutôt bien bardés de diplômes. L'un d'entre eux (pharmacien biologiste) s'est trompé d'orthographe sur le terme " obnubilé ". Il avait écrit " omnibulé "... Quand nous lui avons fait remarquer, il a lâché : " Tout le monde peut se tromper "... Ma timidité s'est nettement diluée à partir de ce " grand " moment !

Portrait de Arjona Isabel

La timidité...ça me parle. Pendant toute mon enfance et mon adolescence je n'ai fait que rougir et me sentir mal dès que l'on s'adressait à moi. En classe, je me retournais pour vérifier que c'était bien à moi qu'on s'adressait. Je me sentais affreusement bête et je me demandais qui pouvait bien être intéressé par une de mes opinions. Dans la rue, je rasais les murs et je baissais les yeux comme si je n'existais pas. Ce n'est qu'au lycée et grâce à un enseignant que j'ai levé les yeux et émis une opinion. Il n'a pas respecté mon mur de silence et je l'en remercie encore, il m'a simplement dit un jour :" pourquoi as-tu peur des autres et de leur regard sur toi, il n'y a que toi qui te met des obstacles. De toute façon tu ne plairas pas à tout le monde. Si tu ne l'acceptes pas, tu seras toujours seule et tu n'existeras pas". Depuis, je ne rougis presque plus et je peux dire ce que je pense sans imaginer ce que les autres vont dire. La psychanalyse m'a enseigné elle aussi, que le regard des autres et subjectif et projectif, qu'il ne me dit rien de moi mais plutôt tout de celui qui l'a jeté sur moi. A présent j'ai un fonctionnement qui me permet de ne pas me sentir la cible des autres. Quand on me dit quelque chose, je me demande toujours "qu'est-ce que cette personne est en train de me dire d'elle même", car dans nos remarques sur les autres, il ne s'agit que de projections de nous-mêmes. En faisant ça, les autres continuent à exister mais ils ne peuvent plus nous atteindre et les relations se pacifient.

Au plaisir de vous lire...

Portrait de Jean

En surfant sur ce super espace d'expression, je viens de relire ce blog fort instructif de Chantal Clatayud, et j'avoue qu'il tombe à pic. " On ne peut pas plaire à tout le monde " m'a interrogé sur mes propres velleités à vouloir séduire, ce qui a pour conséquence de ne pas toujours dire ce que j'ai au fond du coeur. Le mot "idéalisation" aussi est lourd de sens pour moi. Il m'invite à travailler, comme le dit Alain, encore et encore, à imaginer une assemblée qui ne serait pas d'accord avec mes vues, à accepter les critiques, à saisir que certaines ne sont que projectives mais qu'elles peuvent me faire évoluer. Moi aussi, comme Isabel Arjona, j'étais un grand timide. Je me rends compte que j'ai réglé pas mal de choses mais qu'il m'arrive de me laisser encore avoir par peur, fainéantise et manque de ré-flexion. Merci, Chantal, pour ces conseils précieux à mettre en pratique au quotidien, en tous cas, en ce qui me concerne. Plein de bonnes résolutions ici pour ce début d'année ! Comme par exemple :

. Prendre l'habitude quotidienne de ne plus baisser les yeux devant tout interlocuteur.
. Avoir la sagesse de discuter de sujets bien intégrés.