Aimer sans perdre la raison

Portrait de Chantal Calatayud

Il y a amour et Amour. Paradoxalement, ce distinguo peut nous entraîner sur des voies faciles de raisonnement. À donc utiliser avec prudence... Certes, il y a l'amour but et l'amour sens. L'amour vache, auquel on voudrait nous faire croire, reste – quant à lui – inexact dans sa formulation. Du moins pour l'ensemble des courants psy, peu enclins au jugement puisque soucieux de comprendre que tout individu qui fait du mal a mal. Quoi qu'il en soit, l'amour, affublé ou pas d'une majuscule, se moque un peu de ces balivernes différentielles. Il sait pouvoir résister aux philosophies contradictoires, aux religions manipulatrices, aux idéologies utilisatrices et, surtout, aux couples socio-affectifs en attente de recettes, voire de miracles. L'amour, c'est tout autre chose encore.

Une phrase significative, savamment usitée par d'intelligentes publicités et aux allures d'avis définitif, veut nous pousser « à tout prix » dans les bras du Prince Charmant ou d'une Princesse encore plus Charmante : amour rime avec toujours. En matière de sentiments conjugaux ou même filiaux, nous nous savons le plus généralement dupés par cette pseudo-vérité. Et pourtant, que toujours s'associe sans faiblir avec amour devrait être notre credo. Car, entretenir notre désir d'aimer... toujours... demeure indispensable.

Ce qui abîme les humains que nous sommes est l'alternance de bonnes et de mauvaises intentions. Ces médiocres répliques à ce que nous pensons être bienveillant ou malveillant nous amènent à délaisser régulièrement une nécessité : l'obligation louable de maintenir à un niveau correct de respect et de reconnaissance toute relation à autrui. Persuadés aussi que nous sommes qu'après le beau temps vient la pluie, s'aimer sur un mode continu constitue un écueil de taille supplémentaire. Plus féroce encore, le fait d'adhérer complaisamment à une autre pensée réductrice : l'amour rendrait aveugle ! Quel entraînement précieux et profitable cependant que de pratiquer l'amour − dans toutes ses invitations acceptables − au fil de notre existence. Et, d'ailleurs, qu’y a-t-il de plus paisible au monde que le sourire de l'aveugle que nous aidons à traverser une rue ?

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Commentaires

Portrait de Gilbert. R. Psychanalyste

Une belle synthèse qui " guide " vers le magnifique sourire d'un non voyant qui éclaire une âme ! Je retrouve dans votre texte, Chantal, l'essentiel d'un parcours psychanalytique, que ce soit pour celui (celle) qui fait profession de guidance de cure ou celui (celle) qui sollicite une main tendue à un moment de son existence. Le moteur de la cure est certes le  " transfert " ... Mais comme le dit Jacques Lacan dans une  de ses rares interviews, se réclamant des travaux de Freud et en rappelant toutes les précautions théoriques sur cet artifice méthodologique : " Il n'y a aucune distinction entre le transfert et l'amour... A partir de là commence la question ... ". D'où l'intérêt de l'interrogation quotidienne, avec pour nécessité cette obligation louable de maintenir à un niveau correct de respect et de reconnaissance toute relation à autrui...

 Merci, Chantal Calatayud

Gilbert. R.

Portrait de Viviane

Pour tant d'amour... Merci ! L'amour c'est aussi une question de confiance, dans son sens le plus universel qui soit... Et pour ma part, j'aime beaucoup cette image du "sourire de l'aveugle que l'on aide à traverser"... ce qu'on voudrait toujours peut-être, c'est ce "ressenti d'instants de grâce" en quelque sorte... Comme quand un petit enfant, met sa main dans la vôtre en toute simplicité, confiance et abandon (dans le bon sens du terme)... Quoi qu'on en dise, et au-delà même de tous les schémas psychiques... Il est des gestes Dieu merci ! qui ne "trompent pas"... même très instinctivement... car alors il s'agit bien déjà d'une sorte d'alchimie entre humanité et divin... Alchimie qu'il est toujours possible de s'appliquer en premier lieu, pour peu qu'on veuille bien se donner la main... Cette main que nous avons d'abord "confier" un jour, ne serait-ce qu'une fois...

Portrait de Cécile. G.. Psychanalyste

L'amour au quotidien et non plus cet quête de l'Amour avec un grand A, pour une et une seule personne élue. Mais l'amour à chaque rencontre, un travail de chaque jour pour entretenir le désir d'aimer  parce que, ce n'est pas simple. Cela a fait écho à ce que disait Jacques Lacan : " L'amour, c'est offrir à quelqu'un qui n'en veut pas, quelque chose que l'on a pas ". On ne choisit pas vers qui va aller cet amour, s'il en voudra, mais il faut être prêt !

Il est tellement facile de se déconnecter de l'essentiel, merci Chantal !

Portrait de Annie

C'était un mercredi après avoir déposé ma fille à son activité j'allais me rendre dans un salon de The pour en déguster un . Ma gourmandise me poussait à choisir un morceau de galette mais je ne me l'autorisais pas car trop de gourmandise tu le plaisir .la patronne du lieu à sûrement remarqué que je regardais cette fameuse gourmandise.
Elle me déposa sans me le demande un morceau de cette bonne galette.
Je vais pour prendre place...
Il restait plus qu'une seule place près d'un SDF ; je m'assayait près de lui voyait qu'il n'avait qu'un café et comme la vie peut être difficile je lui donnait mon morceau de galette. Ma joie était encore plus grande le lui ayant fait profiter car moi je pouvais en manger autant que je voulais alors que lui ses besoins était tellement restreint que ce n'etait même pas sur qu'il puissait remanger quelque chose dans la journee.
J'étais vraiment heureuse dans ce partage et dans cet amour pour l'être de donner ce morceau de galette, c'est un moment unique et magique, je le souhaite à n'importe qui de vivre ce très grand moment.
Merci pour l'article Chantal.

Portrait de Régis

Je ne sais pourquoi ce blog et ces dommentaires me ramènent à la parabole du bon Samaritain. Peut-être parce que l'amour c'est tout sauf l'indifférence et peut-être un geste simple de partage, un geste qui n'attend rien en retour, juste pour partager ce qui déborde de la coupe. Au bord de la route, personne ne s'était encore soucié de cet homme, attaqué par des malfaiteurs. Le bon Samaritain n'est pas un héros (comme le chante Daniel Balavoine), mais il acte... Il aide simplement à traverser la route Smile Il offre ses yeux, à un moment précis, à celui qui n'en a pas. 

Portrait de Charles

A la lecture du blog de Chantal Calatayud et des commentaires, j'avoue que j'ai écouté la chanson " Aimer à perdre la raison " de Jean Ferrat autrement. L'amour en question donc ! Il se trouve qu'une de mes connaissances vit une situation de couple difficile en ce moment et je me rends compte à quel point l'amour peut cotoyer la haine... Et surtout la souffrance ! Amour but, amour sens ? Difficile parfois à cerner la différence. Oui, l'amour peut rendre fou, mais encore faut-il s'entendre sur ce qu'est vraiment l'amour... Et là il y a du boulot, certainement pour les psys et leurs consultants. Merci pour ces éclairages en tous cas !

Charles